Infirmières désabusées, recours abusif des heures supplémentaires obligatoires, navire en train de couler : la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) a dressé un portrait sombre de l’état actuel du réseau de la santé au Québec au moment de présenter ses demandes électorales, samedi. C’est pourquoi elle réclame une loi sur les ratios professionnelles/patients sécuritaires dès l’arrivée du prochain gouvernement.

En point de presse à Saguenay, la présidente de la FIQ, Julie Bouchard, n’a pas hésité à qualifier d’« incontournable » l’adoption rapide d’une telle loi, qui viendrait garantir en tout temps la présence d’une équipe de soins minimale pour un groupe de patients donné ayant des besoins similaires.

« On ne peut plus laisser un si grand nombre de patients à la charge de si peu d’infirmières et d’infirmières auxiliaires, peu importe que ce soit en CHSLD, dans les centres hospitaliers, les centres jeunesse ou les CSLC », a plaidé Mme Bouchard.

« On doit avoir un gouvernement qui va vraiment le prendre en charge et l’implanter le plus rapidement possible. C’est la solution, pour nous à la fédération, qui viendrait garantir un minimum de conditions de travail, mais aussi redorer la profession. »

Selon la FIQ, l’adoption d’une loi sur les ratios sécuritaires serait la mesure structurante la plus efficace pour inciter les infirmières à se joindre — ou à rester — au réseau public.

Le syndicat qui représente 76 000 membres croit que cette solution permettrait du même coup de réduire le recours aux heures supplémentaires obligatoires et faciliterait la vie des infirmières dans leur conciliation travail-famille.

« Les professionnelles en soins vivent de la détresse, sont épuisées, sont désabusées, mais elles sont malgré tout encore au rendez-vous. Donc il ne faut pas les laisser tomber, il faut s’en occuper, a ajouté Mme Bouchard. Avec une loi sur les ratios, on va venir diminuer la charge de travail, mais on va aussi créer de l’attraction et de la rétention auprès des professionnelles en soins. »

À bas le TSO

La FIQ milite depuis longtemps pour l’abolition du temps supplémentaire obligatoire (TSO), ce n’est donc pas une surprise de voir que cette demande fait aussi parti de ses « exigences » aux partis politiques pendant la campagne.

Mais le syndicat lance un appel plus large à améliorer toutes les conditions de travail dans le réseau de la santé, ainsi qu’à mettre fin au recours à de la main-d’œuvre indépendante.

On est rendu avec des conditions de travail exécrables pour celles qui sont fidèles au réseau public, versus des agences de placement de personnel qui offrent non seulement de meilleures conditions, mais aussi un meilleur salaire.

Julie Bouchard, présidente de la FIQ

« Ce phénomène-là doit cesser. C’est un cancer pour le réseau de la santé », a dénoncé Mme Bouchard.

La FIQ veut aussi voir le développement de places en services éducatifs à la petite enfance, des engagements dans la lutte au racisme systémique, ainsi que des mesures pour agir contre les changements climatiques.

« Venez constater l’état lamentable du réseau »

Avec la campagne électorale qui s’amorcera dimanche, la présidente de la FIQ a invité tous les candidats, de tous les partis, à se rendre dans les établissements de santé pour mieux comprendre les revendications de son syndicat.

Selon elle, ce n’est qu’en rencontrant les professionnelles en soins qui sont à pied-œuvre sur le terrain que les politiciens pourront réellement prendre connaissance de l’état « lamentable » du réseau et de la nécessité d’effectuer des changements importants.

« Ça suffit de laisser s’écrouler le réseau de la santé de cette manière-là et de ne pas prendre en considération les professionnels en soins qui y donnent des soins tous les jours, au détriment même de leur famille, mais aussi de leur santé physique et psychologique. Peu importe le parti, on fait appel à l’ensemble des candidats et des candidates pour faire de la santé la priorité pendant la campagne », a lancé Mme Bouchard.