(Québec) Le Collège des médecins est résolument pour l’élargissement de l’aide médicale à mourir (AMM) aux personnes inaptes ou souffrant de troubles mentaux.

Son président, Dr Mauril Gaudreault, a déclaré vendredi que trop de patients vivent à l’heure actuelle avec des souffrances intolérables.

Il témoignait dans le cadre de la commission spéciale sur l’évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie chargée d’étudier la possibilité d’élargir l’AMM aux cas d’alzheimer, par exemple.

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Le président du Collège des médecins, Dr Mauril Gaudreault

Selon lui, « un bon pourcentage » de médecins seront à l’aise d’administrer l’AMM aux personnes devenues inaptes, qui ne peuvent plus exprimer leur souffrance, et qui paraîtraient même heureuses.

« Ils auront connu la personne de façon intime, au long cours, par rapport à avoir échangé avec elle, par rapport à bien connaître ses volontés, ses valeurs, etc. », a-t-il déclaré.

Son collègue, le directeur général du Collège des médecins, le Dr André Luyet, a abondé dans le même sens.

Une personne qui a reçu le diagnostic d’une maladie grave et incurable devrait pouvoir formuler une demande anticipée d’AMM.

Si c’est fait correctement, je pense que les médecins vont endosser cet élargissement-là des choix qui sont offerts aux personnes.

Dr André Luyet, directeur général du Collège des médecins

Par ailleurs, le Collège des médecins estime que la réflexion sur l’AMM doit aussi porter sur la situation des personnes dont le motif prépondérant de demande serait un trouble mental.

« Une personne atteinte d’une pathologie psychiatrique sévère et réfractaire peut ressentir une souffrance tout aussi intense […] que les personnes souffrant de pathologies dites physiques », a insisté le Dr Luyet.

Des balises devront par contre être établies afin d’éviter tout « glissement », s’est-il empressé d’ajouter. Par exemple, la personne devra avoir fait plusieurs essais de thérapie.

Élargir l’AMM, sortir de la logique de soins ?

Plus tôt, la médecin et philosophe Michèle Marchand s’était inquiétée que l’élargissement de l’AMM nous sorte de la logique de soins.

Selon elle, lorsqu’une personne n’est pas en fin de vie et qu’elle décide qu’elle veut en finir, elle entre davantage dans une logique de suicide assisté.

« Ce n’est pas du tout une décision de soins, c’est une décision de choix de vie », a-t-elle plaidé. Dans tel cas, la profession médicale ne devrait être que « minimalement » impliquée, selon elle.

Elle a fait valoir qu’en Suisse, le suicide assisté était pratiqué en marge du système de soins de santé.

La Dre Marchand s’est demandé si les gouvernements fédéral et provincial, en rendant le critère de fin de vie inopérant, n’avaient pas « ouvert une boîte de Pandore ».

« Du monde qui souffre, […] il y en a pas mal, a-t-elle signalé, disant craindre que le législateur n’aille trop vite. Il y a plein d’autres secteurs où les gens souffrent et parfois aimeraient mourir. »

Écourter la vie d’une personne qui est en train de mourir, et arrêter la vie de quelqu’un qui pourrait vivre théoriquement, « ce sont deux actions qui n’ont pas du tout le même poids moral ».

La première phase des travaux de la commission spéciale s’est terminée vendredi. La commission tiendra des auditions publiques à la fin de l’été, et remettra son rapport au plus tard le 19 novembre 2021.