(Québec) « Copié-collé de la dernière campagne électorale », « recueil de slogans » et « constat d’échec ». Les partis de l’opposition ont descendu en flammes une première version du « Plan santé » de Christian Dubé, qui avait fait l’objet d’une fuite jeudi. Le ministre assure qu’il ne s’agit pas de son « plan final ».

Le « Plan santé » du ministre Christian Dubé doit être présenté mardi prochain, mais Radio-Canada a révélé une version du document comprenant 50 mesures visant à redresser le système de santé, mis à mal par la pandémie. Selon les informations publiées, Québec voudrait notamment modifier la rémunération des médecins de famille – une promesse faite par la Coalition avenir Québec en 2018.

Le plan du gouvernement s’étalerait sur trois ans, selon le document. Des mesures seraient prévues pour mettre fin au recours au « temps supplémentaire obligatoire » (TSO) pour accroître l’accès à la première ligne et encadrer les agences de placement. Il s’agit d’intentions déjà formulées par le ministre Christian Dubé.

On prévoirait aussi dans le plan l’embauche d’agents administratifs pour alléger le travail des infirmières et l’ajout de pharmaciens en milieu hospitalier, ce qui a déjà été inscrit dans le budget.

Le budget Girard faisait d’ailleurs état d’une partie des mesures du gouvernement visant à décentraliser la planification des horaires de travail sur le terrain, à éliminer le recours « abusif » au TSO, à augmenter le nombre de personnes travaillant à temps complet et à améliorer la conciliation travail-famille. Québec mise énormément sur l’autogestion des horaires de façon locale, ce qui fera aussi partie du « Plan santé ».

En entrevue avec La Presse, il y a deux semaines, la sous-ministre à la Santé, Dominique Savoie, avait également fait valoir que le plan pour redresser le réseau de la santé ferait aussi une place importante au décloisonnement des professions pour améliorer la fluidité hospitalière et l’accès à la première ligne. M. Dubé avait voulu modérer les attentes en affirmant qu’il « n’y aura[it] pas de grandes découvertes » dans son plan de « refondation », une étiquette abandonnée par le gouvernement dans le dernier budget.

François Legault a aussi affirmé que la place du privé serait d’environ 20 %, essentiellement pour rattraper les retards en chirurgie.

« Un copié-collé de 2018 », déplore le PLQ

« Les 50 mesures qui ont été annoncées, on a l’impression que c’est un copié-collé de la dernière campagne électorale, du dernier plan de campagne électorale de la CAQ en 2018. Donc, un constat d’échec », a décoché la cheffe libérale Dominique Anglade.

Les libéraux accusent par ailleurs le gouvernement Legault de rompre sa promesse de 2018 voulant que chaque Québécois ait accès à un médecin de famille en se rabattant sur le projet de loi 11, qui vise à accroitre l’accès à la première ligne en mettant à contribution les groupes de médecine familiale.

Le ministre Dubé avait déjà enterré cette promesse au dépôt du texte législatif en novembre dernier. Près d’un million de Québécois sont sans médecin de famille.

Jeudi, le président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), le Dr Marc-André Amyot, a affirmé que les omnipraticiens « veulent faire partie de la solution ». M. Dubé a d’ailleurs présenté les grandes lignes de son plan à la FMOQ, qui avait été particulièrement critique du projet de loi 11, en début de semaine.

« On répond présent », a-t-il indiqué en entrevue, évoquant « un plan ambitieux » et nécessaire pour redresser le réseau. Il se dit également « ouvert » à reprendre les négociations pour modifier la rémunération des médecins. « Tout se discute dans le respect, il faut juste comprendre la réalité de chacun », a-t-il dit.

« Un bon sirop pour mardi », promet Dubé

Le ministre de la Santé n’a pas voulu s’adresser aux médias à son arrivée au Salon bleu, jeudi. Sur Twitter, il semblait avoir pris avec un grain de sel le fait que son plan avait fait l’objet de fuites.

Cela ne l’a pas empêché d’être talonné par les groupes d’opposition au Salon bleu. « Je vais laisser les oppositions commenter un plan qui n’est pas final », a répliqué M. Dubé.

Selon les partis de l’opposition, les mesures révélées jeudi ne vont pas assez loin. « Ce n’est pas les slogans qui manquent, mais ce n’est pas avec les slogans qu’on va réparer le réseau de la santé », a lancé en Chambre le député solidaire Vincent Marissal.

« Ma question est très simple : […] comment voulez-vous refonder ce système si on garde les mêmes pilotis viciés et bancals ? », a-t-il demandé au ministre de la Santé, en parlant spécifiquement des agences de placement.

Christian Dubé réplique : « Attendons de voir la version finale du plan qui sera déposé mardi parce qu’il y a un ensemble de mesures qui, malheureusement, avec des gouvernements précédents et des rapports sur la santé, […] n’ont pas été mises en place. »

Je pense qu’on va avoir le courage, et on l’a démontré pendant la pandémie, de poser des gestes forts, notamment envers les agences de placement, pour améliorer le réseau.

Christian Dubé, ministre de la Santé et des Services sociaux

Québec consacrera à la relance du réseau de la santé 5,2 milliards sur cinq ans, dont un milliard sera destiné spécifiquement aux visées de M. Dubé.

Selon le Parti québécois, « la question du bilan réel de la CAQ » en santé va d'ailleur bientôt se poser alors que les Québécois iront aux urnes dans moins d’un an.

« De la même manière que la question du bilan réel de la CAQ en matière de crise du logement, d’absence de places en garderie, d’absence de soins à domicile pour les aînés, d’inflation qui appauvrit les Québécois. À un moment donné, il va falloir que la discussion porte sur ce que la CAQ a réellement fait ou pas fait pendant quatre ans », a fait valoir le chef Paul St-Pierre Plamondon.