Le bureau du coroner confirme l’ouverture d’une enquête

Près de la moitié des effectifs normaux étaient absents au centre d’appels d’Urgences-santé, mercredi matin, lorsqu’un signalement pour un poupon de 8 mois ayant de la difficulté à respirer n’a pu recevoir de réponse immédiate. Le décès de l’enfant a été constaté par la suite.

Selon la présidente du syndicat des employés d’Urgences-santé, Anick Bélanger, seuls quatre répondants médicaux d’urgence (RMU) étaient alors en poste, dont le chef d’équipe, sur une possibilité de sept, et ce, pour couvrir l’ensemble des territoires de Montréal et de Laval.

De son côté, Urgences-santé admet que tout le personnel normalement affecté n’était pas en poste, mais affirme que cinq RMU pouvaient alors prendre des appels sur un effectif régulier de huit personnes, un nombre « suffisant pour répondre à la demande », selon Stéphane Smith, porte-parole de la société d’État.

Quoi qu’il en soit, un appel d’urgence pour un poupon de 8 mois en détresse au centre-ville de Montréal, rue Lincoln, transféré depuis la centrale du 911 à 9 h 07, n’a pu recevoir de réponse immédiate chez Urgences-santé mercredi.

Comme le prévoit la procédure habituelle, une fiche écrite de l’appel a été remplie par le répartiteur du 911 puis envoyée à Urgences-santé afin qu’une ambulance soit envoyée. Selon nos informations, cette fiche décrivait le cas d’un bébé de 8 mois avec de « la fièvre, une toux, et qui présentait une difficulté à respirer ».

Un appel bien priorisé ?

« Mais ça, c’est large. Ça peut être depuis toujours que vous avez une difficulté à respirer parce que vous avez une condition », indique le porte-parole d’Urgences-santé. Un code de priorité 3 a alors été attribué à l’évènement. Ce niveau de priorisation prévoit qu’une ambulance doit se rendre sur place, mais sans allumer ses sirènes.

Dix-huit secondes plus tard, Urgences-santé a tenté de contacter à nouveau l’auteur de l’appel pour obtenir plus de détails sur l’état de l’enfant, sans succès.

On a tenté par la suite de poursuivre l’évaluation, mais ça n’a rien donné. Donc, par la suite, les policiers arrivent sur les lieux et constatent que ce n’est pas une question de fièvre ou de toux, mais que le bébé ne respire pas.

Stéphane Smith, porte-parole d’Urgences-santé

Constatant que l’ambulance ne serait pas là à temps, même si la priorité de l’appel avait alors été élevée au niveau le plus urgent, soit 0, deux agents du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) ont alors décidé de transporter l’enfant d’urgence à l’hôpital, où son décès a été constaté.

Urgences-santé se défend d’avoir mal priorisé l’appel qui correspondait bel et bien, selon eux, à un code de priorité 3 en fonction des informations inscrites à la fiche d’appel et du système de classement utilisé par la société d’État.

Un coroner enquêtera

Le Bureau du coroner a confirmé jeudi qu’une enquête était « en cours afin de faire la lumière sur les causes et circonstances entourant le décès » de l’enfant.

« Au terme de son investigation, le coroner rédigera un rapport détaillé dans lequel il expose l’identité de la personne décédée, la date et le lieu de son décès, ainsi que les causes et les circonstances qui ont mené au décès », a détaillé son porte-parole Jake Lamotta Granato.

Urgences-santé réévaluera de son côté l’ensemble de l’intervention. « Quand une situation anormale se produit, on a une [équipe de] gestion de risque qui reprend l’intervention du début à la fin. On revoit l’appel du début à la fin et c’est possible qu’il y ait des modifications, comme c’est possible qu’il n’y en ait pas », explique Stéphane Smith.

Selon les informations transmises au syndicat, ce dernier admet toutefois n’avoir « pas lieu de douter » de la bonne priorisation de l’appel, en fonction des effectifs disponibles ce jour-là.

Manque d’effectifs « récurrent »

Mais l’enfant aurait-il pu être sauvé si l’appel initial avait reçu une réponse immédiate ? Anick Bélanger, du syndicat des employés d’Urgences-santé, refuse de s’avancer.

« Dans un monde idéal, un RMU aurait pu répondre immédiatement à l’appel et faire le questionnaire. Est-ce que ça aurait changé quelque chose ? On ne le sait pas, c’est très hypothétique. Mais dans le meilleur des mondes, c’est ce qui devrait être fait », admet-elle toutefois.

Quoi qu’il en soit, Urgences-santé vit un manque de personnel « récurrent », selon elle, particulièrement chez les RMU. La société emploie environ 107 RMU, à temps plein et à temps partiel.

« Cette année, selon mes calculs, on a plus de départs que d’arrivées », dit Mme Bélanger.

Ces nombreux départs s’expliquent en partie par la nature du travail, « énormément exigeant émotionnellement », et ce, sur fond de conflit de travail qui perdure depuis l’échéance de la dernière convention collective des employés d’Urgences-santé il y a de cela plus de deux ans, indique Anick Bélanger.