Le procès médiatisé du Collège des médecins du Québec contre Maison Jacynthe, reconnue coupable d’exercice illégal de la médecine, n’est pas un cas isolé. Une trentaine de personnes et entreprises se trouvent actuellement devant les tribunaux parce qu’elles auraient laissé croire qu’elles étaient autorisées à exercer la médecine.

De l’avis du Collège, il n’y a pas nécessairement plus de personnes qui exercent illégalement la médecine. Il constate par contre que de plus en plus de personnes portent plainte pour dénoncer des personnes ou des entreprises qui pourraient le faire. En 2016-2017, il y a eu 116 demandes d’enquête déposées au sujet de l’exercice illégal de la médecine. Ce chiffre a bondi à 171 en 2017-2018, à 196 en 2018-2019 et à 221 en 2019-2020.

Le nombre de plaintes a donc pratiquement doublé en quatre ans.

« Nous invitons la population à dénoncer les personnes qui exercent illégalement la médecine, a fait savoir par écrit le président du Collège des médecins du Québec, le DMauril Gaudreault. Toutes les demandes d’enquête sont analysées rigoureusement. »

Ce nombre accru de plaintes se reflète dans les causes qui sont ensuite entendues par des juges du Québec. Alors qu’en 2018-2019, il y avait eu 5 poursuites devant les tribunaux, le nombre a grimpé à 17 en 2019-2020.

Parmi la trentaine de procès en cours, il y a notamment ceux de Ken Montizambert, Claude Leclerc, Marwa Haidar, Alexandre Tremblay, Annie Juneau, Jean-Pierre Hallé, Michael Lapointe, Mitra Javanmardi, Patrick Van Den Driessche, Linda Deroy, Chantal Gagnon, Robert Forcier, Manon Villeneuve-Dion et Michèle Piuze.

Le Collège est très actif pour s’assurer que le public est protégé contre les personnes qui pratiquent illégalement la médecine, car cette pratique n’est pas toujours banale et sans risque pour la population.

Le DMauril Gaudreault, président du Collège des médecins du Québec

« Certaines victimes peuvent subir des préjudices très graves. Malheureusement, certaines personnes sont également décédées », a indiqué le DGaudreault.

Il y a par exemple le révérend Jean-François Labrie, de l’église Inter-Foi de North Hatley, qui a été déclaré coupable de neuf chefs d’accusation liés à l’exercice illégal de la médecine, en 2019.

PHOTO RENÉ MARQUIS, ARCHIVES LA TRIBUNE

Le révérend Jean-François Labrie

Parmi les personnes qui l’auraient consulté pour son don de guérisseur, il y avait une femme atteinte d’un cancer. « L’objet premier et principal des rencontres avec le requérant visait sa guérison d’un cancer fulgurant », peut-on lire dans une décision du juge Érick Vanchestein. Elle avait notamment écrit sur Facebook que Jean-François Labrie lui avait « extirpé plusieurs masses cancéreuses en un simple toucher ».

Quelques mois plus tard, cette femme a été emportée par le cancer.

80 000 $ d’amendes pour un récidiviste

Richard Ostiguy est considéré comme un récidiviste. Après avoir été reconnu coupable de 13 chefs d’accusation pour avoir exercé illégalement la médecine et pour avoir laissé croire qu’il était autorisé à faire des gestes réservés aux médecins en février 2017, il a dû payer des amendes totalisant 57 500 $.

PHOTO PATRICE LAROCHE, ARCHIVES LE SOLEIL

Richard Ostiguy

Sauf que même après ce procès, le Collège des médecins a continué de recevoir des plaintes à son sujet. À la clinique Orthésistes du pied de Québec, il a continué de poser des diagnostics et de déterminer des traitements sans avoir les qualifications requises.

Jeudi dernier, au palais de justice de Québec, Ostiguy a plaidé coupable à six chefs d’accusation en indiquant qu’il était maintenant à la préretraite, qu’il n’avait « plus les moyens de se battre » et qu’il « lâchait prise un peu ».

La juge Sylvie Marcotte lui a ordonné de payer un total de 80 000 $ d’amendes. « Dans la sentence que je vais rendre, il y a un effet dissuasif sur vous-même, mais également sur la collectivité, c’est-à-dire pour les gens qui voudraient agir dans les mêmes circonstances. »

« Une peine qui va dénoncer ce geste »

Le Collège des médecins était aussi au palais de justice de Joliette, vendredi dernier, contre l’ancien ostéopathe Sylvain Doyon. Cet homme a été acquitté en 2017 d’une accusation d’agression sexuelle après avoir inséré ses doigts dans l’anus et le vagin d’une adolescente. Il plaide qu’il s’agissait d’une technique reconnue par les ostéopathes et qu’elle lui a été enseignée au Collège d’études ostéopathiques.

PHOTO ARCHIVES LA PRESSE

Sylvain Doyon

En rapport avec ces gestes faits sur cette mineure, Sylvain Doyon est accusé de deux chefs d’accusation par le Collège, soit d’exercice illégal de la médecine et d’avoir donné lieu de croire qu’il était autorisé à exercer la médecine.

L’avocat qui représente le Collège, MStéphane Gauthier, a affirmé vendredi que ce n’était pas acceptable qu’un thérapeute comme Sylvain Doyon ait pu croire qu’il pouvait faire des traitements par voie vaginale et par voie anale.

Ce n’est pas normal !

MStéphane Gauthier, avocat qui représente le Collège des médecins

« On vous demande de prononcer une peine qui va dénoncer ce geste-là et qui va dissuader tous les gens au Québec de réaliser des activités réservées aux médecins, en plus lorsqu’elles sont aussi importantes, graves, intimes et invasives », a plaidé MGauthier.

Dans cette affaire, le juge rendra sa décision l’automne prochain.

Pour encore mieux protéger la population, le DGaudreault souhaite s’entretenir prochainement avec le ministère de la Justice sur l’exercice illégal de la médecine, parce que le Collège des médecins ne peut « agir seul », a-t-il allégué.

Ce texte été modifié après publication afin de refléter le fait que c’est l’entreprise Maison Jacynthe, et non Jacynthe René, qui a été reconnue coupable d’exercice illégal de la médecine.