La médecine peut maintenant contenir assez bien le VIH pour éviter qu’il ne dégénère en sida. Le rêve est désormais de guérir les malades. Une préconférence sur le sujet avait lieu jeudi au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), dans le cadre de la Conférence internationale sur le sida.

« La trithérapie permet aux patients d’avoir une vie normale, mais le virus est toujours présent chez eux », explique Éric Cohen, de l’Institut de recherches cliniques de Montréal. « Le VIH se cache dans les réservoirs. Il nous faut comprendre où se trouvent ces réservoirs, comment le VIH se maintient silencieux et comment reconnaître les cellules infectées dans ces réservoirs. »

Depuis une dizaine d’années, une poignée de patients ont été guéris en recevant un don de moelle osseuse de personnes qui présentaient une mutation génétique les rendant invulnérables au VIH. « Ça montre que le concept peut fonctionner, mais ce n’est pas un traitement viable, dit le DCohen. Le risque de mortalité [chez les personnes recevant] ces greffes est de 20 %. » Les patients en question avaient un cancer pour lequel le don de moelle osseuse était le meilleur traitement.

« L’objectif est une intervention simple et peu coûteuse », dit Nicolas Chomont, l’un des organisateurs de la préconférence, qui est spécialiste du VIH au CHUM.

« Ce sera probablement une combinaison d’approches pour faire sortir le VIH de son réservoir puis le détruire, ou alors aller le chercher directement dans le réservoir. Les anticorps monoclonaux utilisés pour le traitement de la COVID-19 sont envisagés, des vaccins pourraient jouer un rôle aussi, ainsi que des immunomodulateurs qui améliorent la performance du système immunitaire. »

« On a aussi des approches génétiques avec la technologie CRISPR pour introduire la mutation génétique protectrice chez ces patients », ajoute-t-il. La technologie CRISPR est une nouvelle manière de faire du génie génétique.

Espacer les traitements

Pensent-ils voir la guérison des patients du VIH avant leur retraite ? « Je ne veux pas faire de prédiction, dit le DChomont. Mais c’est séquentiel. Il y a 15 ans, on ne savait pas qu’il était possible de guérir du VIH. »

Ces travaux pourront à court terme mener à des améliorations dans les traitements.

On est passé de 20 pilules par jour en 1996 avec la trithérapie à une par jour aujourd’hui, et maintenant, on parle d’injections tous les trois ou six mois.

Le Dr Nicolas Chomont, l’un des organisateurs de la préconférence

L’autre avenue de guérison est l’étude des « super-contrôleurs », ces patients infectés par le VIH, mais dont le système immunitaire est capable de mettre ce dernier en échec sans toutefois l’éliminer. En quelque sorte, le système immunitaire de ces super-contrôleurs joue le rôle de la trithérapie, mais sans les effets secondaires.

« On voit des rebonds parfois chez ces super-contrôleurs, dit le DCohen. On comprend encore mal comment ça fonctionne, il y a aussi beaucoup de travaux dans ce domaine. »

Il existe plusieurs centaines de super-contrôleurs dans le monde, un phénomène connu depuis 30 ans.

Quelques cas célèbres

Berlin

Deux patients sont dits « de Berlin » dans le monde du sida. Le premier est un « super-contrôleur » qui tient en échec le VIH sans antirétroviraux depuis 25 ans. Le second est le premier cas de guérison du sida. Il s’agit d’un Américain séropositif qui à 41 ans, en 2007, a reçu une greffe de moelle osseuse pour traiter une leucémie. Le donneur était lui-même un « super-contrôleur » et a été choisi pour cette raison par une équipe d’oncologues et de virologues berlinois.

Londres

Le deuxième patient à avoir été guéri du VIH par une greffe de moelle osseuse est un Britannique. Il a été traité à Londres à 32 ans, en 2012, pour un cancer lymphatique.

La patiente Esperanza

Au début de l’année, des chercheurs américains et argentins ont décrit une patiente de 30 ans de Buenos Aires qui a été déclarée séropositive en 2013, mais n’a eu recours à la trithérapie que durant une grossesse, en 2019. Une analyse plus poussée a révélé qu’elle n’avait que sept cellules infectées par le VIH sur plus d’un milliard de cellules analysées, et que le VIH était défectueux dans chacune de ces sept cellules. Elle est donc considérée comme l’un des deux cas connus de guérison du VIH sans traitement.

L’enfant sud-africain

En 2010, des chercheurs sud-africains ont traité pendant 40 semaines par la trithérapie 227 bébés nés avec le VIH. Un seul d’entre eux vit toujours sans traitement et sans avoir développé le sida, ce qui signifie que son système immunitaire contient le VIH même s’il n’a pas les mutations génétiques observées chez les « super-contrôleurs ».

En savoir plus
  • 25 %
    Augmentation du nombre de nouveaux cas de VIH au Canada entre 2014 et 2020
    Source : Fondation canadienne de recherche sur le sida (CANFAR)
    9 %
    Diminution du nombre de nouveaux cas de VIH aux États-Unis entre 2014 et 2020
    Source : Fondation canadienne de recherche sur le sida (CANFAR)