(Québec) À quelques heures de la fin de la session, les parlementaires ont choisi de mettre un terme à l’étude du projet de loi visant à élargir l’accès à l’aide médicale à mourir. Dans une sortie commune, les formations politiques ont pris l’engagement de reprendre le travail « là où ils l’ont arrêté » après les élections générales.

« C’est trop important comme sujet pour les Québécois pour ne pas prendre tout le temps nécessaire, étant donné la complexité du sujet. On va avoir besoin de temps supplémentaire, on en est conscients, pour compléter le travail », a annoncé le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, accompagné des membres de la Commission de la santé et des services sociaux, qui étudiait le texte législatif.

Avec beaucoup d’émotion, la marraine de la Loi concernant les soins de fin de vie, la députée péquiste Véronique Hivon, a assuré que ce n’était que partie remise, s’adressant particulièrement aux personnes malades en attente de ce changement législatif. « On espère que de nous voir tous réunis de manière transpartisane, tous engagés pour la suite des choses, ça va leur donner de l’espoir. Un petit peu plus tard, mais beaucoup mieux », a-t-elle dit.

Manque de temps

Jeudi après-midi, les parlementaires, qui avaient encore devant eux des dizaines d’articles à étudier, ont pris la décision d’ajourner les travaux de la Commission, ce qui a mis fin à l’étude détaillée du projet de loi 38. Le texte législatif meurt ainsi au feuilleton, alors que le Québec sera plongé en élections générales à l’automne.

Le projet de loi 38 aurait notamment permis aux personnes souffrant de maladies graves et incurables, comme l’alzheimer, de formuler une demande anticipée d’aide médicale à mourir, un enjeu qui fait consensus au Québec. Mais la complexité de son application a rattrapé les parlementaires, qui ont manqué de temps, ne voulant surtout pas « tourner les coins rond », ont-ils dit.

Après avoir accusé M. Dubé d’avoir déposé trop tard son projet de loi – à deux semaines de la fin de la session –, les partis de l’opposition ne voulaient « pas faire de politique » jeudi. « On a fait un excellent travail, d’abord de débroussaillage », a soutenu le député Vincent Marissal, de Québec solidaire. « Moi, je l’ai dit, j’en suis très fier. Et ce résultat-là, il n’est pas perdu », a-t-il ajouté.

Sandra Demontigny, qui est atteinte d’une forme précoce héréditaire de la maladie d’Alzheimer et qui milite pour l’aide médicale à mourir anticipée, s’est dite « attristée » par la décision, mais bien consciente « qu’il y avait de bonnes chances » qu’on se dirige vers un report.

Ils ont travaillé très fort pour que ça avance le plus possible, mais ce sont des sujets très complexes. Dans les circonstances, je pense qu’ils ont fait le mieux qu’ils ont pu.

Sandra Demontigny, militante pour l’élargissement de l’aide médicale à mourir

Le ministre Christian Dubé refuse de parler d’un « échec ». « On avait un agenda législatif qui était excessivement chargé », a-t-il affirmé, citant l’adoption de l’imposant projet de loi 15 modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse, le projet de loi 11 sur l’accès à la première ligne et celui sur la fin de l’urgence sanitaire.

« La minute qu’on s’est fait donner le projet de loi par nos légistes, nous l’avons déposé », s’est-il défendu. Il continue de croire qu’il valait mieux amorcer le travail dès maintenant, même s’il y avait une possibilité que le projet de loi puisse ne pas être adopté à temps.

Le ministre estime qu’une fois adopté, il faudra attendre de 18 à 24 mois pour voir le projet de loi entrer en vigueur, le temps par exemple de préparer les formulaires et protocoles.

Hivon part « l’âme en paix »

Véronique Hivon, qui a annoncé son départ de la vie politique à la fin de son mandat actuel, a eu du mal à retenir quelques larmes lors de l’annonce du report des travaux. Ses pairs l’ont par ailleurs chaleureusement remerciée pour sa contribution au débat. « Je pars, malgré la déception, avec l’âme en paix, parce que j’ai le sentiment que, peu importe qui est là, le projet va continuer à être porté », a-t-elle soufflé.

Le Collège des médecins et le Barreau du Québec ont émis d’importantes réserves lors des consultations sur le projet de loi 38. Les médecins s’exposeraient, selon eux, à des poursuites criminelles si le Code criminel n’est pas amendé en amont pour rendre admissibles les demandes anticipées. Christian Dubé a déjà affirmé qu’il faudra « réimpliquer » le Collège à la reprise des travaux.

Sur Twitter, le Collège a salué la décision des élus et a réitéré l’importance de réintroduire la notion de personne souffrant de handicap neuromoteur grave et incurable, un élément retiré du projet de loi moins de 24 heures après son dépôt, en mai.

Avec la collaboration d’Alice Girard-Bossé, La Presse