Guérir le cancer colorectal sans opération, radiation ou chimiothérapie est maintenant possible pour certains patients, grâce à une équipe de médecins des États-Unis. La clé du succès ? L’immunothérapie.

« Au Canada et au Québec, l’immunothérapie est offerte, mais seulement pour les cancers de stade 4, soit quand il y a des métastases dans d’autres organes », indique Barry Stein, PDG de Cancer colorectal Canada et survivant de la maladie.

L’essai clinique du Memorial Sloan Kettering Cancer Center (MSK), à New York, visait à déterminer, pour la première fois, si l’immunothérapie pouvait induire une rémission complète de cancers rectaux qui ne s’étaient pas propagés à d’autres tissus.

Quatorze patients ayant un cancer du rectum de stade 2 ou 3 ont donc reçu un traitement d’immunothérapie par voie intraveineuse toutes les trois semaines, pendant six mois.

Chez tous les patients, le cancer a disparu après l’immunothérapie, sans qu’ils aient à recourir aux traitements standards, soit la radiothérapie, la chirurgie ou la chimiothérapie.

Le cancer n’est réapparu chez aucun d’entre eux, dont certains depuis près de deux ans.

« On ne s’attendait pas à voir tous les malades qui répondent de façon complète. La probabilité que ça arrive était faible », s’exclame le DBenoit Rousseau, oncologue médical au Memorial Sloan Kettering Cancer Center, qui a participé à l’essai clinique.

Une anomalie essentielle

Afin que l’immunothérapie soit efficace, les patients doivent toutefois avoir une tumeur contenant une anomalie génétique spécifique appelée Micro Satellite Instable (MSI). Entre 5 et 10 % de tous les patients atteints de cancer du rectum ont des tumeurs contenant cette anomalie.

« Ce n’est donc pas une stratégie que l’on peut employer chez tous les malades », dit le DRousseau. Dans le passé, des études avaient démontré que l’immunothérapie n’avait aucun effet chez les patients qui n’ont pas cette anomalie.

PHOTO FOURNIE PAR LE DBENOIT ROUSSEAU

DBenoit Rousseau, oncologue médical au Memorial Sloan Kettering Cancer Center (MSK)

Éviter les effets secondaires

L’immunothérapie permet également de limiter les effets secondaires causés par les traitements de radiothérapie, de chimiothérapie et les interventions chirurgicales. « Le rectum est à côté de la vessie, de la prostate chez les hommes et du système gynécologique chez les femmes, donc on a beaucoup de conséquences en termes de qualité de vie chez ces patients », détaille le DRousseau.

En effet, les traitements standards peuvent entraîner des pertes de fertilité, des risques d’avoir une stomie définitive — une ouverture au niveau de l’abdomen permettant l’évacuation des selles – et des troubles digestifs permanents.

Puisque l’immunothérapie a fait disparaître complètement le cancer, les patients ont pu renoncer à la chimiothérapie, à la radiothérapie et à la chirurgie.

Hausse chez les jeunes

La majorité des patients de l’étude étaient âgés de moins de 40 ans. « C’est très jeune », dit le DRousseau.

Depuis les dernières années, le taux de cancer colorectal grimpe chez les Canadiens dans la vingtaine et la trentaine, alors qu’il est en diminution chez les adultes de 55 ans et plus.

Environ 30 % des cas de cancer colorectal précoce surviennent chez des personnes ayant des antécédents familiaux de la maladie ou une prédisposition génétique. Dans bien des cas, ces jeunes malades ont l’anomalie génétique qui leur permet d’être réceptifs au traitement d’immunothérapie, indique M. Stein.

L’idée c’est de sensibiliser les jeunes à ne pas ignorer les symptômes — douleurs abdominales, sang dans les selles — et de sensibiliser les omnipraticiens à ne pas ignorer les symptômes des patients.

Barry Stein, PDG de Cancer colorectal Canada et survivant de la maladie

Fort engouement

Depuis la publication de leur article, un fort engouement pour l’immunothérapie se fait sentir. « Certains collègues reçoivent 300 appels par jour. Ils ont des infirmières dédiées pour répondre aux questions, depuis la sortie de l’article », dit le DRousseau.

Certaines cliniques des États-Unis envisagent de donner accès au traitement à leurs patients très rapidement. « Au Canada et en Europe, il faudra voir si les données d’une petite étude seront suffisantes pour obtenir un remboursement du médicament. L’immunothérapie reste un traitement coûteux », dit le DRousseau. Un traitement d’immunothérapie coûte environ 11 000 $ aux États-Unis, précise l’oncologue. Chaque patient a reçu huit doses.

Bien que l’étude ait été faite sur un petit nombre de malades, les résultats donnent beaucoup d’espoir, dit le DRousseau. « C’est extrêmement encourageant. Ça donne des perspectives incroyables pour les patients et ça ouvre la porte à de nouvelles études », conclut-il.

Comment fonctionne l’immunothérapie ?

Le système immunitaire n’attaque habituellement pas les cellules saines, grâce à un dispositif de protection appelé point de contrôle. Les cellules du cancer colorectal ont toutefois la capacité de déclencher ce dispositif, ce qui empêche le système immunitaire de localiser et de détruire la tumeur. L’immunothérapie peut résoudre le problème en bloquant les points de contrôle, ce qui permet au système immunitaire d’attaquer et de détruire les cellules cancéreuses.

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    Nombre de Canadiens qui reçoivent chaque jour un diagnostic de cancer colorectal au Canada.
    Source : Société canadienne du Cancer