Évoquant une « étape intermédiaire » à entreprendre, la Santé publique recommande que la Fonderie Horne atteigne d’ici cinq ans une moyenne annuelle de 15 nanogrammes d’arsenic par mètre cube d’air, un chiffre qui demeure cinq fois plus élevé que la norme actuelle.

« Pour l’arsenic, on considère qu’une concentration moyenne annuelle de 15 ng/m3 est une valeur qui va permettre de protéger contre les effets adverses à la santé pour les jeunes enfants, pour les enfants à naître. […] C’est une valeur intérimaire en attendant d’y arriver. Et il faut l’atteindre le plus rapidement possible », a expliqué mercredi le conseiller scientifique de la Santé publique, le DMathieu Valcke, ajoutant que les scénarios de la Santé publique ont été établis sur cinq ans.

Lisez « Mieux comprendre : les émissions de la Fonderie Horne »

S’il est vrai que ce chiffre « demeure plus élevé que la norme de 3 ng/m⁠3 », l’expert a insisté sur le fait que cette recommandation est d’abord présentée « dans une perspective de protéger » les plus jeunes, en prévenant notamment « une baisse du quotient intellectuel » dans leur développement.

« La norme de 3 s’oriente davantage autour du souci de protéger une exposition qui va durer toute la vie, afin de prévenir l’apparition de cancers. C’est donc une étape intermédiaire, en chemin vers l’atteinte de la norme », a réitéré M. Valcke, selon qui une émission de 15 ng/m⁠3 contribuera tout de même « à réduire le risque de cancer du poumon pour les générations à venir ».

Québec recommande qu’en aucun cas la concentration maximale quotidienne d’émissions d’arsenic ne dépasse 200 ng/m⁠3. La Fonderie Horne, propriété de la multinationale Glencore, rejette actuellement dans l’air jusqu’à 100 nanogrammes d’arsenic par mètre cube, soit 33 fois plus que la norme québécoise, fixée à 3 ng/m⁠3.

« On s’attend à ce que les niveaux que nous proposons soient pris en compte dans la poursuite des démarches que mène le gouvernement », a indiqué mercredi le directeur national de santé publique, le DLuc Boileau, en conférence de presse. « Il faut redonner à la population un environnement et un milieu de vie dans lesquels ils peuvent avoir confiance, et ce, le plus vite possible », a-t-il insisté, ajoutant que l’objectif demeurait d’atteindre la norme de 3 ng/m⁠3.

La capacité de l’usine pas prise en compte

Mercredi, la Fonderie Horne s’est dite capable d’aller en dessous de 20 ng/m3 d’arsenic, sans préciser jusqu’à quel seuil, a rapporté Radio-Canada.

Fin juillet, La Presse avait rapporté que la Fonderie Horne avait proposé au gouvernement Legault de fixer un plafond d’émissions d’arsenic situé entre 20 et 64 ng/m⁠3 d’ici 2027. La Santé publique a avoué d’emblée ne pas avoir pris en considération cette cible de l’entreprise en formulant sa recommandation. Ce sera donc au ministère de l’Environnement de trancher.

« Nous ne sommes pas des métallurgistes ou des ingénieurs dans ces industries très complexes », a justifié le DBoileau, en disant que le gouvernement devrait « faire ses choix ».

Il a invoqué « l’indépendance de la Santé publique » de pouvoir proposer ses propres cibles, indépendamment des réalités de l’industrie. Quant au délai pour atteindre le seuil de 15 ng/m⁠3, M. Boileau est demeuré plus vague, parlant simplement de « quelques années ».

Pour les émissions de plomb, la Santé publique recommande le respect de la norme annuelle de 100 ng/m⁠3 en moyenne, ainsi qu’un maximum quotidien de 350 ng/m⁠3. Les émissions de cadmium, elles, devraient être limitées à un maximum quotidien de 30 ng/m⁠3, indiquent les autorités sanitaires.

Québec reste prudent

« Ce n’est pas si la fonderie est capable [d’atteindre la future norme], c’est la fonderie qui doit se conformer à ce qui sera exigé pour ne pas compromettre la santé de la population », a réagi mercredi le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, en précisant n’avoir pas encore lu le rapport de la Santé publique.

« Je veux voir la justification derrière ça, mais si c’est une demande de la Santé publique, vous comprendrez, avec la logique de ne pas compromettre la santé des gens, que ce sera une valeur de référence de notre côté », a-t-il assuré au sortir d’une réunion du Conseil des ministres.

Le ministre n’a cependant pas voulu confirmer que 15 ng/m⁠3 serait bel et bien la norme fixée dans le renouvellement de l’attestation d’assainissement. Benoit Charette doit d’ailleurs se rendre à Rouyn-Noranda la semaine prochaine « pour confirmer les principaux éléments de la prochaine attestation ».

L’ajout de capteurs d’air et l’ajout de cibles intérimaires et de normes quotidiennes à respecter sont des engagements qui seront « vraisemblablement formalisés » dans la prochaine autorisation ministérielle. Québec veut également que les « autres métaux soient aussi assujettis aux normes actuelles ». M. Charette maintient que la fermeture de l’usine demeure une option si l’entreprise refuse de se conformer au nouveau règlement. Québec pourrait aussi soutenir financièrement la fonderie dans son processus visant à réduire ses émissions.

La direction de la Fonderie Horne, elle, s’est dite mercredi « plus que jamais déterminée à minimiser [son] empreinte environnementale et à offrir [son] entière collaboration pour réduire [ses] émissions au minimum ». « Nos équipes et nos partenaires sont pleinement mobilisés autour d’un projet de transformation majeur, qui fera de la Fonderie Horne l’une des plus efficientes au monde », a-t-on affirmé. Glencore prévoit dévoiler dans les prochains jours un plan d’action qui « répondra aux préoccupations soulevées jusqu’ici, tout en contribuant au développement durable de notre communauté ».

Avec la collaboration de Jean-Thomas Léveillé, La Presse

En savoir plus
  • Entre 1 et 14
    En juillet, l’Institut national de santé publique du Québec avait aussi conclu que, sur une période de 70 ans, un nombre excédent de citoyens de Rouyn-Noranda, entre 1 et 14, développeraient un cancer si l’entreprise Glencore ne diminue pas la concentration d’arsenic dans l’air produit par la Fonderie Horne.
    Source : Institut national de santé publique du Québec