(Québec) Le gouvernement Legault se donne jusqu’en 2023 pour rattraper le retard provoqué par la pandémie en chirurgie, alors que 145 000 personnes sont inscrites sur la liste d’attente. Québec vise à réduire le délai pour toutes les opérations à « six mois ou moins ».

Le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, a présenté jeudi les grandes orientations de sa stratégie de rattrapage des interventions chirurgicales. La crise sanitaire, surtout la première vague au printemps 2020, a fait gonfler la liste d’attente, alors que les blocs opératoires fonctionnaient parfois à tout au plus 50 % de leur capacité.

Avant la pandémie, quelque 125 000 personnes étaient en attente d’une intervention chirurgicale. Aujourd’hui, leur nombre tourne autour de 145 000, dont 47 000 personnes qui attendent depuis plus de six mois. Quelque 19 000 autres attendent depuis plus d’un an. La tâche sera donc colossale.

Québec espère revenir au « niveau prépandémie » d’ici mars 2023. L’année 2021 doit permettre aux autorités de « stabiliser » les activités en chirurgie à un taux de 100 %. Pour l’heure, ce niveau est de près de 90 % puisque la pandémie a perdu de la vitesse au Québec. On réalise environ 26 000 opérations par mois.

En octobre 2021, le nombre sera augmenté à 36 000. Le coup d’accélérateur viendra surtout en 2022, alors que l’on veut réaliser 5000 opérations de plus par mois pour atteindre une moyenne de 40 000 interventions mensuelles.

« Il faut du temps et du courage pour faire autrement », a lancé la sous-ministre adjointe au ministère de la Santé et des Services sociaux, la Dre Lucie Opatrny.

« Peut-être que l’échéancier peut paraître, dans certains cas, lointain. On en est conscients, mais je pense que c’est quand même notre travail, puis notre rôle d’être réalistes », a soutenu le ministre de la Santé, Christian Dubé.

IMAGE FOURNIE PAR LE GOUVERNEMENT DU QUÉBEC

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Québec se donne l’été pour cerner les solutions qui seront déployées pour atteindre ses objectifs. Le plan de rattrapage doit être mis à exécution à l’automne. M. Dubé tenait à ce que les travailleurs de la santé – à bout de souffle – puissent prendre des vacances. Il rappelle que la campagne de vaccination se poursuit aussi tout l’été.

« Ce qu’on ne voulait pas faire, surtout à ce moment-ci de la pandémie, c’est arriver avec des solutions à l’avance qu’on impose à nos partenaires », a illustré M. Dubé.

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Le ministre de la Santé, Christian Dubé

C’est facile de dire qu’on pourrait ouvrir le bloc opératoire deux heures de plus par jour, puis que ça va donner tant. Mais s’il n’y a pas d’infirmières qui sont intéressées à venir le faire, ça ne donne pas grand-chose.

Christian Dubé, ministre de la Santé

Le gouvernement Legault négocie toujours avec les employés du réseau de la santé le renouvellement de leur convention collective. Les contrats de travail sont suspendus en vertu de l’état d’urgence sanitaire.

Québec a conclu 25 ententes avec des cliniques médicales privées pour accélérer la reprise des opérations. Le secteur privé continuera d’« être une partie importante de la solution » pour rattraper le retard, a expliqué la Dre Opatrny. La « majorité » des ententes avec ces cliniques sont d’une durée de deux ans.

La mise en œuvre de ce futur plan de rattrapage n’a pas encore été chiffrée, mais le ministre Christian Dubé a fait valoir que la question « économique n’[était] pas un enjeu ».

Prévoir la liste « invisible »

L’été permettra aussi aux patients d’une « liste invisible » de se manifester auprès de leur médecin traitant, a expliqué le ministre de la Santé. Depuis un an, les autorités ont constaté une baisse de 24 % des consultations et des réquisitions pour les opérations par rapport au niveau observé avant la pandémie.

Il n’est donc pas exagéré d’estimer que des « milliers » de cas pourraient s’ajouter à la liste d’attente actuelle.

C’est de cette liste-là qu’on parle. Ce sont les patients qui n’ont peut-être pas consulté ou pas vu le médecin encore [en raison de la pandémie] pour être mis sur une liste d’attente.

La Dre Lucie Opatrny, sous-ministre adjointe au ministère de la Santé et des Services sociaux

On espère que ceux qui se trouvent actuellement sur la liste depuis plus de six mois seront « priorisés » pour être opérés dans « les prochains mois », a-t-elle indiqué. Le ministre Christian Dubé est allé un peu plus loin en affirmant souhaiter que « vers la fin de l’été, ces gens-là soient contactés ».

M. Dubé assure que ses équipes pourront suivre en temps réel la diminution de la liste d’attente une fois que le plan sera finalisé pour mesurer la progression. Il faut noter que pour les patients en oncologie, le délai moyen d’une intervention chirurgicale est de 17 jours au Québec, et ce, malgré la pandémie, a nuancé la Dre Opatrny.

L’objectif sera de réduire le délai d’attente moyen à six mois ou moins pour toutes les autres opérations. Une cible qui sera partiellement atteinte en mars 2023. Pour y arriver complètement, la Dre Opatrny estime qu’il faudra une année de plus, ce qui nous mènera mars 2024.

Ce qu’ils ont dit

Ce sont des objectifs réalistes […] Le principal défi sera de faire en sorte que sur le terrain, ça se produise. Chaque hôpital a des réalités différentes, chaque région aussi, et on l’a vu pendant la pandémie […] C’est une mosaïque assez complexe, donc il va falloir laisser de la marge de manœuvre aux équipes locales.

Le DVincent Oliva, président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec

C’est ambitieux […] Le grand défi des prochaines semaines et prochains mois pour réussir à reprendre ce retard-là, ça va demeurer les ressources humaines. […] Est-ce que toutes les ressources seront au rendez-vous à la hauteur qu’on espère ? Je pense que c’est là le gros enjeu.

Le DLouis Godin, président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec

Il y a actuellement une grave pénurie de professionnelles en soins dans le réseau, et dans ce contexte, le gouvernement sera placé devant des choix difficiles. Il est clair que la reprise des activités devra se faire dans un contexte sécuritaire […] Cela signifie que le plan de rattrapage devra tenir compte du nombre de professionnelles en soins disponibles, et ce, sans avoir recours [aux heures] supplémentaires obligatoires.

Nancy Bédard, présidente de la FIQ