Confronté à une vague d’adolescents en détresse consultant pour des problèmes de santé mentale, l’Hôpital de Montréal pour enfants a mobilisé ses troupes en un temps record et ouvrira lundi prochain le SPOT, centre ambulatoire pour jeunes de 12 à 18 ans en état de crise suicidaire.

« Depuis 10 ans, on a vu une augmentation constante du nombre de jeunes consultant en état de crise suicidaire. Et la pandémie est venue ajouter une couche à cette augmentation qu’on voyait depuis des années », explique le DMartin Gignac, chef du service de psychiatrie de l’Hôpital de Montréal pour enfants. S’il y avait 200 consultations par an au tournant des années 2000, les jeunes en état de crise sont maintenant 800 à franchir les portes des urgences de l’Hôpital de Montréal pour enfants. « Et ça a été 1200 pendant le plus fort de la pandémie », note le DGignac.

L’Hôpital de Montréal pour enfants dispose de huit lits de psychiatrie pour hospitaliser ces jeunes. Quand ils débordent, des lits d’autres départements doivent être utilisés. D’où l’idée de réfléchir à une nouvelle façon de faire. « On ne peut pas augmenter le nombre de lits en psychiatrie indéfiniment », commente le DGignac en faisant visiter les locaux du SPOT à La Presse.

Ce dernier explique que les patients en crise aiguë qui représentent un risque trop grand pour eux-mêmes continueront d’être hospitalisés.

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE

Le DMartin Gignac, chef du service de psychiatrie de l’Hôpital de Montréal pour enfants

Mais pour certains patients, on pourra éviter l’hospitalisation en les recevant dès le lendemain ou le jour suivant ici.

Le DMartin Gignac, chef du service de psychiatrie de l’Hôpital de Montréal pour enfants

Un suivi personnalisé

Dans ce centre ambulatoire, conçu entièrement pour satisfaire les goûts des adolescents, toute une équipe de professionnels prendra en charge ces jeunes pour une durée de 12 semaines de thérapie intensive. Des ateliers de résolution de crise seront donnés. Des consultations individuelles, de groupe et familiales. « Chaque jeune aura un gestionnaire de cas pour ajuster le suivi », dit le DGignac.

L’objectif : atténuer la crise suicidaire et fournir des techniques pour faciliter la prise en charge de la détresse psychologique à long terme. Parce que les services sont offerts à l’externe, les adolescents pourront continuer de fréquenter l’école.

Le SPOT ne veut pas se substituer à l’offre communautaire en santé mentale, explique le DGignac. Mais dans le réseau, notamment en CLSC, le temps d’attente moyen pour obtenir des services est de six mois. « Les services se mettent en place plus ou moins vite, en fonction de ta géographie », affirme le DGignac. Si bien qu’environ « 20 % des adolescents en crise traités aux urgences de l’Hôpital de Montréal pour enfants reviennent dans les 30 jours suivants dans un nouvel état de crise, incluant ceux qui ont pu accéder à des services de suivi dans la communauté », indique l’établissement dans un communiqué.

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE

Le DMartin Gignac, chef du service de psychiatrie de l’Hôpital de Montréal pour enfants, et Renée Vézina, présidente de la Fondation de l’Hôpital de Montréal pour enfants

Le projet du SPOT coûtera 12 millions de dollars et s’étalera sur 10 ans. Présidente de la Fondation de l’Hôpital de Montréal pour enfants, Renée Vézina souligne que le projet a été rendu possible après que plusieurs donateurs ont accepté rapidement de le soutenir, dont RBC et la Fondation de la famille Amiel, qui fourniront chacun 2 millions de dollars. « Ça a pris six mois, lever les fonds, et six mois, faire la construction », se réjouit-elle

« J’ai appris à gérer tout ça »

Simone Aslan, 20 ans, a été hospitalisée à l’Hôpital de Montréal pour enfants à l’âge de 15 ans pour des idées suicidaires. « J’ai encore des journées difficiles, mais j’ai appris à gérer tout ça », dit-elle. Impliquée auprès de l’hôpital depuis, elle croit que le SPOT aidera certainement les jeunes en détresse.

Parce que moi, j’ai la chance d’avoir une famille qui a pu me payer rapidement des services psychologiques au privé. Mais ce n’est vraiment pas le cas de tout le monde.

Simone Aslan, 20 ans

La jeune femme, qui souligne que « tout le monde connaît quelqu’un qui a des difficultés de santé mentale », croit aussi que le fait que les jeunes n’auront qu’à se présenter à un seul endroit pour recevoir une aide immédiate et complète est un avantage considérable. « Parce que savoir où aller pour accéder à des services mentaux, ça peut parfois avoir l’air insurmontable », dit-elle.

Durant les 10 prochaines années, le projet du SPOT sera suivi étroitement par le DGignac et d’autres chercheurs. « On a 10 ans pour montrer que ça fonctionne », dit-il.

Besoin d’aide pour vous ou pour un proche ?

Info-Santé : 811

Jeunesse, J’écoute : 1 800 668-6868 ; consultation gratuite en ligne 24 heures sur 24, sept jours sur sept, pour enfants et adolescents

Suicide Action Montréal : 1 866 APPELLE (1 866 277-3553)

En savoir plus
  • Jusqu’à 1000
    Nombre de patients qui pourront être suivis chaque année au SPOT
    SOURCE : HÔPITAL DE MONTRÉAL POUR ENFANTS
    35 %
    Hausse du nombre de jeunes ayant consulté aux urgences de l’Hôpital de Montréal pour enfants pour des problèmes psychosociaux ou psychologiques de 2020 à 2021
    SOURCE : HÔPITAL DE MONTRÉAL POUR ENFANTS