L’accès à des soins de santé est difficile pour de nombreux réfugiés ukrainiens qui arrivent au Québec avec une affection médicale les obligeant à consulter rapidement un médecin. Iryna Levin, mère de famille qui accueille depuis deux semaines une Ukrainienne diabétique de 18 ans, dénonce la lenteur du système.

Originaire de Kharviv, Anastasia Saprykina est hébergée à Laval depuis le 3 avril. Elle vit avec un diabète de type 1, qui se caractérise par une absence totale d’insuline dans son corps. « Très dépendante », elle doit s’injecter de l’insuline six fois par jour, ce qui coûte une centaine de dollars par semaine.

« Quand la guerre a commencé, toutes les importations d’insuline ont arrêté en Ukraine, souligne Anastasia. J’en ai reçu quelques boîtes en Pologne, mais c’était une solution à court terme. Le Canada, pour moi, ce n’est pas seulement un abri de la guerre, mais aussi une possibilité de survivre avec mon diabète. »

« Je ne sais pas quoi faire », a confié Mme Levin à La Presse. « Je suis maman de quatre enfants. Même si j’ai les moyens de les nourrir, l’insuline, je ne suis pas capable de l’acheter de ma poche. »

Le délai « théorique » est expiré

La porte-parole de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ), Caroline Dupont, a confirmé à La Presse que les ressortissants ukrainiens sont « tous couverts pour les maladies et les médicaments » dès qu’ils font les démarches nécessaires pour obtenir leur carte de la RAMQ. Les personnes qui en font la demande doivent en théorie recevoir leur carte d’assurance maladie dans un délai maximal de 10 jours ouvrables.

La RAMQ affirme aussi qu’une « lettre d’admissibilité » est fournie aux demandeurs en attendant la réception de la vraie carte. Elle sert de substitut temporaire. Les dépenses pour acheter des médicaments avant l’obtention de la carte sont remboursées de manière rétroactive « lorsque le dossier est accepté ».

Iryna Levin a fait la demande de carte d’assurance maladie pour Anastasia le 4 avril. N’ayant toujours pas en main de lettre d’admissibilité ni de confirmation, elle a rappelé la RAMQ le 19 avril, avant de plonger dans un tourbillon bureaucratique. Elle dit avoir passé plusieurs heures au bout du fil avec différents services gouvernementaux, sans résultat concret.

J’avais envie de pleurer. Comment je peux être sûre que ça va être rétroactif si je ne sais pas si mon dossier va être accepté ? […] Je suis fatiguée de combattre.

Iryna Levin

« Ces gens-là viennent ici sans vêtements, sans argent, sans papiers pour fuir les bombardements, ajoute Mme Levin. Plusieurs ont besoin de services médicaux maintenant, parce qu’ils sortent d’une guerre. »

Pas la seule

Hématologue et oncologue à l’Hôpital général du Lakeshore, la Dre Liya Roudaia a accepté de prendre en charge Olena Markina, une femme ukrainienne atteinte d’un cancer colorectal, même si cette dernière n’avait pas de carte d’assurance maladie. La médecin est tombée par pur hasard sur cette patiente, par l’entremise d’une publication Facebook indiquant qu’elle cherchait à consulter une oncologue.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

La Dre Liya Roudaia craint que plusieurs réfugiés ukrainiens ne reçoivent pas de soins adéquats à leur arrivée, par méconnaissance du système québécois.

« Au moment où elle est arrivée, elle en était à un stade potentiellement curable, avec un besoin de chimiothérapie et de chirurgie, explique la Dre Roudaia. Je ne sais pas avec quelle rapidité elle aurait été vue si je ne lui avais pas répondu. »

Elle-même née en Ukraine, la professionnelle de la santé prête son sous-sol de Pointe-Claire à un couple de réfugiés dans la vingtaine, dont la femme est enceinte de 32 semaines. La Dre Roudaia a recommandé cette femme à une spécialiste du Lakeshore, qui a exceptionnellement accepté de voir la future mère sans carte de la RAMQ. « Je pense que la guerre est une abomination, donc j’essaie d’aider de tous les côtés que je peux. »

Même si elle se dit « fière de sa province depuis le jour 1 » en raison des efforts déployés pour accueillir les Ukrainiens, la Dre Liya Roudaia indique par contre que « certains diagnostics, comme une grossesse ou un cancer, ne peuvent pas attendre ».

Anastasia Saprykina, la jeune femme diabétique, a été en mesure de consulter une spécialiste à l’Hôpital général du Lakeshore, le 11 avril. On lui y a gratuitement fourni des échantillons d’insuline. Ce n’est toutefois pas une solution à long terme. Si la RAMQ ne confirme pas son admissibilité, Iryna Levin envisage de lancer une collecte de fonds pour financer les traitements d’Anastasia.

Quel est le statut d’un réfugié ukrainien ?

Depuis le 1er avril, les ressortissants ukrainiens sont considérés par le gouvernement fédéral comme des travailleurs temporaires. Ils ont un permis ouvert de trois ans, ce qui leur permet de travailler pour n’importe quel employeur, comme l’explique Stéphan Reichhold, directeur général de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI).

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    C’est le nombre de cliniques pour personnes réfugiées qui se situent sur le territoire du Québec.
    Source : ministère de la Santé et des Services sociaux