(Québec) L’explosion du recours aux agences au CISSS de la Côte-Nord est une situation « extrêmement inquiétant[e] » et « dangereu[se] » qui pourrait entraîner des « coupes de service », déplorent deux syndicats de la santé. Ceux-ci accusent la direction d’avoir « perdu le contrôle » et réclament la mise sur pied d’un groupe de travail d’urgence.

La Fédération de la santé du Québec (FSQ) et le Syndicat des intervenantes et intervenants de la santé du Nord-Est québécois (SIISNEQ-CSQ) dénoncent une « situation hors de contrôle » au CISSS de la Côte-Nord qui va « droit vers un mur ». Le déficit anticipé de l’établissement de santé devrait atteindre 65 millions pour l’année en cours, dont plus de 65 % est attribuable au recours aux agences, rapportait La Presse samedi.

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« Quand c’est rendu que ce sont les membres de la direction eux-mêmes qui font rapport, dans les médias, de leur gestion déficiente, ça démontre à quel point ça va mal », écrit la présidente du SIISNEQ-CSQ, Nathalie Savard, dans un communiqué. Le syndicat montre du doigt que 140 postes d’infirmière et d’infirmière auxiliaire ont été supprimés au cours des deux dernières années.

« On élimine les postes dans notre réseau public et on dépense des dizaines de millions de l’argent public pour engraisser les agences privées », ajoute Mme Savard. Selon elle, la situation difficile dans laquelle se retrouve le CISSS de la Côte-Nord émane davantage « d’une mauvaise gestion » de l’établissement.

« On parle de solutions comme la création d’une agence publique de main-d’œuvre, d’avoir recours au fly in, fly out, mais est-ce qu’on s’est posé la question : pourquoi on est rendu là ? », demande en entrevue Mme Savard, qui déplore que le syndicat ne soit pas impliqué dans la recherche de solutions. « On ne nous écoute plus dans le réseau de la santé, on est mis à part », lance-t-elle.

Le CISSS de la Côte-Nord n’a pas souhaité réagir aux déclarations des syndicats, lundi.

Les deux organisations syndicales demandent une rencontre d’urgence avec le CISSS de la Côte-Nord et le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS). Une proposition appuyée par la FSQ qui réclame la mise sur pied, pour la Côte-Nord, d’un groupe de travail paritaire.

« Il y a urgence d’agir. Quand je vois que c’est pratiquement uniquement de la main-d’œuvre indépendante (MOI) sur l’unité, elle est où, la stabilité des soins ? », s’inquiète la présidente de la FSQ-CSQ, Isabelle Dumaine. « Particulièrement pour ce cas-là, le gouvernement et le CISSS de la Côte-Nord ont tout intérêt à s’asseoir avec nous pour trouver des solutions rapides d’une façon assez urgente », lance-t-elle en entrevue.

Selon les syndicats, Québec doit « rebâtir des structures de postes plus humaines, comme cela existait avant la réforme Barrette, à une époque où la collaboration avec les syndicats était réelle et sincère ». Mme Savard s’interroge d’ailleurs à savoir si le CISSS Côte-Nord – dont les installations ont été fusionnées en 2015 – n’est pas trop grand alors qu’il dessert un territoire de 1300 kilomètres.

Il faut aussi mettre en place des solutions pour que les employés du réseau choisissent d’y rester et éviter de créer « deux classes de salariés » avec le recours aux agences.

Vers la fin des primes

Les syndicats déplorent du même souffle que l’État québécois dépense « sans compter » pour avoir recours aux agences privées alors que le gouvernement s’apprête à mettre fin aux primes offertes aux travailleuses du réseau public le 14 mai. Le ministre Christian Dubé a affirmé la semaine dernière, lors de l’étude des crédits budgétaires de son ministère, qu’il n’avait pas l’intention d’accorder un nouveau délai.

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Québec avait prolongé d’un mois en avril dernier les primes liées à la COVID-19 alors que la sixième vague déferlait sur le réseau. M. Dubé a indiqué que la situation épidémiologique ne justifiait plus le maintien de ces primes. Ce qui fait craindre le pire pour les syndicats à l’approche de la période des vacances estivales.

« L’un des avantages de la MOI, c’est que tu donnes de la disponibilité que tu as envie de donner. Les gens de la MOI prennent six, huit semaines de vacances l’été. Ce n’est pas quelque chose qui n’existe pas. Donc, qui va assurer les soins cet été ? C’est inquiétant », soulève Mme Dumaine.