(Washington) Le régulateur américain a annoncé lundi autoriser un nouveau médicament contre la maladie d’Alzheimer, pour la première fois en près de deux décennies.

Nommé Aduhelm et produit par l’entreprise pharmaceutique Biogen, il s’agit du « premier traitement approuvé contre la maladie d’Alzheimer depuis 2003 », a souligné l’Agence américaine des médicaments (FDA) dans un communiqué.

Surtout, c’est le premier dirigé contre le mécanisme de la maladie même, « la présence de plaques bêta-amyloïdes dans le cerveau », et non seulement les symptômes qu’elle entraîne, a-t-elle ajouté.

« Nous nous réjouissons de cette décision historique », a réagi l’organisation américaine Alzheimer Association. « C’est le premier médicament approuvé par la FDA qui ralentit le déclin dû à la maladie », a déclaré dans un communiqué son président, Harry Johns.  

En novembre, un comité d’experts s’était pourtant prononcé contre une autorisation de ce traitement, jugeant qu’il n’avait pas suffisamment fait preuve de son efficacité. Un avis non contraignant, mais dont il est rare que la FDA s’affranchisse.

Le comité avait étudié les données de deux études : un grand essai clinique avait conclu que le médicament des laboratoires Biogen était efficace, tandis qu’un autre avait donné des résultats négatifs.

Mais « la FDA a déterminé qu’il existe des preuves substantielles que l’Aduhelm réduise les plaques bêta-amyloïdes dans le cerveau et que la réduction de ces plaques soit raisonnablement susceptible d’entraîner d’importants bénéfices pour les patients », a-t-elle déclaré.

L’Agence a ainsi « conclu que les bénéfices […] surpassent les risques » de la prise de ce médicament, a-t-elle ajouté.

La FDA a par ailleurs utilisé une procédure accélérée qui ne confère au produit qu’une autorisation conditionnelle, une possibilité qui n’avait pas été étudiée par le comité.

« La FDA demande à Biogen de conduire des essais cliniques post-autorisation pour vérifier les bénéfices cliniques du médicament », a ainsi précisé le régulateur américain. « Si le médicament ne fonctionne pas comme prévu, nous pourrons prendre des mesures pour le retirer du marché. »

Lueur d’espoir

Près de 6 millions d’Américains vivent avec l'alzheimer, qui constitue la sixième cause de décès aux États-Unis. La maladie vole peu à peu la mémoire aux patients atteints, qui lors des dernières phases de la maladie ne peuvent plus effectuer les tâches quotidiennes ou tenir de conversations.

« Le besoin de traitement est urgent », a martelé la FDA. « Je pense que nous avons clairement entendu de la part des patients qu’ils sont prêts à accepter une certaine incertitude pour avoir accès à un médicament qui pourrait produire des effets significatifs », a argumenté lors d’un point de presse Peter Stein, responsable au sein de l’Agence.

Le coût du produit reviendra à environ 56 000 $ US (67 500 CAN) par an pour un Américain de poids moyen, a annoncé l’entreprise lundi, et son remboursement dépendra de la couverture santé à laquelle chaque patient a souscrit.  

Le médicament utilise une molécule baptisée aducanumab. Il s’agit d’anticorps monoclonaux qui visent à dissoudre les agrégats de cette protéine, la bêta-amyloïde, qui s’accumule et crée des plaques dans les tissus cérébraux des patients atteints d’alzheimer.

Cette cible est l’une des principales pistes explorées par la recherche contre cette pathologie dégénérative.

Mais les études sur des traitements ont subi ces dernières années revers sur revers, et aucun remède permettant une guérison n’existe à ce jour.

C’est pourquoi ce médicament, administré toutes les quatre semaines par intraveineuse, a été vu comme une lueur d’espoir.  

Mais conformément au grand débat qui agite la communauté scientifique autour de ce traitement, certains experts ont lundi tempéré l’enthousiasme.  

« Si je suis heureux que l’aducanumab ait reçu une autorisation, nous devons être clairs sur le fait qu’au mieux, ce médicament aura un bénéfice marginal qui aidera uniquement certains patients choisis avec soin », a déclaré John Hardy, professeur en neuroscience au University College de Londres. « Nous aurons besoin de meilleurs médicaments à l’avenir. »

Pour la responsable scientifique de la Alzheimer Association, c’est justement ce vers quoi l’autorisation de la FDA va permettre de tendre : « L’histoire a montré qu’une autorisation d’un premier médicament d’une nouvelle catégorie stimulait le secteur, augmentait les investissements dans de nouveaux traitements et encourageait l’innovation », a déclaré Maria Carrillo, citée dans le communiqué de l’organisation.  

L’action de Biogen a bondi en Bourse lundi, montant de + 38,34 % après la clôture de Wall Street. Elle avait temporairement été suspendue dans la matinée pour éviter une trop grande volatilité.