Après l’agression de deux employées par un patient, le syndicat réclame de la formation et des ressources

Un nouvel épisode de violence s’est produit fin janvier à l’Institut de psychiatrie légale Philippe-Pinel, où les employés se disent « à bout de souffle » et en manque de ressources, a appris La Presse. Cette fois, deux employées ont été agressées par un patient instable, ce qui a provoqué une onde de choc dans l’établissement.

« Ça aurait pu vraiment mal virer. Et ça met en lumière encore une fois qu’on manque de formations et de ressources », lâche la présidente du Syndicat des employés de l’Institut Philippe-Pinel (SCFP-2960), Marie-Ève Désormeaux.

L’évènement s’est produit le 22 janvier, vers 17 h. Ce jour-là, dans l’unité de traitement et de rétablissement B-1, un patient de grand gabarit, connu pour sa « tendance violente », s’en est pris avec force à deux employées, une infirmière et une sociothérapeute, frappant celles-ci à plusieurs reprises au visage et à la tête. L’affaire a forcé l’intervention de plusieurs autres collègues à cet étage.

Aucune vie n’a été en danger, la situation ayant pu être maîtrisée rapidement, mais les employées agressées, sous le choc et blessées, ont été placées en arrêt de travail. Toute l’équipe présente a aussi été temporairement remplacée. Du soutien a été offert par l’entremise d’un programme d’aide aux employés, ce que salue par ailleurs le syndicat.

Il reste que la situation illustre les dures conditions de travail des employés, affirme Marie-Ève Désormeaux. « Présentement, tout passe par la prévention et le contrôle des infections (PCI). Dans ce cas-ci, le patient voulait prendre une douche, mais ce n’était pas possible vu l’organisation du travail, le manque de ressources, les mesures à appliquer. Ce refus, ç’a vraiment été l’élément déclencheur de tout ça », dit-elle.

Nos travailleurs sont tout le temps mis à risque, à un point tel qu’on se dit que ça va prendre un mort, à un moment donné, pour se rendre compte de la situation. On peut travailler sur notre sécurité et nos conditions tout en garantissant le respect des droits des patients. Mais pour ça, on a besoin d’une direction qui nous écoute.

Marie-Ève Désormeaux, présidente du SCFP-2960

Un autre intervenant joint par La Presse, qui ne souhaite pas être nommé par crainte de représailles, abonde en ce sens. « Nous manquons de budget, de formations et de reconnaissance pour notre emploi. Énormément d’employés avec de l’expérience partent pour aller dans les prisons fédérales, non pas parce qu’ils n’aiment pas travailler à Pinel, mais parce qu’ils veulent des bonnes conditions », soupire-t-il.

Analyse interne en cours

Joint par La Presse, le chef du département de psychiatrie à l’Institut Philippe-Pinel, le DMathieu Dufour, confirme qu’une analyse « approfondie » de l’évènement est en cours.

« On va regarder plusieurs aspects. On veut savoir si, par exemple, on aurait pu prévoir cet évènement-là. Est-ce qu’il y a des facteurs contributifs ? Un manque de personnel ? Des changements de médicaments chez le patient récemment ? Quels étaient son état mental et l’évaluation qui avait été faite ? Si on se rend compte qu’il y a des choses qui auraient pu être faites, on va en prendre acte », assure-t-il.

Dans un monde idéal, il y aurait zéro évènement violent à Pinel. […] Mais la réalité, c’est qu’on a une clientèle beaucoup plus à risque d’avoir des comportements violents, à cause de leur historique et de leur état de santé mentale.

Le DMathieu Dufour, chef du département de psychiatrie à l’Institut Philippe-Pinel

Il affirme que le « comité de gestion des risques » fera « sous peu » rapport d’une série de recommandations à la PDG, Manon Boily. Dans un avis interne diffusé après les évènements, que La Presse a obtenu, celle-ci affirme que plusieurs actions ont déjà été faites « afin de venir en aide aux employées concernées, de gérer les risques subséquents pouvant découler de cette situation, et d’alléger les inquiétudes ».

Tous les patients de l’unité B-1 ont notamment « été mis en chambre » après l’agression, « afin de prendre soin du personnel, qui a été rencontré un par un », assure Mme Boily. Elle ajoute que la direction s’est assurée qu’« un proche puisse raccompagner les employés à leur domicile en toute sécurité ». « Nous avons procédé à un rehaussement du personnel en postant deux agents du CPU [Centre de prévention et d’urgence] à la porte du corridor afin de réduire les risques potentiels », précise aussi Mme Boily.

Pas une première

Cet évènement violent n’est pas une première à l’Institut Philippe-Pinel. Pas plus tard qu’en décembre dernier, plusieurs syndiqués ont manifesté à Montréal pour réclamer des mesures de protection accrues. En mai 2021, six adolescents ont été impliqués dans un « plan de mutinerie » à l’Institut. Des armes et des courroies de fortune avaient été préparées en vue d’une prise d’otages et d’une tentative d’évasion. En 2018, une tentative d’attaque planifiée contre les membres du personnel de l’Institut avait également nécessité une « intervention majeure » dans la même unité, soit la F-2, destinée aux adolescents. Quatre intervenants avaient alors été blessés. Au début des années 2010, une violente prise d’otages avait aussi marqué les esprits, entraînant l’arrêt de travail de 13 personnes.