(Québec) Une mère de famille atteinte d’une forme précoce et héréditaire d’alzheimer demande à Québec de se dépêcher d’élargir l’aide médicale à mourir (AMM). « Pour moi, dans cinq, six ans, il va être trop tard. »

Le témoignage crève-cœur de l’autrice de 42 ans Sandra Demontigny est venu secouer, mercredi, les membres de la Commission spéciale sur l’évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie.

L’ancienne sage-femme et mère de trois enfants a raconté, l’émotion dans la voix, avoir vu dépérir son père, Denis, jusqu’à sa mort en 2006 à l’âge de 53 ans.

Elle a déclaré que jamais elle ne voudrait vivre ce que son père a vécu en fin de vie, alors que les dernières paroles qu’il a réservées à ses enfants ont été d’une violence inouïe.

Le père aimant avait cédé sa place à une personne « complètement dépossédée ».

Mme Demontigny a raconté que la mort de son père l’avait terrorisée, qu’elle avait fait une dépression, « ça n’allait vraiment pas », jusqu’au jour où elle a décidé que non, elle ne vivrait pas ça.

Cette révélation a été un « tournant marquant » dans sa vie, a-t-elle dit, en ajoutant avoir retrouvé une certaine sérénité.

Elle a expliqué qu’elle voudrait idéalement signer une demande anticipée d’AMM, qui serait exécutoire. Pour l’instant, au Québec, il est impossible pour quelqu’un en situation d’inaptitude de recevoir l’AMM.

« On attend vraiment un développement à ce niveau-là. Je vous demanderais que ce ne soit pas si long que ça, parce que les années filent. Pour moi, dans cinq, six ans, il va être trop tard », a-t-elle déclaré.

Décision motivée par la peur ?

De son côté, l’interniste-gériatre au CHU de Québec, Félix Pageau, a plaidé que c’est l’émotion — et plus précisément la peur — qui incite les gens à envisager une demande anticipée d’AMM.

Pourtant, on ne connaît pas l’avenir, a-t-il dit. « En démence, il y a plusieurs tableaux cliniques. De prévoir exactement dans quel tableau on va se trouver, c’est quasi impossible. »

Il a aussi fait valoir que la médecine n’allait qu’évoluer.

M. Pageau a cité la Déclaration des droits de l’Homme, selon laquelle chaque humain a une valeur. En ce sens, les Québécois méritent des soins gériatriques adaptés, selon lui.

« Dès qu’un sentiment de fardeau est ressenti, toutes les contributions qu’un individu a fait au courant de sa vie à la société humaine doivent être rendues par les véritables soins adaptés à leur condition. »

L’interniste-gériatre a assuré, en réponse à une question du député libéral de D’Arcy-McGee, David Birnbaum, que sa position n’était pas ancrée dans la religion.

« Ma position est très séculaire », s’est-il défendu.