(Québec) Les meilleurs quarts de travail seront d’abord offerts au personnel du réseau public de la santé et les moins avantageux devront être « imposés » à la main-d’œuvre indépendante. Chaque établissement devra présenter un plan de transition pour se sevrer des agences privées de placement au 1er décembre.

Au lendemain du discours d’ouverture du premier ministre, François Legault, dans lequel il a affirmé vouloir « s’affranchir » des agences privées de placement, le ministre de la Santé, Christian Dubé, y est allé mercredi de l’annonce d’une série de mesures pour limiter le recours à la main-d’œuvre indépendante.

« C’est très intensif ce qu’on annonce aujourd’hui », a lancé le ministre lors d’une mêlée de presse.

Une nouvelle directive a été envoyée mercredi aux établissements de sept régions pour que les quarts de travail « favorables » soient d’abord offerts aux travailleurs du réseau plutôt qu’aux agences. Une intention que le ministre Dubé avait annoncé un peu plus tôt cet automne.

Mais il faudra aussi que les établissements « imposent » désormais des ratios de quarts défavorables, comme de soir, de nuit et de fin de semaine au personnel des agences privées de placement. Ces ratios seront déterminés selon la région alors que M. Dubé ne veut pas de ratios « mur à mur ».

« Une des raisons pour lesquelles on commence avec Montréal et Québec, c’est parce que les ratios qu’on va avoir en Abitibi ou sur la Côte-Nord sont beaucoup plus grands, alors j’ai demandé aux PDG […] de me revenir avec un plan. Mais avant de signer un renouvellement de six mois [avec une agence], je veux savoir pourquoi vous justifiez tel ratio », a-t-il expliqué.

Les établissements visés dans un premier temps par la directive sont : Montréal, Laval, Montérégie, les Laurentides, Lanaudière, Capitale-Nationale et Chaudière-Appalaches.

Il a par ailleurs réitéré la création d’un mécanisme de dépannage interne qui se traduira par la transformation de la plateforme « Je contribue » en banque de remplaçants qui pourront venir prêter main-forte au réseau.

Le renouvellement des contrats avec les agences devra également se faire sur une période maximale de six mois. Les CISSS et CIUSSS doivent fournir leur plan pour encadrer le recours aux agences au cours des prochaines semaines pour qu’il soit effectif à compter du 1er décembre.

Décentralisation : pas question de rebrasser les structures

Le ministre Dubé n’a pas l’intention de défusionner les CIUSS et les CISSS dans la « vaste décentralisation » du réseau de la santé et des services sociaux, annoncée mardi dans le discours d’ouverture. « Le principe pour moi, ce n’est pas une question de structure, c’est une question de culture. Et de culture, ça veut dire comment on gère localement », a nuancé le ministre Dubé.

« Est-ce qu’on a été obligé de changer de structure pour mettre un gestionnaire dans chaque CHSLD ? C’est le plus bel exemple de décentralisation », a-t-il illustré. Il n’a pas l’intention, donc, de détricoter complètement la réforme Barrette, mais il veut ramener le pouvoir décisionnel plus près du terrain.

« Il y a des choses qu’on doit changer. Dans la réforme Barrette, on a fait justement sauter toute la question de la gestion locale. On a ramené ça au CISSS et au CIUSSS. Ça, c’est sûr que ça n’a pas de bon sens. […] Mais ce n’est pas une question de CISSS et de CIUSSS, c’est une question d’organisation », a-t-il dit.

Mardi, l’Association des cadres supérieurs de la santé et des services sociaux indiquait voir d’un bon œil la décentralisation annoncée par Québec à condition qu’elle ne rime pas avec un « rebrassage des structures ».

M. Dubé estime que la décentralisation du réseau public de la santé et des services sociaux sera une des « mesures phares » du gouvernement « pour les prochaines années ».

Omnipraticiens : vers une entente négociée ?

Le gouvernement Legault a fait valoir mercredi qu’il préconise la conclusion d’une entente négociée avec la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec. Mais, il a réitéré son ultimatum aux médecins : « S’il n’y a pas une négociation qui permet d’atteindre nos objectifs, il y aura des gestes très forts qui vont être posés », a mentionné M. Dubé.

Cela pourrait passer par l’imposition notamment des pénalités liées à la Loi 20 de Gaétan Barrette. « La Loi 20 a ses avantages et ses désavantages. Nous, on préfère une négociation avec les médecins, mais si on n’arrive pas à une solution, on pourrait passer par un moyen légal, mais pour le moment, ce qui est envisagé c’est une négociation », a souligné M. Dubé.

« Vous vous rappellerez que Gaétan Barrette avait donné à peu près deux ans aux médecins de famille pour prendre en charge un certain nombre de patients. […] Or, les médecins de famille n’ont pas livré la marchandise. Ils sont en défaut actuellement », a pour sa part déclaré le premier ministre.

Dans son discours d’ouverture, M. Legault a affirmé qu’il n’hésiterait pas à « imposer une conclusion » aux négociations avec les médecins de famille. Mercredi, il a indiqué qu’il pourrait déposer un projet de loi si les discussions n’aboutissent pas. « Ça fait déjà trois ans qu’on discute avec eux autres. Ça commence à presser. », a lancé le premier ministre en mêlée de presse.

Québec veut revoir « complètement » la rémunération des médecins. « Ce n’est pas normal qu’aujourd’hui, avec le nombre de médecins qu’on a, qui se compare avantageusement à ce qui a dans les autres provinces, qu’on a 800 000 Québécois qui soient sur une liste d’attente », a dit M. Dubé.

Il veut aussi élargir l’accès aux services de première ligne. « Actuellement, il y a un problème de prise en charge, [ce qui] fait que des patients sont obligés d’aller à l’urgence, d’aller engorger les urgences », a ajouté M. Legault.

Mardi, la FMOQ a prévenu Québec que d’« imposer » une solution aux médecins de famille « donnerait des résultats catastrophiques » sur le terrain.

Avec Hugo Pilon-Larose