(Québec) Les médecins de famille l’ont rejeté catégoriquement, ont réclamé son retrait, mais ils devront quand même composer avec cette nouvelle réalité : le projet de loi 11 a été adopté mardi à l’Assemblée nationale, annonçant un nouveau bras de fer entre Québec et la profession médicale.

La nouvelle loi 11, pilotée par le ministre de la Santé, Christian Dubé, vise à augmenter l’offre de services de première ligne, en revoyant l’emploi du temps des médecins omnipraticiens, appelés à rendre disponibles des plages-horaire de manière à voir davantage de patients. Il n’y a cependant pas de contrainte, ni de cible précise à atteindre quant au nombre de plages-horaire à dégager. Il n’y a pas de pénalité prévue, non plus, contre d’éventuels récalcitrants.

Contrariée, se disant « attaquée » par Québec, la Fédération des médecins omnipraticiens (FMOQ) avait qualifié l’approche gouvernementale de « gifle » envers ses membres, demandant en vain au ministre, au cours des derniers mois, de faire marche arrière.

Selon elle, la nouvelle loi, totalement inutile, ne réglera en rien les problèmes récurrents d’accès à un médecin de famille.

Le ministre Dubé avait déposé son projet de loi en novembre. Plutôt technique, il prévoit déployer une plateforme de gestion pour la prise de rendez-vous médicaux. Le but : qu’un patient orphelin puisse voir un médecin ou un professionnel de la santé en moins de 36 heures. Le système sera géré par les Groupes de médecine familiale (GMF).

Quand le gouvernement Legault a pris le pouvoir, en 2018, on comptait 400 000 patients orphelins au Québec. Quatre ans plus tard, la situation n’a fait qu’empirer. On estime qu’environ 1,5 million de Québécois n’ont pas de médecin de famille actuellement.

En 2018, en campagne électorale, le premier ministre François Legault s’était engagé à garantir un médecin de famille à tous les Québécois avant la fin du mandat.

La loi 11 vise aussi à fournir, sur une base locale et régionale, des données détaillées sur la pratique médicale et la planification des effectifs. L’accès à ces données permettra de mieux planifier l’offre de service et les besoins en effectifs médicaux.

Si jamais la collaboration attendue des médecins ne se manifeste pas dans les prochains mois, le ministre Dubé avait dit en novembre, au moment du dépôt du projet de loi, qu’il se gardait le privilège de passer « à une autre étape », sans donner de précision sur la nature de cette « étape », qui viendra dans un éventuel second mandat.

Québec estime que trop de médecins de famille prennent sous leur aile trop peu de patients.

À maintes reprises, la FMOQ a répliqué qu’en moyenne les médecins de famille travaillent déjà 45 heures par semaine, forcés par le gouvernement de diversifier leur pratique, en dehors de leur cabinet, en se rendant à l’hôpital ou en CHSLD. Certains ont des tâches d’enseignement. On rappelle aussi qu’un médecin sur quatre a plus de 60 ans, un âge où on peut songer à diminuer ses heures de travail, pas à les augmenter.

L’an dernier, le premier ministre Legault avait mis de l’huile sur le feu, brandissant la menace d’une loi qui forcerait les médecins à prendre au moins 1000 patients. Il avait donné le ton en affirmant qu’il possédait les noms des médecins qui ne se conformaient pas à cette norme minimale, à partir d’une liste obtenue de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ). La FMOQ n’avait guère apprécié le ton.

Le problème de l’accès n’est pas nouveau. En 2015, l’ancien ministre libéral Gaétan Barrette avait fait adopter la loi 20 qui prévoyait des pénalités financières pouvant aller jusqu’à 30 % de la rémunération, si les médecins défiaient le diktat gouvernemental en n’atteignant pas les cibles fixées par Québec. Finalement, le gouvernement Couillard avait reculé et les pénalités n’ont pas été appliquées.

Mardi, le ministre Dubé a fait valoir que sa loi « favorisera l’interdisciplinarité entre les professionnels du réseau par un décloisonnement des pratiques ».

Les médecins devront aussi, dorénavant, passer par le guichet d’accès pour prendre de nouveaux patients dans leur cabinet.