(Montréal) Cinq projets de recherche réalisés en tout ou en partie au CHU Sainte-Justine profiteront d’un financement totalisant 40 millions, a-t-on annoncé mercredi.

Ce financement a été octroyé aux chercheurs dans le cadre du concours 2020 du Fonds d’innovations de la Fondation canadienne pour l’innovation (FCI).

Au total, ce sont tout près de 520 millions qui seront dépensés par le biais de la FCI pour soutenir l’infrastructure de recherche, a fait savoir le premier ministre Justin Trudeau.

« Le projet va porter sur les maladies génétiques rares, mais aussi les cancers pédiatriques, a expliqué le docteur Élie Haddad, dont le projet recevra un chèque de 6,8 millions. On veut faire de la thérapie génique et de la thérapie cellulaire pour ces maladies. »

L’objectif, a-t-il précisé, est d’offrir à un patient qui présente une mutation donnée dans un gène donné un traitement conçu spécifiquement pour lui, ce qu’on appelle de la « médecine de précision » ou de la « médecine personnalisée ».

Le docteur Philippe Jouvet profitera quant à lui d’un financement de 2,3 millions pour organiser une base de données et une puissante infrastructure d’analyse à l’unité des soins intensifs.

« L’objectif, c’est d’améliorer la performance en termes de soins aux patients, mais aussi en termes d’organisation des soins, a-t-il expliqué. La base de données non seulement va recueillir des données sur la condition du patient lui-même, mais aussi sur l’organisation du service, la charge de travail des infirmières, le nombre de patients dans l’unité, leur sévérité… En croisant ces différents éléments, on peut orienter un peu mieux le fonctionnement de l’unité. »

Pas de la science-fiction

Les traitements de médecine de précision peuvent être très dispendieux quand ils sont développés par des firmes pharmaceutiques, a dit le docteur Haddad, ce qui peut être problématique pour des systèmes de santé publics comme celui du Canada.

Dans un tel contexte, ajoute-t-il, le leadership académique prend une toute nouvelle importance pour que ces traitements puissent être disponibles sans menacer le système de santé.

Le financement dont son équipe et lui profiteront permettra l’achat « des structures-clés pour faire ce qu’on appelle de la recherche translationnelle, c’est-à-dire d’aller très rapidement du laboratoire au lit du patient et faire marcher nos idées et nos stratégies ».

« On n’est pas dans Star Wars, a assuré le docteur Haddad. La thérapie génique et la thérapie cellulaire, ce sont des choses qui existent déjà, mais qui doivent être améliorées en termes d’efficacité, en termes de sûreté et de sécurité, et aussi en termes […] du nombre de malades qui peuvent en bénéficier. »

Au-delà des maladies pédiatriques rares et des cancers pédiatriques, poursuit-il, on pourrait envisager que la thérapie génique soit un jour utilisée pour combattre les maladies cardiaques, les maladies neurologiques, les maladies neurodégénératives… et même potentiellement la COVID-19.

Le nombre de patients qui pourraient être concernés « est absolument énorme, et ça offre des espoirs assez importants ».

« Cette plateforme-là nous permettra de vraiment devenir une plaque tournante de cette stratégie-là, et au final on espère offrir ce genre de traitements novateurs et innovants au plus grand nombre de patients pédiatriques québécois, mais pas seulement pédiatriques », a-t-il dit.

Colliger des données

Les patients hospitalisés aux soins intensifs sont reliés à des équipements qui génèrent des tonnes de données dont l’analyse pourrait se révéler très utile, mais qui pendant longtemps ont été essentiellement gaspillées, a dit le docteur Jouvet.

« Il fallait commencer par stopper l’hémorragie de données, a-t-il dit. Jusqu’à présent, dans une unité de soins intensifs pédiatriques, les données n’étaient pas stockées, elles étaient effacées après (quelques) jours, donc on perdait une grande quantité d’informations. »

Il cite l’exemple d’un patient qui est relié à un respirateur : non seulement des réglages ont-ils été prescrits pour l’appareil, mais la réaction du patient à la thérapie qu’il reçoit génère elle aussi des données. L’analyse de toutes ces informations peut permettre de mieux « comprendre ce qui se passe et éventuellement aider à modifier les actions thérapeutiques ».

Les chercheurs comptent maintenant ajouter au tout des données vidéos qui seront analysées de façon algorithmique, ce qui nécessite des capacités de stockage très robustes.

« On y va par étapes, a-t-il dit. La première étape, c’est l’aide, et l’objectif est de reconnaître une situation, peut-être de la reconnaître plus tôt que ne la reconnaissent les soignants. »

Des données dans la littérature scientifique indiquent par exemple que dans le cas de maladies comme le syndrome de détresse respiratoire aigu, dont la COVID fait partie, il peut y avoir un retard diagnostic et donc un délai dans la mise en place des actions thérapeutiques en milieu clinique.

« Un système d’aide à la décision permettrait d’aller plus vite pour mettre en route ces traitements », a-t-il expliqué.

Les autres projets dirigés au Centre de recherche du CHU Sainte-Justine sont ceux de la professeure Anick Bérard (quantifier les risques et les avantages de l’utilisation de médicaments d’ordonnance pendant la grossesse sur les résultats de santé à court et à long terme de la mère et de l’enfant) et de la professeure Patricia Conrod (la mise en place d’une installation de numérisation pédiatrique multimodale dédiée à la recherche).

Le cinquième projet est dirigé par le chercheur Guillaume Bourque, de McGill. Il aura comme objectif la création d’une infrastructure infonuagique sécuritaire de stockage pour l’hébergement, le partage et l’analyse des données génomiques et de santé générées par les centres de recherche et hôpitaux.