Urgences-santé rejette des paramédicaux expérimentés et de récents diplômés sans explications, alors qu’il manque régulièrement des dizaines de travailleurs sur son territoire, qui couvre Montréal et Laval. L’organisation se défend de « faire la fine bouche » sur les candidatures et souligne l’importance de respecter ses normes.

« Nous avons le regret de vous annoncer que votre candidature n’a pas été retenue », peut-on lire dans un courriel laconique reçu en mai par Ahmed, prénom fictif d’un ambulancier qui a travaillé plus de 20 ans dans la région de Laurentides—Lanaudière. Comme tous les autres paramédicaux rejetés qui se sont entretenus avec La Presse pour cet article, Ahmed a demandé l’anonymat afin de ne pas nuire à sa carrière.

« J’ai fait le processus au complet, puis on m’a refusé sans me donner aucune explication », s’indigne-t-il. Un processus qui s’étale sur plusieurs semaines et comprend deux entrevues, des tests psychométriques, un examen médical et un test de dépistage de drogues.

« Pas de retour »

« Je n’ai pas de retour de la part des ressources humaines après de multiples tentatives par courriel, par téléphone, je n’ai pas de réponse de leur part à savoir pourquoi je n’ai pas été retenu », poursuit-il, découragé.

« Il n’y a pas de détails sur la raison », confirme le porte-parole d’Urgences-santé, Benoit Garneau. « Ils doivent travailler sur l’ensemble des choses qu’ils ont à voir dans le processus », dit-il, ajoutant que les candidats sont invités à postuler de nouveau dans un délai d’un an.

PHOTO FOURNIE PAR MATHIEU GOYER

Mathieu Goyer

Je ne comprends pas qu’ils ne puissent même pas donner au moins une raison pour que le paramédical puisse s’améliorer, corriger ses lacunes, puis à la limite [postuler de nouveau] dans un an.

Mathieu Goyer, VP relations de travail au Syndicat du préhospitalier qui représente les paramédicaux d’Urgences-santé

Et Ahmed n’est pas le seul dans cette situation. La Presse s’est entretenue avec trois paramédicaux d’expérience et un nouveau diplômé qui se sont vu refuser un poste chez Urgences-santé sans recevoir d’explication.

Pourtant, Urgences-santé manque régulièrement de personnel pour pourvoir tous ses quarts de travail, et la situation est particulièrement criante la nuit et les week-ends. Lors d’un week-end de la fin de mai, La Presse a rapporté que plus de la moitié des ambulances prévues manquaient à l’appel faute d’employés disponibles.

Lisez l’article « 24 ambulances en moins cette nuit à Montréal et à Laval »

Le fait qu’il manque autant de personnel la nuit peut forcer Urgences-santé à prioriser les appels urgents au détriment de ceux pour lesquels il ne semble pas y avoir de danger imminent pour la vie.

Et ce week-end encore, presque tous les quarts de travail seront marqués par des absences. Dans la nuit de dimanche à lundi, pas moins de 38 ambulanciers seront manquants sur les 98 qui devraient être en poste, selon M. Garneau, une situation représentative des dernières semaines.

« Notre objectif cette année, c’est d’engager plus de 100 paramédicaux, mais je ne crois pas que ça va être atteignable parce qu’il y a une pénurie de gens qui sortent de l’école », avait avancé un autre porte-parole en mai, pointant également vers le manque de main-d’œuvre.

Diplômé et rejeté

Or, Simon, paramédical diplômé ce printemps du cégep de Saint-Hyacinthe, a aussi vu sa candidature rejetée par Urgences-santé en mai sans que l’organisation lui en explique les raisons. Heureusement pour lui, il a pu trouver un poste dans une autre région sans problème.

« Pourquoi cette main-d’œuvre-là n’est pas bonne pour Urgences-santé, mais qu’elle est bonne pour [Services préhospitaliers Laurentides—Lanaudière] ou pour la Rive-Sud ? », s’interroge M. Goyer, du syndicat.

Yasmine et Pierre, des paramédicaux qui accumulent respectivement plus de cinq ans et plus de dix ans d’expérience, ont aussi postulé chez Urgences-santé récemment, sans succès.

Tous deux souhaitaient se rapprocher de leur domicile, mais ont dû se rabattre sur un autre emploi devant le rejet de leur candidature – encore une fois sans motif.

« J’étais [persuadée] que le processus se passait bien, pour finalement recevoir un petit courriel de deux ou trois lignes qui me disait qu’ils ne prenaient pas ma candidature », déplore Yasmine. Elle dit avoir relancé l’organisation trois fois pour obtenir de la rétroaction en vue d’améliorer sa candidature, sans succès.

M. Garneau, d’Urgences-santé, indique que l’organisation a rejeté 16 candidatures en 2022, dont 11 en raison d’un échec à un endroit ou un autre du processus de recrutement et cinq qui n’étaient pas qualifiées pour l’entamer. « On ne fait pas la fine bouche sur les personnes qu’on veut embaucher, soutient-il. Il y a des standards minimums que les personnes doivent rencontrer […], notre mission, c’est de sauver des vies. »

« C’est décevant, laisse tomber Ahmed. Pendant ce temps-là, il y a des quarts de travail qui sont vides […], puis moi, je suis prêt à travailler. »