De plus en plus de médecins québécois qui prennent leur retraite peinent à trouver une relève pour prendre en charge leur clientèle. Ces patients sont donc confiés au Collège des médecins qui, lui-même, éprouve des difficultés à les référer, tant l’accès aux professionnels de la santé peut être difficile, révèle un rapport de l’ordre professionnel obtenu par La Presse.

« Le Collège des médecins observe une augmentation importante du nombre de dossiers médicaux à gérer et éprouve des difficultés à orienter les patients présentant des résultats franchement anormaux vers des ressources facilitant la prise en charge du suivi requis », peut-on lire dans le document issu du Chantier sur l’accès à un médecin et la cessation d’exercice du Collège des médecins.

Le président du Collège des médecins, le DMauril Gaudreault, ne s’en cache pas : le manque d’accès aux soins de santé au Québec l’inquiète. Depuis un an, le Collège des médecins a tenu 20 rencontres et discuté avec des dizaines d’intervenants pour bien comprendre la problématique.

Le Collège a également mené un sondage auprès de 2600 médecins et 1000 citoyens dont les résultats sont « très préoccupants », selon le DGaudreault.

On apprend notamment que « la majorité des médecins jugent que les Québécois sont privés d’un accès au réseau de la santé dans un délai raisonnable ».

« Le titre que le sondeur a donné au sondage était Les Québécois privés de soins. Ça m’interpelle beaucoup », dit-il.

Le sondage révèle que quatre Québécois sur dix ont senti le besoin de consulter un professionnel de la santé dans les 12 derniers mois, mais ne l’ont pas fait « en raison de l’impossibilité d’obtenir un rendez-vous après avoir essayé ou parce qu’ils avaient l’impression que ce serait trop long ». Les médecins sondés estiment aussi qu’il est très difficile d’orienter des patients vers d’autres professionnels de la santé, surtout des psychologues, mais aussi entre médecins eux-mêmes. Seule exception : les pharmaciens, alors que seulement 8 % des médecins estiment qu’il est difficile de leur envoyer des patients.

Professionnels de la santé les moins accessibles au public, selon les médecins

  • Psychologues : 82 %
  • Ergothérapeutes : 58 %
  • Psychoéducateurs : 58 %
  • Physiothérapeutes : 57 %
  • Médecins : 56 %
  • Orthophonistes/Audiologistes : 55 %
  • Diététistes/Nutritionnistes : 54 %
  • Travailleurs sociaux : 49 %
  • Infirmières praticiennes spécialisées : 33 %
  • Optométristes : 26 %

Source : sondage SOM pour le Collège des médecins

Garder actifs les médecins en fin de carrière

Les consultations menées par le Collège des médecins ont amené le DGaudreault à se prononcer pour l’élargissement de l’accès à la première ligne aux autres professionnels de la santé lors de la commission parlementaire sur le projet de loi 11, tenue en février. « J’ai dit que le médecin de famille ne doit pas être l’unique porte d’entrée du réseau et qu’il faut arrêter de dire que tous les Québécois ont besoin d’un médecin de famille », affirme le DGaudreault. Cette idée a fait du chemin depuis, dit-il.

Parmi ses autres recommandations, le Collège des médecins mise sur une augmentation de l’offre de soins à domicile, une amélioration de la technologie dans le réseau et une meilleure information du public, qui « ne sait pas toujours où s’adresser pour avoir accès aux soins de santé ».

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Le DMauril Gaudreault, président du Collège des médecins

Le DGaudreault dit aussi vouloir mettre beaucoup d’efforts pour offrir de meilleures conditions de pratique aux médecins en fin de carrière qui veulent rester plus longtemps actifs. Car comme l’indique le rapport : « alors qu’environ le quart (23 %) des médecins ont plus de 60 ans, la vague de départs à la retraite dans les prochaines années viendra accentuer les enjeux d’accès à un médecin ». « Pour l’instant, ce n’est pas possible de travailler à temps partiel en fin de carrière. Il faut revoir ça », dit le DGaudreault.

Les médecins qui prennent leur retraite doivent aussi céder leurs dossiers à un autre médecin. Ceux qui sont incapables de le faire se tournent vers le Collège des médecins, qui devient le cessionnaire. « Le Collège observe une augmentation importante du volume de dossiers dont il devient cessionnaire de même que des difficultés à orienter les patients présentant des anomalies importantes lors d’examens ou investigations prescrites par le médecin qui a cessé sa pratique, ce qui est non justifiable dans un esprit de protection du public », est-il écrit dans le rapport.

Le DGaudreault rappelle que la mission du Collège des médecins est « de protéger le public en assurant une médecine de qualité ». « Mais une médecine de qualité, c’est aussi une médecine accessible », dit-il.

En savoir plus
  • 800 000
    Nombre de Québécois sur la liste d’attente du Guichet d’accès à un médecin de famille
    SOURCE : Rapport du Collège des médecins
    500 000
    Nombre de Québécois sur la liste d’attente des Centres de répartition des demandes de services, soit le guichet d’accès à un médecin spécialiste
    SOURCE : Rapport du Collège des médecins