Les difficultés d’approvisionnement créent encore des problèmes, cette fois jusque dans les salles d’accouchement. Après l’Ontario, la Colombie-Britannique, l’Alberta, la Saskatchewan et le Manitoba, c’est au tour du Québec de se préparer à une pénurie de cathéters épiduraux, au grand désarroi des femmes enceintes.

À l’heure actuelle, une pénurie mondiale de cathéters épiduraux touche plusieurs provinces canadiennes. « Au Québec, une situation de pénurie est aussi à prévoir pour les cathéters épiduraux avec trois fournisseurs qui approvisionnent les établissements du réseau de la santé et des services sociaux », a indiqué mardi à La Presse le porte-parole du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), Robert Maranda.

Un fabricant, Smiths Medical, s’attend à ce que son approvisionnement revienne à des niveaux normaux avant le 26 août, tandis qu’un autre, Teleflex, a signalé que la pénurie prendrait fin le 30 décembre.

Le Ministère effectue des démarches auprès des établissements du réseau de la santé pour dresser un inventaire des stocks disponibles. « Le MSSS est aussi en train d’informer les différents ordres professionnels de la situation », a ajouté M. Maranda.

Une fois l’état de la situation complété, le MSSS pourra préparer un éventuel plan de contingence. Nous suivons ainsi la situation de près.

Robert Maranda, porte-parole du ministère de la Santé et des Services sociaux

Mesures exceptionnelles

L’épidurale, aussi appelée péridurale, est une technique analgésique fréquemment utilisée pendant le travail et l’accouchement pour la gestion de la douleur et les naissances à haut risque. Elle est aussi utilisée pour d’autres interventions chirurgicales.

Cette technique consiste à insérer un cathéter dans l’espace épidural, le long de la colonne vertébrale, et à injecter en continu un anesthésique local accompagné ou non d’opioïde. « C’est le meilleur outil qu’on a pour soulager la douleur du travail ou d’une chirurgie », soutient le DNikola Joly, président de l’Association des anesthésiologistes du Québec.

D’autres options existent, comme l’administration de médicaments intraveineux, mais rien n’est aussi efficace que l’épidurale, affirme le DJoly. « C’est pour ça qu’on veut s’assurer de ne pas manquer de cathéters », dit-il.

Pour résoudre la situation, le Canada envisage d’autoriser l’importation et la vente exceptionnelles de cathéters qui ne répondent pas entièrement aux exigences réglementaires canadiennes, mais qui sont fabriqués « selon des normes de qualité comparables dans des pays ayant des exigences réglementaires similaires à celles du Canada », a indiqué la porte-parole de Santé Canada, Natalie Mohamed.

On a déjà trouvé des fournisseurs alternatifs qui pourraient nous aider à pallier la pénurie. Selon les données que j’ai, ce sont des cathéters qui sont déjà utilisés aux États-Unis et en Europe, donc qui répondent à des exigences probablement semblables à celles de Santé Canada.

Le DNikola Joly, président de l’Association des anesthésiologistes du Québec

Ces nouveaux cathéters seront à l’essai sous peu dans deux hôpitaux québécois, indique le DJoly.

Ressources limitées

Deux principales raisons expliquent cette pénurie de cathéters fabriqués à l’étranger, soit un manque de matières premières et un problème lié à la certification de la stérilisation des cathéters en Chine, indique le DJoly.

À l’heure actuelle au Québec, aucun hôpital ne manque de cathéters épiduraux, indique l’anesthésiologiste. « Certains établissements ont suffisamment de cathéters pour plus d’un mois et d’autres, pour un peu moins d’un mois », dit-il.

Dans les prochaines semaines, il y aura assurément un partage de matériel entre les établissements, indique-t-il. « On ne voudrait pas que des gens magasinent leur établissement en fonction des stocks de cathéters », dit-il.

Des femmes enceintes préoccupées

L’éventualité de cette pénurie préoccupe de nombreuses femmes enceintes. « Ça m’inquiète beaucoup. C’est une première grossesse pour moi, je ne sais pas du tout comment ça va se passer. L’épidurale est la technique d’anesthésie la plus populaire selon mon médecin, alors de savoir qu’elle ne sera pas disponible, c’est inquiétant », lance Chloé Lapointe, enceinte de 38 semaines.

Lorsqu’elle a entendu parler de la pénurie sur les réseaux sociaux, elle s’est empressée de contacter le département d’obstétrique de l’hôpital où elle est suivie à Mont-Laurier.

PHOTO FOURNIE PAR CHLOÉ LAPOINTE

Chloé Lapointe, enceinte de 38 semaines

Ils m’ont dit qu’au moment de mon accouchement, j’allais être correcte, mais que pour les autres femmes enceintes, ils ne savaient pas encore. Je n’imagine pas le stress qu’elles auront à vivre.

Chloé Lapointe, enceinte de 38 semaines

Daphnée Marineau a également appris l’existence de la pénurie sur les réseaux sociaux. « J’ai regardé sur Google et ça disait que la pénurie était en Ontario et en Saskatchewan. Je me suis dit que ça allait sûrement s’en venir au Québec. Ça m’a fait paniquer un peu, parce que je souhaitais y avoir recours », dit la femme enceinte de 35 semaines.

PHOTO FOURNIE PAR DAPHNÉE MARINEAU

Daphnée Marineau, enceinte de 35 semaines

Selon Julie Pelletier, présidente de l’Ordre des sages-femmes du Québec, une femme qui n’est pas préparée à un accouchement naturel peut vivre de l’anxiété si elle n’a pas accès à l’épidurale. « La plupart des femmes qui accouchent [avec une sage-femme] souhaitent le faire sans épidurale, donc elles sont préparées. Mais une femme qui est confrontée à la douleur de l’accouchement sans l’avoir souhaité, ça peut être assez anxiogène. L’anxiété peut même décupler la douleur et être un frein à l’accouchement », conclut-elle.

En savoir plus
  • 84 900
    Nombre de naissances au Québec en 2021
    Source : Institut de la statistique du Québec
    72 %
    Taux de recours à l’épidurale pour les accouchements vaginaux au Québec pour l’année 2016-2017
    Source : Institut canadien d’information sur la santé