Kristof, 12 ans, était cloué au lit par un terrible mal de tête. Incapable de s’asseoir, de se lever, encore moins de faire ses activités préférées. « Ma tête allait exploser », dit l’adolescent. Personne n’aurait pu se douter de la cause de sa douleur : le liquide dans sa moelle épinière fuyait comme une passoire.
Février 2020. « Quand j’allais à mes cours de basketball, je n’étais pas capable de rester tout le long, parce que j’avais des maux de cœur et de tête. Ça s’empirait chaque jour », se remémore le garçon.
Sa mère lui conseillait de prendre des Tylenol et de se reposer. Mais rien n’y faisait. « Aussitôt qu’il se levait, il se promenait la tête basse, il avait trop mal », dit la mère de Kristof, Dominique Gagné.
Après trois semaines de douleurs et de multiples visites à la clinique, Kristof s’est rendu aux urgences de l’Hôpital de Montréal pour enfants. À son arrivée, l’équipe médicale lui a fait passer une imagerie par résonance magnétique (IRM). « Les médecins n’ont rien vu parce que j’avais des broches », dit Kristof. Puisque l’IRM utilise un champ magnétique puissant, les broches métalliques de l’adolescent avaient déformé les images.
« Je pensais que c’étaient des céphalées », se remémore le Dr Jean-Pierre Farmer, neurochirurgien et chirurgien en chef de l’hôpital pédiatrique. Le garçon est donc retourné chez lui avec des médicaments contre les migraines. « Ils lui ont donné quatre nouveaux types de médicaments, mais ça ne passait toujours pas », raconte sa mère.
Au retour du garçon à l’hôpital, le Dr Farmer s’est rendu à l’évidence : il fallait enlever les broches de Kristof pour trouver la cause du problème. Une fois l’appareil dentaire retiré, les résultats de l’IRM se sont avérés concluants.
Une fuite de liquide cérébro-spinal est un problème grave qui peut provoquer de terribles maux de tête, des convulsions et une infection cérébrale. Sans attendre, les spécialistes ont fait passer à Kristof une série d’examens plus avancés. Résultat : il n’avait pas 1 fuite, mais 15 fuites. « C’était un cas extrême. Il y avait des fuites partout », lance le Dr Farmer.
« C’était tout un défi »
Une telle fuite se guérit généralement seule. Mais pas chez Kristof. L’équipe de l’Hôpital de Montréal pour enfants a dû le soigner avec une nouvelle procédure jamais utilisée auparavant chez un enfant.
Pour y arriver, le Dr Farmer a contacté le Dr Pablo Ingelmo, anesthésiste et spécialiste de la douleur complexe. « Quand le meilleur neurochirurgien en Amérique t’appelle, tu sais que tu as un problème », dit le Dr Ingelmo en riant.
Les spécialistes ont décidé d’opter pour un patch de sang épidural, une procédure chirurgicale qui utilise le sang du patient afin de fermer les trous dans la dure-mère, la membrane qui entoure la moelle épinière.
L’équipe médicale a dû être extrêmement minutieuse. Kristof risquait la paralysie.
On devait injecter le sang à des endroits très délicats. Il fallait s’assurer que l’aiguille n’aille pas trop loin parce que la moelle épinière se trouve juste en dessous.
Le Dr Pablo Ingelmo, anesthésiste et spécialiste de la douleur complexe
Lors d’une première opération, 12 trous sur 15 ont été bloqués. Quelques jours plus tard, une deuxième opération a permis de fermer deux autres trous. Mais la douleur était toujours atroce. « Il avait une perte d’appétit, il ne voulait plus rien faire, il vomissait, il dépérissait », explique son père, Martin Lelièvre. Une troisième opération a finalement permis de boucher la dernière fuite. Un succès.
Une cause mystérieuse
Une fois le problème résolu, une question restait en suspens : quelle était la cause de toutes ces fuites ? « Il ne s’était rien passé. Il n’était pas tombé. Je me disais qu’il avait peut-être grandi trop vite », dit la mère de Kristof.
En parlant avec un professionnel de la santé, elle a appris l’existence du syndrome de Marfan. « J’ai regardé la liste des symptômes : hyperlaxité, grandeur, longueur des doigts, difficulté à parler et à trouver ses mots, scoliose. Kristof répondait à tous les critères », dit-elle, ajoutant que son fils mesurait déjà 6 pieds à 11 ans.
Le test génétique a confirmé le diagnostic. « Il est atteint du syndrome de Marfan, donc ses tissus se déchirent plus facilement que les autres », explique le Dr Farmer. La membrane entourant sa moelle épinière est donc anormalement fragile.
Kristof, maintenant âgé de 14 ans, se porte à merveille. « Ça va bien. Je n’ai plus de problèmes nulle part », s’exclame le garçon. Pour éviter de nouvelles ruptures, le jeune homme doit toutefois éviter les sports intenses. « C’est plate. Je ne pourrai plus faire de hockey et de basketball », laisse-t-il tomber. Il demeure suivi par plusieurs spécialistes.
La famille voit toutefois l’avenir d’un bon œil. « Il ne faut pas se décourager. La vie continue quand même, même si elle est différente, conclut la mère. Il faut rester positif. »