(Ottawa) Un organisme canadien qui élabore des normes en matière de soins de santé a publié une ébauche de nouvelles directives sur les soins de longue durée qui, espèrent les auteurs, modifieront en profondeur la façon dont ces établissements sont accrédités et inspectés au pays.

Rédigées en réponse aux milliers de décès de résidants liés à la COVID-19 en 2020, les nouvelles normes sont conçues pour éviter de telles tragédies à l’avenir, a déclaré le Dr Samir Sinha, président du comité technique de l’Organisation de normes en santé qui a rédigé le nouveau document.

La pandémie a mis en évidence des lacunes graves, qui ne datent pas d’hier, dans les soins de longue durée, notamment les mauvaises conditions de travail du personnel.

Ces mauvaises conditions ont provoqué des pénuries de personnel qui, lors de l’irruption de la COVID-19 au début de 2020, ont alimenté la propagation des infections, alors que les préposés et infirmières se déplaçaient de foyer en foyer. Pendant ce temps, des résidants ont parfois été empêchés de sortir et coupés de leurs proches, a déclaré le docteur Sinha.

Selon l’Institut canadien d’information sur la santé, la COVID-19 avait, au 15 août 2021, tué 14 000 résidants de foyers de soins de longue durée au Canada, ce qui représente environ 43 % de tous les décès dus au coronavirus jusqu’ici.

Le Dr Sinha, qui est directeur du service de gériatrie au Sinai Health à Toronto, croit que plusieurs nouveaux critères dans les normes proposées auraient permis de sauver des milliers de vies dans les foyers de soins de longue durée pendant la pandémie.

Bien que le gouvernement fédéral ait demandé de nouvelles normes, on ne sait toujours pas comment il compte les mettre en œuvre, puisque les soins de longue durée relèvent de la compétence des provinces et des territoires. Le premier ministre François Legault, par exemple, répète que le Québec s’attend plutôt à recevoir d’Ottawa de « l’argent récurrent » en santé, sans condition, et non des normes nationales.

Comme dans les hôpitaux

Les normes sont axées sur la prestation des soins et la qualité de vie des résidants, ainsi que sur un environnement de travail attrayant. On propose notamment une rémunération et des avantages sociaux équitables, ainsi que du personnel suffisant. On recommanderait aussi d’aligner les mesures de prévention et de contrôle des infections dans les foyers avec celles qui sont en vigueur dans les hôpitaux, a déclaré le Dr Sinha.

Les normes reflètent également le droit des résidants de vivre avec un certain niveau de risque, s’ils le souhaitent, ce qui peut signifier que les personnes qui sont sujettes aux chutes pourraient éviter les contentions, ou que certains visiteurs seraient autorisés à venir les voir même en période d’éclosions.

« Nous devons trouver cet équilibre en permettant aux résidants de vivre avec certains risques et en respectant leur droit de les gérer, tout en équilibrant (ce droit) avec la sécurité de tous ceux qui vivent au foyer », a déclaré le docteur Sinha.

Les normes précédentes avaient été élaborées par l’Organisation de normes en santé en 2012 et elles ont été mises à jour au fil des ans. Ces normes sont actuellement utilisées pour accréditer environ 68 % des foyers de longue durée au Canada, selon le docteur Sinha.

Alors que les normes actuelles comprennent 35 critères pour offrir des soins de longue durée de qualité, la nouvelle ébauche en comprend 183. Les normes touchent les plans de soins des résidants, la qualité d’accueil, les procédures en cas de catastrophe, la protection des lanceurs d’alerte et la qualification du personnel.

Ces normes prévoient également la collecte de données sur la main-d’œuvre et l’évaluation de la qualité de vie, de la santé et du bien-être des résidants, afin de favoriser les améliorations dans les foyers.

L’Organisation de normes en santé demande maintenant les commentaires du public sur l’ébauche, au cours des 60 prochains jours ; ces commentaires seront recueillis et utilisés pour élaborer l’ébauche finale. Les nouvelles normes nationales devraient être finalisées et publiées à la fin de l’année.

Accord des provinces

Les nouvelles normes proposées ont été élaborées en parallèle avec le Groupe CSA, anciennement connu sous le nom d’Association canadienne de normalisation (ACNOR), qui se concentrera sur des éléments plus « physiques » des soins de longue durée, comme la conception des bâtiments, la filtration de l’air et la prévention et le contrôle des infections. L’ébauche des nouvelles normes du Groupe CSA devrait être publiée pour examen public le mois prochain.

Le gouvernement du premier ministre Justin Trudeau a promis 3 milliards sur cinq ans pour soutenir la mise en œuvre des nouvelles normes, mais au final, cette initiative nationale devra obtenir l’accord des provinces et territoires.

M. Trudeau a également confié au ministre de la Santé, Jean-Yves Duclos, le mandat d’« élaborer des normes nationales et une loi sur les soins de longue durée sécuritaires », bien qu’aucun détail n’ait encore été rendu public.

Le Dr Sinha envisage les normes utilisées pour informer chaque rouage dans les soins de longue durée, de la législation à l’accréditation, et des inspections aux programmes de formation du personnel. Il ajoute que les gouvernements devront également donner du mordant à ces normes, afin qu’elles puissent être appliquées et que les foyers soient tenus responsables de leur respect.

« Mon Dieu, j’espère qu’il s’agira d’un plan clair qui pourra vraiment permettre aux provinces, aux territoires et au gouvernement fédéral d’amener les soins de longue durée là où tous les Canadiens le souhaitent. »

Note aux lecteurs : Dans la version de ce texte transmis le 27 janvier, La Presse Canadienne rapportait erronément que les normes actuellement utilisées pour accréditer environ 61 % des foyers de longue durée au Canada, selon le docteur Sinha. Dans les faits, ce pourcentage s’élève à environ 68 %.