Il n’y aura qu’une seule infirmière en poste ce dimanche aux urgences du Centre de santé de Kuujjuarapik, au Nunavik, ce qui compromet sérieusement les services offerts à la population. La situation n’a jamais été si grave depuis au moins 10 ans, selon le syndicat des infirmières, qui réclame l’intervention de l’armée depuis des semaines alors que Québec promet des renforts qui ne viennent pas.

« Je ne peux pas croire qu’avec toutes les lettres qui ont été envoyées, les moyens de pression qui ont été faits, on en soit encore rendu là », s’insurge Maïtée Labrecque-Saganash, candidate de Québec solidaire dans Ungava. « À ce point-là, c’est de la négligence. »

La communauté inuite de Kuujjuarapik partage son centre de santé avec le village cri de Whapmagoostui. Ce dimanche, une seule infirmière à la fois sera en poste du côté inuit, selon le plan de contingence envoyé vendredi et obtenu par La Presse. L’infirmière fera le triage au téléphone et pourra prendre les signes vitaux des patients si une visite aux urgences est nécessaire.

« C’est vraiment une situation qui met en danger tout le monde », dit Cyril Gabreau, président du Syndicat nordique des infirmières et infirmiers de la baie d’Hudson. « Moi, ça fait 10 ans que je suis dans le Nord, c’est la première fois [que je vois ça]. On tombe creux. »

Aucune des deux infirmières qui se partageront la tâche en deux quarts de 12 heures ne dispose de la formation de rôle élargi, qui leur permettrait de donner plus de soins en l’absence d’un médecin.

La prise en charge des patients reviendra donc aux infirmières du côté cri, qui ne seront que deux, selon le plan de contingence. « Imaginez qu’il y ait un accident de VTT du côté cri […] puis qu’il arrive une autre situation d’urgence du côté inuit », illustre M. Gabreau. À ce moment, il n’y aura personne pour prendre en charge les patients de Kuujjuarapik et Whapmagoostui, où vivent plus de 1800 personnes.

Ce plan « n’est pas parfait », admet la gestionnaire Sharon Collins, qui signe le plan de contingence. « Mais c’est ce qui arrivera jusqu’à ce qu’une meilleure solution soit trouvée. » La situation doit être réévaluée lundi.

Le CLSC et la clinique du Centre de santé demeureront fermés jusqu’au 19 septembre, lorsque des infirmières supplémentaires doivent arriver à Kuujjuarapik, indique Mme Collins. Cela signifie que les soins de santé non urgents comme la vaccination des enfants ou les tests de dépistage des ITSS ne pourront pas être offerts à la population, faute de personnel.

C’est une prolongation de la fermeture qui touchait déjà quatre communautés (Puvirnituq, Inukjuak, Kuujjuarapik, Akulivik) au début du mois d’août, lorsque les autorités locales demandaient l’intervention de l’armée. Québec avait alors rejeté cette demande et promis d’envoyer des effectifs médicaux rapidement et de signer une entente avec la Croix-Rouge. Ces effectifs se font toujours attendre.

« On devrait envoyer des effectifs en urgence comme les centres de santé dans le Nord le demandent », réclame Mme Labrecque-Saganash, qui dit avoir elle-même souffert du manque de ressources en santé dans sa communauté.

« On laisse une communauté entière sans service d’urgence. C’est inhumain », a dénoncé la candidate sur Twitter plus tôt samedi en interpellant le ministre de la Santé, Christian Dubé. « Vous allez faire quoi avec ça ? », a-t-elle demandé.

« C’est extrêmement préoccupant, déplore Christine Moore, candidate pour le Parti québécois dans Ungava. On envoie de l’aide qui n’arrive pas. Et quand on envoie de l’aide, elle n’est pas toujours qualifiée pour le travail en dispensaire en région éloignée. »

« Des effectifs médicaux ont été envoyés par urgence dans la région, et une entente avec la Croix-Rouge s’est conclue pour envoyer encore plus de ressources sous peu », rappelle le cabinet de M. Dubé. Le 25 août, son attachée de presse assurait que « la situation s’[était] stabilisée » et qu’« à court terme, aucun bris de service essentiel n’[était] anticipé ».

En collaboration avec Delphine Belzile