(Montréal) Une exposition à la pollution atmosphérique influence le développement de la flore intestinale d’un bébé pendant les six premiers mois de sa vie, ont constaté des chercheurs américains, ce qui pourrait ensuite avoir de multiples répercussions sur sa santé.

Un microbiote altéré pourrait notamment augmenter le risque pour l’enfant de souffrir d’allergies, d’obésité et de diabète. Ces changements pourraient même interférer avec le développement de son cerveau, ont prévenu les chercheurs de l’Université du Colorado à Boulder.

« Les premières années de vie sont une étape cruciale du développement du microbiote intestinal, a dit le professeur Frédéric Raymond, de l’Université Laval. Le microbiote est un peu comme une toile vierge qui va se constituer petit à petit […] via l’environnement de l’enfant, via ce qu’il mange, via l’interaction avec les différentes personnes, notamment avec la mère, et la pollution atmosphérique pourrait jouer un rôle là-dedans de différentes manières. »

Les sous-produits des bactéries qui composent la flore intestinale peuvent influencer des facettes aussi diversifiées de la santé que l’appétit, l’immunité et la cognition. Ils ont aussi été associés à des problèmes de santé chroniques.

Les chercheurs américains ont étudié une centaine de bébés d’origine hispanique qui avaient été principalement allaités. Ils ont ensuite utilisé leur code postal pour mesurer leur exposition à la pollution atmosphérique, notamment aux particules ultra-fines PM2.5 et PM10 (produites entre autres par les usines et les chantiers de construction) et au dioxyde d’azote (qui est surtout produit par les voitures).

Règle générale, ont expliqué les chercheurs dans un communiqué, une plus grande exposition à la pollution atmosphérique était associée à un microbiote au profil plus inflammatoire.

Par exemple, ont-ils illustré, les enfants les plus exposés aux particules PM2.5 avaient 60 % moins d’une bactérie qui combat l’inflammation et qui peut contribuer au développement du cerveau. Ceux qui étaient les plus exposés aux particules PM10 avaient 85 % plus d’une bactérie aux effets inflammatoires.

Ces mêmes chercheurs avaient précédemment fait des observations similaires chez de jeunes adultes. Ils recommandent aux femmes qui souhaitent protéger le microbiote de leur bébé des effets de la pollution de l’allaiter le plus longtemps possible.

Les interactions entre les polluants qui entrent dans les poumons des bébés et leur microbiote ne sont probablement pas très « intenses », a dit le professeur Raymond, mais « si on vit dans un environnement où on est constamment exposés à des polluants, ça peut devenir un peu plus chronique, ça peut avoir certains impacts peut-être un peu plus durables ».

La recherche a « beaucoup évolué » depuis 10 ou 15 ans, a-t-il ajouté, et les chercheurs comprennent de mieux en mieux les mécanismes qui font que le microbiote peut influencer la santé, même s’il en reste encore beaucoup à apprendre.

« Quand j’ai vu cet article-là, ça ne m’a pas choqué, a conclu le professeur Raymond. C’est une autre pierre à l’édifice pour comprendre le lien entre notre environnement, la pollution et ce qui se passe dans notre corps. »

Les conclusions de cette étude ont été publiées par le journal scientifique Gut Microbes.