(Québec) En plus de ne pas donner à tous les aînés en grande perte d’autonomie des soins à domicile à la hauteur de leurs besoins, Québec sous-estime largement le coût supplémentaire qu’il devrait essuyer d’ici 2028 pour faire face au vieillissement de la population. Il fonce droit dans le mur, estime la vérificatrice générale Guylaine Leclerc.

« Si aucun changement n’est apporté, les aînés en grande perte d’autonomie n’auront pas tous accès à des soins de longue durée publics d’ici 2028 ni à une intensité de services suffisante. Cela est vrai tant en hébergement de longue durée qu’en soutien à domicile », écrit-elle dans son rapport déposé mercredi à l’Assemblée nationale.

Québec navigue à vue et ne fait pas une planification digne de ce nom de l’hébergement public de longue durée pour les aînés en grande perte d’autonomie. Il a lancé la construction de maisons des aînés, mais les places prévues sont à peine équivalentes au nombre de personnes en attente d’hébergement à l’heure actuelle. La demande ne fera que croître avec le temps, mais le gouvernement n’a pas de projections solides à ce sujet. Le nombre de lits en CHSLD a chuté de 15 % au cours des dernières années.

[Québec] n’a pas non plus défini comment il réorganiserait et financerait les soins de longue durée dans le contexte du virage vers le soutien à domicile.

Extrait du rapport de la vérificatrice générale du Québec

Ce virage connaît des ratés. En 2020-2021, pour 59 % des 15 212 personnes de 70 ans ou plus en grande perte d’autonomie qui bénéficiaient de services de soutien à domicile, moins de 5 % de leurs besoins ont été comblés. L’intensité attendue des services n’est tout simplement pas au rendez-vous.

Le nombre moyen d’heures de services réellement donnés à un aîné en grande perte d’autonomie est « très nettement inférieur » à la norme que Québec a lui-même établie en 2006. La moyenne atteint 692 heures par année, alors que ce devrait être 1962.

Planification déficiente, selon la vérificatrice générale

La VG constate que les scénarios du MSSS en vue de répondre à une demande croissante au cours des prochaines années « ne prévoient aucun rattrapage visant à réduire le déficit de services actuel en soutien à domicile ». Ils « ne permettent pas de répondre aux besoins de tous les 25 599 aînés de 70 ans ou plus supplémentaires que prévoit le MSSS d’ici 2028-2029 et qui auront besoin de soins de longue durée comparables à ceux offerts en hébergement de longue durée, d’autant plus que ces prévisions de la demande sont incomplètes ».

D’ailleurs, Québec prévoit donner plus de soins à seulement 47 % à 68 % de ces aînés. L’offre de services qu’il entend offrir est insuffisante, puisque son « scénario privilégié » pour les prochaines années « représente moins du tiers du nombre d’heures de services requises pour un aîné en grande perte d’autonomie ».

La planification budgétaire est déficiente. La VG n’est pas arrivée à concilier les différentes données fournies par le ministère des Finances sur le sujet. Québec n’est pas capable de chiffrer le coût annuel des services de soutien à domicile pour un aîné, se contentant d’estimer vaguement que ce serait équivalent au coût d’hébergement en CHSLD public (près de 100 000 $ par année).

Les mesures additionnelles directes prévues par le gouvernement pour le soutien à domicile sont en moyenne de 340 millions par année d’ici 2025-2026. Et encore là, ces sommes sont destinées à toutes les clientèles, pas seulement aux aînés en grande perte d’autonomie.

Or, selon un calcul conservateur, Guylaine Leclerc estime qu’il faudrait 2 milliards de dollars de plus par année pour couvrir les besoins des aînés de 70 ans ou plus en grande perte d’autonomie en 2028. C’est donc dire que Québec sous-estime le coût d’environ 1,7 milliard de dollars.

Dans son rapport, elle déplore l’absence de réflexion sur le financement des soins, alors que « celle-ci permettrait d’analyser les sources de financement possibles telles que la contribution de l’État, celle des usagers et les mesures fiscales à mettre en place ou à améliorer. Jusqu’à ce jour, il n’y a pas d’orientation ministérielle quant à la contribution financière future exigée des usagers pour leur permettre de rester à domicile ».

La PDG du CISSS de la Gaspésie dans la tourmente

Le processus d’embauche des cadres et la gestion des contrats de service au CISSS de la Gaspésie « manquent de rigueur et de transparence », conclut la vérificatrice générale, Guylaine Leclerc. Elle dénonce également des « enjeux liés au climat de travail ». Au Salon bleu, la députée de Gaspé, la péquiste Méganne Perry Mélançon, a demandé la mise sous tutelle de l’organisme. Pour le ministre de la Santé, Christian Dubé, « les éléments qui ont été soulevés par la VG méritent une attention particulière dans les prochaines semaines. Mais il y a déjà un changement de PDG qui a été opéré, alors on est là ». Dans les faits, la PDG Chantal Duguay devait partir à la retraite à la fin de son contrat, le 31 mars, mais comme le processus de sélection de son successeur rencontre des problèmes, elle continue de diriger le CISSS pour le moment.

En savoir plus
  • Dans les soins à domicile, « on a fait plus que tout ce qui a été fait dans le passé, mais on ne peut pas tout rattraper en même temps. Il faut avoir les gens pour aller les donner, les soins à domicile. Il faut les embaucher, les former, on est là-dedans ».
    Marguerite blais, ministre responsable des Aînés et des Proches aidants