(Ottawa) Les experts des droits de la personne des Nations Unies sont alarmés par ce qu’ils considèrent comme une tendance croissante à adopter des lois autorisant l’aide médicale à mourir pour les personnes souffrant de maladies invalidantes non terminales.

Trois experts, dont le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées, affirment que de telles législations tendent à être basées sur des hypothèses « capacitistes » concernant la qualité et la valeur de la vie d’une personne handicapée.

Dans une déclaration publiée plus tôt cette semaine, les experts ne mentionnent pas précisément le projet de loi canadien, qui élargirait l’aide médicale à mourir aux gens qui souffrent de façon intolérable, mais qui ne sont pas proches de la fin naturelle de leur vie.

Mais les arguments qu’ils avancent font écho à ceux mis de l’avant par les défenseurs des droits des personnes handicapées au Canada, qui sont farouchement opposés au projet de loi C-7.

Le projet de loi a été adopté par la Chambre des communes et est actuellement devant le Sénat.

Il vise à mettre la loi en conformité avec une décision de la Cour supérieure du Québec, en 2019, qui a invalidé une disposition de la loi actuelle autorisant l’aide à mourir uniquement pour les personnes dont la mort naturelle est raisonnablement prévisible.

Le critère de mort imminente a été contesté par Nicole Gladu et Jean Truchon, qui souffraient tous deux de conditions dégénératives et invalidantes, mais qui n’étaient pas en fin de vie. La juge Christine Baudouin a convenu avec eux que la restriction violait leurs droits à l’égalité de traitement devant la loi et à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne.

Cependant, les experts des Nations Unies affirment que le fait d’élargir l’aide à mourir aux personnes souffrant de troubles non terminaux contrevient à l’article 10 de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, « qui oblige les États à veiller à ce que les personnes handicapées puissent effectivement jouir de leur droit inhérent à la vie sur un pied d’égalité avec les autres ».

« Lorsque les interventions de fin de vie sont normalisées pour les personnes qui ne sont pas malades en phase terminale ou souffrants à la fin de leur vie, ces dispositions législatives ont tendance à reposer sur – ou à s’appuyer sur – des hypothèses capacitistes sur la « qualité » ou la « valeur » inhérentes de la vie d’une personne handicapée », disent-ils dans un communiqué publié lundi par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU.

« Le handicap n’est pas un fardeau ou un déficit de la personne. C’est un aspect universel de la condition humaine », ajoutent-ils.

Les experts qui ont publié la déclaration sont Gerard Quinn, le Rapporteur spécial du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées ; Olivier De Schutter, Rapporteur spécial sur l’extrême pauvreté et les droits de l’homme ; et Claudia Mahler, qui a été décrite comme « une experte indépendante sur la jouissance de tous les droits de l’homme par les personnes âgées ».

Ils soutiennent que tout le monde admet qu’il ne peut y avoir de justification pour aider « tout autre groupe protégé – qu’il s’agisse d’une minorité raciale, ou de minorités sexuelles ou de genre – à mettre fin à leurs jours parce qu’ils souffrent en raison de leur statut ». Et cela ne devrait pas être différent pour les personnes handicapées, disent-ils.

« Le handicap ne devrait jamais être un motif ou une justification pour mettre fin à la vie de quelqu’un directement ou indirectement », plaident-ils.

Même lorsque l’aide à mourir est réservée aux personnes en fin de vie, ils affirment que les personnes handicapées, les personnes âgées et en particulier les personnes âgées handicapées « peuvent sentir une pression subtile pour mettre fin prématurément à leur vie » en raison des attitudes de la société et du manque de services de soutien.

Et ceux qui vivent dans la pauvreté peuvent décider de demander l’aide à mourir « comme un geste de désespoir », et non comme un véritable choix, disent-ils.

Le gouvernement fédéral a jusqu’au 26 février – après avoir obtenu trois prolongations – pour mettre la loi en conformité avec la décision de la juge Baudouin.

Le Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles, qui a déjà mené une étude préalable du projet de loi C-7, doit reprendre son étude et examiner d’éventuels amendements au cours de trois réunions d’une journée, à compter de lundi.