Des femmes et des médecins dénoncent le manque d’information et d’accès à un traitement peu invasif pour traiter les fibromes utérins, qui affectent des milliers de femmes, et qui se terminent trop souvent par une hystérectomie.

« Si je ne m’étais pas confiée à mon esthéticienne, je n’aurais plus d’utérus aujourd’hui », dénonce Valérie Marchand. Atteinte de fibromes utérins, la femme de 39 ans a découvert au détour d’une conversation qu’elle était admissible à l’embolisation de ses fibromes, une opération peu invasive pour traiter sa condition, plutôt que de se faire retirer l’utérus.

Au Canada, le tiers des hystérectomies — opération lourde visant à enlever l’utérus chez la femme – sont pratiquées pour traiter les fibromes utérins, selon l’Association canadienne pour la radiologie d’intervention (CAIR). De ce nombre, 40 % des femmes s’y soumettent sans envisager le recours à un autre traitement, moins invasif.

Consultez le Guide sur les fibromes utérins de la CAIR

Les fibromes utérins sont des excroissances non cancéreuses qui se développent à partir des muscles de l’utérus. Environ 70 % des femmes de 40 ans et plus vont en développer, indique le manuel médical Merck.

Si la plupart sont asymptomatiques, environ 50 % des femmes noires et 25 % des femmes blanches vont souffrir de symptômes qui nuisent à leur qualité de vie, comme des saignements abondants pouvant causer de l’anémie, de la douleur, des compressions sur la vessie ou l’intestin ou des impacts sur la sexualité et la fertilité.

« Ça va être ça »

En 2019, Valérie Marchand, alors âgée de 36 ans, s’est retrouvée aux urgences parce qu’elle n’arrivait plus à uriner. La cause : un fibrome utérin qui compressait ses voies urinaires.

Dès ses premières rencontres avec une gynécologue, l’option de l’embolisation de ses fibromes a été écartée parce qu’elle n’avait « pas de saignements abondants », se souvient Valérie Marchand. Elle a alors décidé « d’endurer sa condition » étant donné que les options médicamenteuses ne lui convenaient pas (en raison d’importants effets secondaires et parce qu’ils ne réglaient pas le problème). Son truc : faire du vélo stationnaire quand elle sentait un blocage urinaire survenir.

Mais à la fin de l’année 2021, Valérie Marchand s’est de nouveau retrouvée aux urgences. « Je ne pouvais pas vivre comme ça », résume-t-elle.

Elle a derechef rencontré sa gynécologue, en janvier dernier. Son fibrome avait grossi. Le choix s’est arrêté sur une hystérectomie, opération majeure suivie de six à huit semaines de convalescence.

À aucun moment elle ne m’a parlé d’embolisation. C’était : « Tu veux régler le problème ? Ça va être ça. »

Valérie Marchand

« Je suis repartie chez moi en pleurant, renchérit-elle. Je ne suis pas quelqu’un qui désirait un enfant à tout prix, mais le fait de m’enlever la possibilité me perturbait beaucoup. »

Solutions de rechange

À l’exception des médicaments, trois options s’offrent aux Québécoises pour traiter leurs fibromes : l’hystérectomie, la myomectomie (retrait chirurgical des fibromes en préservant l’utérus) et l’embolisation des fibromes utérins (EFU).

En 2021, 4395 hystérectomies ont été pratiquées au Québec, 6964 myomectomies et 1093 embolisations, selon les données de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ).

Pratiquée par des radiologistes-interventionnistes dans sept centres hospitaliers de la province (situés à Montréal, Québec, Lévis, Sherbrooke et Longueuil), l’embolisation consiste à injecter des petites particules pour bloquer le flux sanguin qui alimente les fibromes, causant leur rétrécissement. C’est une intervention minimalement invasive, qui se déroule en moins d’une heure, et qui demande une à deux semaines de convalescence. Elle procure un soulagement complet ou partiel des symptômes pour 78 % à 94 % des patientes, selon la CAIR.

Lisez sur l’embolisation des fibromes utérins

« Les fibromes fondent », explique la Dre Véronique Caty, radiologiste interventionnelle qui pratique les EFU à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont. « Je donne souvent l’exemple d’un raisin rempli de jus, par rapport à un raisin sec. C’est ce qui arrive. »

« Toute dernière option »

En attente de son hystérectomie, Valérie Marchand se confie à son esthéticienne. Celle-ci connaît Carine Ricci, une autre femme qui s’est récemment battue pour réussir à recevoir une embolisation, plutôt qu’une myomectomie. « J’étais sous le choc », affirme Mme Marchand.

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE

Carine Ricci s’est récemment battue pour recevoir une embolisation plutôt qu’une myomectomie.

La Montréalaise recontacte sa gynécologue, demande un rendez-vous en radiologie et apprend rapidement qu’elle est admissible à l’embolisation.

Je ne comprends pas qu’une gynécologue recommande à une femme de 38 ans qui n’a pas eu d’enfant de se faire faire une hystérectomie. Ça devrait être la toute dernière option !

Valérie Marchand

Le DTogas Tulandi, directeur du département d’obstétrique et de gynécologie du Centre universitaire de santé McGill, et le DDominique Tremblay, vice-président de l’Association des gynécologues et obstétriciens du Québec, ont reconnu qu’il y avait un manque de connaissances des services d’EFU et d’accès à ceux-ci.

« Il y a vraiment un problème de visibilité et d’accessibilité à l’information », estime aussi Aïssatou Sidibé, fondatrice de Vivre100fibromes. Si toutes les femmes ne sont pas candidates à l’embolisation, toutes devraient, croit-elle, être informées pour pouvoir faire un choix éclairé.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Aïssatou Sidibé, fondatrice de Vivre100fibromes 

Valérie Marchand a reçu son embolisation au mois de mai. Depuis, elle n’a plus eu de problème urinaire. Elle saura dans quatre mois si l’intervention a été une réussite complète. Carine Ricci et elle ont aussi récemment mis sur pied la page Facebook Parlons embolisation pour faire partager de l’information sur la pratique.

« J’aimerais juste m’assurer que personne d’autre ne passe à travers le même cheminement cahoteux que moi, confie Valérie Marchand, où je ne me suis pas sentie complètement informée. »

Consultez la page Facebook Parlons embolisation
En savoir plus
  • 41 000
    Nombre d’hystérectomies pratiquées annuellement au Canada
    Source : Journal d’obstétrique et gynécologie du Canada
    4395
    Nombre d’hystérectomies pratiquées au Québec en 2021
    Source : Régie de l’assurance maladie du Québec