(Québec) Québec crée un poste d’adjoint au président-directeur général (PDG) du CISSS de Lanaudière, affecté aux relations autochtones, et offre à la communauté atikamekw un siège au sein du conseil d’administration de l’établissement. Un « comité de réconciliation » est aussi mis en place pour rebâtir des ponts entre le CISSS et la communauté de Manawan, affligée par la mort de Joyce Echaquan.

Le gouvernement Legault a confirmé jeudi une série de nouvelles mesures visant à se rapprocher de la communauté atikamekw. « Le décès de Joyce Echaquan a vraiment bouleversé tout le monde y compris les équipes du CISSS de Lanaudière », a relaté la PDG par intérim de l’établissement, Caroline Barbir. Celle-ci a été nommée suite au départ de Daniel Castonguay, limogé par Québec en décembre, qui n’avait plus la confiance de la communauté de Manawan.

Atikamekw de Manawan, Joyce Echaquan est morte sous les insultes racistes du personnel soignant de l’hôpital de Joliette, le 28 septembre. Mme Barbir a par ailleurs confirmé jeudi que les trois employés qui étaient au chevet de Mme Echaquan le soir de sa mort ne sont plus en poste. Une infirmière et une préposée aux bénéficiaires avaient été congédiées dans la foulée des évènements, mais la chef de service des urgences « a quitté d’elle-même » depuis, a précisé Mme Barbir lors de la conférence de presse.

Québec annonce donc la création d’un poste d’adjoint à la PDG qui sera affectée aux relations autochtones. La personne nommée sera issue de la communauté de Manawan et aura comme responsabilité de « prioriser » les actions du nouveau « comité de réconciliation » entre le CISSS et Manawan. Mme Barbir et le chef de Manawan, Paul-Émile Ottawa, seront les co-présidents de ce comité.

On procède aussi à la création d’un poste de commissaire adjoint aux plaintes et à la qualité des services, qui sera aussi pourvu par un membre de la communauté atikamekw. Cette personne aura la responsabilité de recueillir les plaintes des usagers autochtones de la région.

Il faut rappeler que plusieurs témoins ont relaté devant la commission Viens des épisodes à caractère raciste vécus à l’hôpital de Joliette. Après la mort de Joyce Echaquan, Daniel Castonguay avait affirmé dans une entrevue à La Presse ne pas être au courant de ces plaintes. Une employée l’avait contredit publiquement le lendemain. François Legault s’était dit « agacé » par cette histoire.

Le ministre de la Santé, Christian Dubé, qui participait jeudi à la conférence de presse virtuelle, a par ailleurs offert à la communauté de Manawan un siège au conseil d’administration de l’établissement. Deux postes d’agents de liaison à la sécurisation culturelle qui devront offrir un service 24 heures sur 24, sept jours sur sept, sont aussi créés au CISSS de Lanaudière.

« Il y a encore du travail à faire, on le sait », a indiqué le ministre responsable des Affaires autochtones, Ian Lafrenière. « J’ai vraiment espoir avec des mesures comme celles-ci, on va faire changer les choses », a-t-il ajouté, jeudi.

Le gouvernement Legault refuse toujours d'adhérer au « Principe de Joyce » - qui vise à garantir à tous les Autochtones un droit d’accès équitable aux services sociaux et de santé - parce que l'on réclame la reconnaissance du racisme systémique. À la mi-février, Ottawa a versé 2 millions à la Nation Atikamekw pour sa mise en oeuvre.

« Je pense que [l'annonce de jeudi] s’inscrit dans une démarche de collaboration », a mentionné le chef Ottawa. « C’est sûr que l'on continue de marteler le même message en déplorant la non-reconnaissance du Principe de Joyce et de l’existence du racisme systémique [par le gouvernement Legault]. Cependant, au lieu de faire de la politique sur le dos de notre population, nous avons opté, la sagesse nous le conseillant, de travailler et collaborer aux mesures qui peuvent permettre d’améliorer de beaucoup [la relation] et l'accès à des services [à la hauteur des attentes] de la communauté », a-t-il soutenu.

Le chef Ottawa a aussi réagi à la nomination de Benoît Charette à titre de nouveau ministre responsable de la Lutte contre le racisme. Le chef de Manawan s'est dit « surpris » puisqu'il s'attendait à ce qu'un des membres du groupe d'action contre le racisme, formé au printemps dernier par le gouvernement Legault, obtienne le poste. « Maintenant, je lui offre ma collaboration », a-t-il poursuivi.

Ailleurs au Québec

Christian Dubé confirme que les mesures annoncées jeudi seront déployées dans tous les établissements de santé de la province qui desservent des communautés autochtones. Des postes semblables à ceux créés au CISSS de Lanaudière pourront alors être ouverts ailleurs en région.

En novembre, Québec a annoncé des investissements de 15 millions sur cinq ans pour la mise sur pied d’une formation culturelle obligatoire sur la réalité autochtone, l’embauche d’agents de liaison et la création de postes de « navigateur de services » pour accompagner les membres des Premières Nations à travers le réseau de la santé. Cela comprend le financement des postes annoncés jeudi.

« Je pense que 700 000 ou 800 000 $ ont été prévus cette année pour les postes dans Lanaudière », a précisé le ministre Dubé.

La formation est toujours en préparation et sera déployée une fois que la communauté atikamekw aura approuvé son contenu, a précisé Mme Barbir. Les employés du CISSS de Lanaudière doivent néanmoins depuis l’automne suivre une conférence de sensibilisation aux réalités autochtones.