(Québec) Le plan d’embauche du gouvernement Legault progresse alors qu’au dernier bilan, quelque 1700 infirmières à temps complet viennent prêter main-forte au réseau public de la santé. Au moins 2400 candidates envisagent par ailleurs un retour. Mais si les résultats sont « encourageants », on observe de grandes disparités selon les régions.

Après avoir annoncé mercredi qu’il reportait d’un mois l’entrée en vigueur de la vaccination obligatoire en raison d’un réseau trop fragilisé par la pénurie de main-d’œuvre, Québec peut se réjouir que des renforts soient bientôt déployés sur le terrain.

Depuis trois semaines, ce sont 1756 infirmières à temps complet qui seront ajoutées sur le terrain, dont 1347 qui ont accepté de « rehausser » leur poste, passant d’un emploi à temps partiel à un emploi à temps complet. La hausse du nombre de postes à temps complet dans le réseau s’inscrit elle aussi dans la stratégie d’embauche du ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé.

D’ailleurs, seules les infirmières à temps complet toucheront la nouvelle prime d’embauche et de rétention de 12 000 $ à 18 000 $, selon la région.

Au moins 2400 autres candidates potentielles sont également en discussion avec les établissements de santé, selon les chiffres fournis par le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS). C’est plus de 400 par rapport au bilan de la semaine dernière.

Québec cherche à embaucher 4300 infirmières, et c’est sans compter plus d’un millier d’infirmières auxiliaires. « On parle plus de 5000 personnes qu’on cherche : 4300 du côté des infirmières bachelières et 1300, je pense, du côté des auxiliaires », a affirmé le ministre Dubé lors de son passage à Gatineau, mardi.

Jeudi, Christian Dubé a qualifié la mise à jour de sa campagne de recrutement d’« encourageante », ajoutant que les efforts des établissements « port[ai]ent leurs fruits ». Le succès du plan d’embauche fait d’ailleurs partie des éléments qui permettent à Québec d’anticiper que la situation sera meilleure dans le réseau le 15 novembre, nouvelle date butoir pour la vaccination obligatoire.

À pas de tortue dans certaines régions

Reste que le recrutement progresse à pas de tortue dans certaines régions du Québec, a pu constater La Presse en demandant aux établissements de fournir leur bilan en date du 12 octobre. Voici quelques exemples :

En Abitibi-Témiscamingue, région particulièrement touchée par la pénurie de main-d’œuvre, aucune nouvelle infirmière n’a encore été recrutée, mais une embauche est en cours, a confirmé l’établissement, jeudi. Au moins 20 personnes ont accepté d’occuper maintenant un poste à temps complet.

« Une seule ressource de plus pour nous, c’est majeur », a indiqué la présidente-directrice générale du CISSS de l’Abitibi-Témiscamingue, Caroline Roy. « Une seule personne en plus ou en moins va faire une différence sur [le maintien d’un] service ou une rupture », a-t-elle illustré, affirmant compter sur plusieurs « petites équipes » sur son territoire.

À Montréal aussi, on avance à petits pas. Le CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal – le plus important – a recruté 21 infirmières, 26 ont « rehaussé » leur poste et une soixantaine discutent d’un éventuel retour.

Le CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal compte 12 nouvelles embauches, et le CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal, 15. Ce dernier peut cependant comptabiliser 170 infirmières à temps partiel qui ont dit oui à un temps complet.

La Fédération interprofessionnelle du Québec (FIQ) accueille pour sa part avec prudence le nouveau bilan de Québec puisqu’il est difficile de connaître l’« impact réel » sur le terrain. « Pour les rehaussements, il faut voir si ces professionnelles effectuaient déjà un équivalent à temps complet en nombre d’heures avec le temps supplémentaire, par exemple, même si elles étaient à temps partiel », a expliqué le vice-président aux relations de travail de la FIQ, Patrick Guay.

M. Guay demande par ailleurs au gouvernement Legault de publier rapidement son décret lié à son nouveau plan d’embauche pour convaincre celles qui hésitent. « C’est bien beau de connaître les montants des primes, mais elles veulent savoir ce qu’est le reste du contrat », a-t-il souligné en entrevue.

Des efforts provinciaux

Parmi les établissements consultés par La Presse, 11 ont affirmé multiplier les efforts de recrutement en menant des campagnes publicitaires ou en appelant un à un les centaines de travailleurs qui ont quitté le réseau au cours des dernières années. Certains mènent aussi des campagnes de recrutement à l’international.

Dans Chaudière-Appalaches, qui a fait trois embauches depuis l’annonce du plan du gouvernement Legault, on a cependant réussi à faire passer 230 infirmières à temps complet grâce à un exercice de rehaussement effectué au cours des derniers mois, avant l’ajout d’incitatifs financiers.

« Le recrutement et la rétention sont des défis de tous les instants », a indiqué le CISSS des Laurentides, qui a recruté 15 travailleurs. L’établissement mise notamment sur la migration des jeunes de 18 à 40 ans vers les Laurentides et différents programmes pour attirer « des personnes issues de l’immigration » qui souhaitent s’établir en région.

Québec a lancé sa stratégie de recrutement et de rétention du personnel infirmier le 23 septembre.

Des primes étendues au privé

Québec a annoncé jeudi qu’il étendait son programme de primes de rétention et de recrutement aux infirmières employées par des résidences privées pour aînés (RPA) et des CHSLD privés non conventionnés. Le gouvernement Legault a pris cette décision par souci d’équité et pour éviter de fragiliser les RPA et les CHSLD privés. La pénurie d’infirmières touche le secteur public, mais aussi les établissements privés. Les infirmières et les infirmières auxiliaires des CHSLD privés non conventionnés et des RPA à l’emploi ou nouvellement embauchées à temps complet toucheront la prime de 15 000 $ en deux versements de 7500 $. Ces nouvelles mesures représentent un investissement supplémentaire de 34,3 millions pour les RPA et de 13,9 millions pour les CHSLD. Le gouvernement Legault a déjà chiffré son programme de prime pour le secteur public à 1 milliard.

Fanny Lévesque, La Presse

Vaccination des fonctionnaires fédéraux

Près de 40 % des quelque 267 000 fonctionnaires du gouvernement fédéral visés par la politique de vaccination obligatoire annoncée il y a environ une semaine ont rempli leur formulaire d’attestation. Ils sont quelque 100 000 à avoir déclaré leur statut vaccinal, a indiqué jeudi le Secrétariat du Conseil du Trésor. Ceux qui ne l’ont pas divulgué ont jusqu’au 29 octobre pour le faire. Les employés récalcitrants seront mis en congé sans solde à compter du 15 novembre, a averti le gouvernement, qui a prévu de rares exemptions à la mesure, pour des motifs d’ordre médical ou religieux. Il y a fort à parier que la politique sera contestée devant les tribunaux, de l’avis de la plupart des juristes ; d’ailleurs, les syndicats dont les membres sont concernés par cette mesure ont d’ores et déjà signalé qu’ils défendraient les intérêts de ceux qui feront l’objet de sanctions parce qu’ils ne sont pas vaccinés. « Nous ne sommes pas en mesure de confirmer si des contestations judiciaires se préparent ou non », a indiqué jeudi le Secrétariat du Conseil du Trésor.

Mélanie Marquis, La Presse

En chiffres

351 : Nombre de personnes recrutées provenant notamment de la main-d’œuvre indépendante

58 : Nombre de retraités qui ont accepté de revenir dans le réseau

Source : ministère de la Santé et des Services sociaux