(Montréal) Prendre soin des patients atteints de cancer, malgré la tempête pandémique : c’est ce qu’ont fait les employés et bénévoles du centre de bien-être du CHUM, qui ont continué d’offrir leur soutien et des activités « pour le corps et l’âme » de ceux qui se battent contre la maladie pendant une crise sanitaire jamais vue.

Outre les soins médicaux essentiels — chirurgies oncologiques, radiothérapie et chimiothérapie — pour se débarrasser des cancers, une panoplie de services complémentaires et d’activités sont offerts aux patients suivis au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), via un centre de bien-être en oncologie appelé « Virage », situé au cœur du Centre intégré de cancérologie de l’hôpital.

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE LA FONDATION VIRAGE

On parle ici de massothérapie, d’esthétique, de kinésiologie, de cours de nutrition, d’art, d’ateliers d’écriture et de groupes de soutien.

Il y a plus : des locaux au 14e étage du CHUM offrent bonnets et perruques, ainsi que des prothèses et des vêtements de soutien, dont des soutiens-gorge adaptés post-mastectomie — prêtés ou offerts à coût modique. Ils sont aussi un lieu de rencontre pour les patients, qui peuvent bavarder, se soutenir et y prendre un café.

Alors que la pandémie a entraîné beaucoup de délestage dans les hôpitaux et des reports d’interventions chirurgicales (mais pas en oncologie, sauf exception), toute l’équipe de Virage au CHUM s’est démenée pour que ses patients ne se sentent pas seuls avec leur cancer.

Le centre de bien-être n’a pas eu le choix de fermer ses portes au début de la crise sanitaire de la COVID-19, de mars à juin dernier. Mais il a rapidement repris ses activités.

Ils [les employés et bénévoles de Virage] se sont bien adaptés, pour que les gens ne se sentent pas délaissés. C’était bon pour le moral.

Lise L’Heureux

La femme de 65 ans a bénéficié de plusieurs services après sa chirurgie en février 2020 pour un cancer du sein. Un cancer génétique, « comme Angelina Jolie », a soufflé la Montréalaise à la voix pétillante.

La Fondation Virage est le partenaire principal du centre de bien-être en oncologie.

« C’est une approche centrée sur la personne. On vient insister sur le côté humain », a expliqué Alexandra Guité-Verret, bénévole à Virage depuis 2019. Étudiante au doctorat en psychologie à l’UQAM, elle a voulu vivre une expérience humaine auprès de patients.

Lorsque le centre de bien-être a rouvert, la jeune femme de 27 ans a cherché à reprendre son rôle habituel de soutien et d’écoute — « deux minutes ou deux heures », dit-elle —, mais elle a toutefois constaté qu’il y a un peu moins d’occasions pour les patients de se confier. Avant la mise en place des mesures sanitaires, ils venaient spontanément dans les locaux, avant ou après leurs rendez-vous médicaux.

Par contre, elle voit que les cours en ligne sont fort populaires auprès des patients. « Ça leur apporte beaucoup. L’activité d’écriture, par exemple, leur permet de s’exprimer. Ça peut les amener plus loin que leurs discussions avec leurs proches. Et les séances de kinésiologie et de yoga sont adaptées à la façon dont ils souffrent ».

Le prêt de bonnets et de perruques est aussi important, dit-elle. « Ça leur offre un sentiment de sécurité. De pouvoir sortir sans être associés à la maladie ».

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Des bonnets offerts par la Fondation Virage

La coordonnatrice de la Fondation Virage et cheffe des services de bénévolat, animation et loisirs au CHUM, Lise Pettigrew, se rappelle cette journée de la mi-mars 2020 où tout a fermé — ou presque.

Dans la foulée de cette interruption, le centre a alors reçu beaucoup d’appels de patients : « On sentait qu’il y avait des besoins, notamment pour les bonnets capillaires et les perruques. La perte des cheveux est un gros choc pour les patients. Et on s’est demandé : mais comment va-t-on faire ? »

Pour les aider, un soutien téléphonique a été instauré et certains services ont rapidement migré en ligne : ce fut les cas des séances de kinésiologie, dès la fin du mois de mars 2020. « Cela aide énormément les gens à passer à travers leurs traitements ». Les oncologues prescrivent de plus en plus des programmes d’entraînement dans le parcours de soins, dit-elle, « un gros plus en cancérologie ».

L’inquiétude de Mme Pettigrew venait du fait que le centre virage accueille beaucoup de patients vulnérables et âgés. « Mais ils se sont bien adaptés au format virtuel », dit-elle.

« Ils en avaient besoin ».

Les séances de kinésiologie en ligne ont connu un vif succès — une soixantaine de personnes les ont suivies en direct, et plus encore en différé — et les responsables ont eu cette idée : ouvrir le « zoom » 15 minutes avant le début de l’entraînement, « ce qui permet un contact avec le groupe », rapporte Mme Pettigrew.

« Ça leur fait du bien de se voir et de s’encourager ».

Le Dr Michel Petit en a d’ailleurs profité. Il est médecin, mais est aussi un patient du CHUM, suivi pour un cancer de la prostate depuis des années.

Comme Mme L’heureux, l’homme de 67 ans n’avait que de bons mots pour les kinésiologues Isabelle Brisson et Guillaume Bastarache, qui ont adapté les exercices pour le mode virtuel, se servant d’objets qui se trouvent à la maison : « Ils sont très créatifs », dit-il.

« Ça nous réénergise tranquillement. Ça redonne vie à nos muscles ». Les gens atteints de cancer ressentent souvent une grande fatigue, soit en raison du cancer, soit en raison de leurs traitements. Ils ont alors tendance à devenir sédentaires, a-t-il expliqué.

Or c’est important de bouger pour combattre le cancer. Les muscles sécrètent des myokines, qui ont un effet anti-inflammatoire, a poursuivi le médecin. Et puis, avec ces cours, « je me sentais moins malade », a dit l’homme adepte du gym qui dit avoir ainsi retrouvé « un sentiment de normalité ».

Puis le centre de bien-être a rouvert en juin, et d’autres activités lui ont emboîté le pas, comme la massothérapie, qui offre une période de relaxation aux patients puisque les traitements de chimiothérapie et de radiothérapie peuvent être éprouvants. Ce soin aide aussi à la circulation sanguine et l’élimination des toxines, a fait valoir Mme Pettigrew.

« Des séances de massothérapie de niveau professionnel, précise Mme L’Heureux. Et puis les gens de Virage sont d’une telle gentillesse ». Des perles, dira-t-elle même du personnel qui s’occupe du prêt de perruques, dans un lieu qui ressemble à « une boutique avec un petit salon ». Elle est bien contente de la sienne, car sa chevelure, « ça fait partie de ma féminité », a-t-elle confié.

Pour certains bénévoles du CHUM, les tâches se sont élargies : quand les patients ne pouvaient pas être accompagnés d’un proche pour leurs traitements, raisons sanitaires obligent, des bénévoles ont pris la relève.

L’expérience de la COVID-19 a d’ailleurs permis une réflexion. Si des activités en personne sont encore souhaitées par des patients, d’autres en format virtuel sont là pour rester, croit Mme Pettigrew.

Beaucoup de patients sont épuisés lors des traitements de chimiothérapie, par exemple. « De ne pas avoir à se déplacer, c’est un gros plus pour beaucoup d’entre eux », dit-elle. Et plusieurs ont apprécié cette nouvelle façon de faire.

« C’est le plus important : toujours être à l’écoute des besoins des patients », dit Mme Pettigrew.