L’histoire touchante de Valentina et de Maryse rappelle l’importance du don d’organes

Valentina Quintero avait besoin d’un rein. Maryse Boivin en avait deux. Pour elle, ç’a tout de suite été une évidence : elle allait en donner un à cette adolescente de 12 ans qu’elle n’avait jamais rencontrée de sa vie.

« J’ai six enfants. Trois enfants biologiques et trois enfants de la DPJ. Pour moi, donner un rein à Valentina, c’était en quelque sorte la suite logique de mon engagement envers les enfants », dit-elle tout bonnement.

Les médecins lui ont fait passer tous les tests possibles. Physiques et psychologiques. Elle était hors du commun, assurément, mais en pleine forme à tous points de vue.

On lui a bien dit qu’à tout moment, elle pouvait se désister. Pour elle, il n’en a jamais été question.

Le seul stress que j’ai eu, c’est avant l’opération parce que j’avais tellement peur qu’il m’arrive quelque chose et que Valentina n’ait pas mon rein.

Maryse Boivin

Des histoires comme celle-là, c’est si exceptionnel que l’Hôpital de Montréal pour enfants trouvait important de la faire connaître. Non pas tant pour inciter les gens à donner un organe de leur vivant – un geste rare – « que pour rappeler aux gens l’importance de signer à tout le moins leur carte d’assurance-maladie et de bien signifier à leurs proches qu’advenant un malheur, ils souhaitent faire un don d’organes », indique la Dre Indra Gupta, néphrologue et médecin de Valentina.

« Le taux de donneurs décédés par million d’habitants est nettement plus bas au Québec qu’en Ontario ou en Colombie-Britannique », ajoute-t-elle.

Maladie orpheline

Pour la famille Quintero, tout a commencé quand Valentina, prise de fièvre et de vomissements à 9 mois, a été admise aux soins intensifs au CHUL de Québec. Deux mois plus tard, le diagnostic tombe : leur bébé est atteint de cystinose, une maladie orpheline. Inévitablement, elle devra avoir une greffe de rein à l’adolescence, au plus tard.

« Nous n’arrêtions pas de demander aux médecins pourquoi ça arrivait à Valentina. On pleurait sans cesse. Ça nous a pris un an et demi à accepter la situation », relate le père, Edwin Quintero, qui avait immigré trois ans plus tôt de Colombie avec sa femme.

Il était impossible que Valentina aille à la garderie, vu sa fragilité. Tant bien que mal, elle a pu fréquenter l’école, malgré de multiples absences.

Ses parents l’assuraient qu’elle pourrait mener une vie normale. Mais une vie, oui, faite de traitements, de médicaments et de séjours à l’hôpital, qui ont obligé ses parents à mettre un temps leur travail en veilleuse pour pouvoir se consacrer à ses soins.

En 2018, M. Quintero, qui habite à Québec, rencontre un journaliste qui décide de faire un reportage sur la détresse de la famille et sur le fait que, sous peu, Valentina aurait besoin d’une greffe.

À Sherbrooke, Maryse Boivin voit le reportage à la télévision. Cela faisait un moment déjà qu’elle voulait absolument donner l’un de ses reins et qu’elle s’apprêtait à se mettre sur le registre canadien des donneurs d’organe.

Pourquoi ce désir ? « Parce qu’elle en avait deux ! », répond du tac au tac Jacques Ledoux, son conjoint.

J’étais un peu inquiet, mais Maryse, ce n’est pas quelqu’un à qui l’on peut dire que quelque chose n’a pas d’allure.

Jacques Ledoux

Mais surtout, lance Mme Boivin sans se rendre compte du jeu de mots, « pour moi, vouloir donner un rein, c’est viscéral. Et quand j’ai vu le reportage, j’ai su que c’est à Valentina que je voulais le donner ».

Un rein nommé Maryse

En raison de la lourdeur de l’intervention chirurgicale et de ses suites, c’est toujours en dernier ressort que la greffe est recommandée. Mais au printemps, en pleine pandémie, la fonction rénale de Valentina déclinant, ça ne pouvait plus attendre.

Le 18 mai, Mme Boivin et sa famille n’avaient encore jamais rencontré Valentina. Mme Boivin est entrée en salle d’opération à 7 h 30 et Valentina, vers 8 h 30. Pour Valentina, ça a duré huit heures et demie ; pour Mme Boivin, deux heures et demie.

Moi, j’ai eu la job facile là-dedans. Ç’a été autrement plus compliqué pour les médecins ! Je n’ai même pas eu à prendre une Tylenol et une semaine après, j’ai fait ma marche de huit kilomètres.

Maryse Boivin

Valentina, elle, est encore en convalescence et elle espère retourner à l’école en décembre. Elle était à l’hôpital pour une seule journée, lundi, pour un traitement « d’entretien » qui était prévu.

Son nouveau rein a un prénom : Maryse, qu’elle dit trouver « gentille » et qu’elle a inondée de textos au début de sa convalescence.

Des pays interdisent le don d’organes d’une personne vivante autrement que pour des proches. N’y a-t-il pas des préoccupations éthiques par rapport à ce genre de don ? La Dre Gupta répond que ces cas rarissimes ont été au cœur de réflexions dans la communauté scientifique et qu’ils sont l’objet de maintes précautions.

Contrairement aux organes prélevés sur des défunts, précise-t-elle, les deux patients peuvent choisir de se rencontrer. Ç’a été le cas des deux familles.

« Nous avions besoin de dire à Maryse Boivin et à toute sa famille notre immense reconnaissance, dit M. Quintero. Et surtout, leur dire que notre fille, c’est maintenant leur fille à eux aussi. »