Les services de psychiatrie de Laval sont notamment minés par un manque de personnel majeur, déplorent des travailleurs

Des travailleurs de la santé œuvrant en psychiatrie à Laval, tant à l’hôpital que pour les services externes, déplorent le manque criant de personnel et le peu de considération pour leur sécurité. La direction du CISSS de Laval assure avoir la sécurité des employés à cœur et a mandaté ces derniers mois un consultant pour évaluer l’organisation des services à l’unité de psychiatrie de la Cité-de-la-Santé.

Ébranlés par les évènements de la semaine dernière ayant mené à un triple meurtre et à la mort d’Abdulla Shaikh, qui était suivi à Laval en psychiatrie, des travailleurs des services de psychiatrie externe à domicile du CISSS de Laval s’inquiètent du manque de personnel qui les affecte. Deux équipes y travaillent en suivi intensif dans le milieu (SIM). Ces travailleurs évaluent les patients à domicile et s’assurent notamment qu’ils ne représentent pas de danger pour la population. Une autre équipe s’occupe du programme d’interventions lors de premiers épisodes psychotiques (PIPEP).

Cet été, une des équipes ne compte que deux intervenants sur dix. « Dans ces conditions, comment voulez-vous arriver à effectuer les suivis nécessaires ? », se demandent certains travailleurs, qui ont contacté La Presse. Ceux-ci estiment que « des patients vivent dans la communauté sans suivi adéquat » à Laval.

Le CISSS de Laval confirme que les deux équipes de SIM doivent normalement être composées de 22,8 équivalents temps complet, mais en comptent actuellement 14,3. La porte-parole Marie-Eve Despatie-Gagnon indique toutefois que les normes du Centre national d’excellence en santé mentale prévoient un ratio de neuf patients par intervenant et que les équipes de Laval sont actuellement en deçà de ce seuil (114 usagers). La porte-parole ajoute que les équipes en santé mentale « s’entraident » et que les usagers qui ne peuvent pas être pris en charge par les équipes du SIM le sont « par une équipe de services du suivi d’intensité variable et par la clinique externe ».

Représentante nationale pour l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) de Laval, Natacha Pelchat affirme qu’il y a « une surcharge constante » pour les travailleurs en santé mentale. « Les conditions de travail sont difficiles. Il faut se pencher sur l’attraction et la rétention du personnel », dit-elle.

Le manque de personnel en psychiatrie à Laval touche également le corps médical.

Normalement, deux psychiatres soutiennent les équipes de soins externes. Mais l’un des deux est actuellement en congé de maladie et l’autre doit passer le plus clair de son temps à l’hôpital, où le manque de personnel est aussi important. Le CISSS de Laval dit compter actuellement 27 psychiatres sur son territoire sur un total de 31 postes. Des absences ramènent toutefois le compte à 18, explique Mme Despatie-Gagnon. Un processus de recrutement est en cours, mais ces absences ne causent pas de ruptures de service, assure la porte-parole.

Aussi à l’hôpital

Président du Syndicat des infirmières, inhalothérapeutes et infirmières auxiliaires de Laval (SIIIAL-CSQ), Déreck Cyr estime que « tout ce qui est psychiatrie à Laval, ça ne fonctionne pas ». « Il y a beaucoup d’exode de travailleurs, parce qu’il n’y a pas de soutien », dit-il. Le CISSS affirme que 76 des 430 employés en santé mentale ont quitté le secteur dans la dernière année, mais que 75 autres ont été recrutés.

Un consultant externe a toutefois été mandaté pour « produire un portrait organisationnel des unités d’hospitalisation en psychiatrie au CISSS de Laval ». Le consultant doit « suggérer des pistes d’action en lien avec l’organisation des services, la programmation clinique ainsi que des ressources humaines ». « Ce mandat n’est pas lié aux services offerts en clinique externe et en communauté », affirme Mme Despatie-Gagnon.

M. Cyr affirme que ses membres ont été victimes de nombreux incidents violents ces dernières années à l’unité de psychiatrie de la Cité-de-la-Santé. En janvier dernier, une infirmière s’est fait arracher un bout d’auriculaire par une patiente qui l’avait mordue.

Déjà en 2018, un rapport interne dénonçait les nombreux problèmes de violence à l’unité de psychiatrie de la Cité-de-la-Santé.

Lisez « Danger : patients violents à la Cité-de-la-Santé de Laval »

En mai 2019, les stages d’étudiants en médecine avaient été suspendus dans la même unité « étant donné les enjeux de sécurité ».

Lisez « Cité-de-la-Santé de Laval : des stages suspendus pour cause de violence »

Depuis, des travaux de rénovation ont été réalisés dans l’unité. Les postes d’infirmières ont été sécurisés. Les portes des salles de contention ont été agrandies. Des travaux majeurs au coût de 8 millions de dollars débuteront au printemps 2023. « En attendant, les lieux physiques restent inadéquats. Et on perd beaucoup de travailleurs à cause de ça », dit M. Cyr, qui estime qu’il y a une « banalisation de la violence » envers les travailleurs en psychiatrie à Laval.

Des travailleurs en soins externes déplorent aussi que leurs bureaux, situés au 800, boulevard Chomedey, ne soient pas encore suffisamment sécurisés, malgré l’ajout de boutons d’alarme dans les bureaux. La sécurité de l’entrée pose notamment problème, selon eux. Le CISSS de Laval assure faire de la sécurité des employés « une priorité ». Un plan pour améliorer la sécurité des locaux du boulevard Chomedey est en cours. Le CISSS tient à mentionner que des études montrent que seulement de 5 % à 10 % des personnes souffrant d’une maladie mentale sont à risque de violence et qu’il « ne faut pas faire l’association entre violence et troubles mentaux, bien que les troubles mentaux puissent expliquer certaines situations violentes ».