Une mère lance un cri du cœur pour que sa fille dépressive puisse avoir accès à des services en santé mentale. Son adolescente de 15 ans, « une véritable bombe à retardement », passe entre les mailles du système en raison de son autisme, déplore-t-elle.

Il y a une dizaine de jours, en découvrant les « cuisses charcutées » de sa fille Calypso (qui se mutile), Geneviève Caron se rappelle avoir eu les genoux qui ont flanché. « La petite chose qu’on a portée, caressée et endormie est en train de s’autodétruire, laisse-t-elle tomber, en essuyant ses larmes. Je n’ai pas de mots. » En plus d’être dépressive, l’adolescente souffre d’anxiété et vit avec un trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH), ainsi qu’un trouble de l’opposition. Son plus récent diagnostic remonte à ses 13 ans : trouble du spectre de l’autisme.

N’ayant plus de services pour sa fille en raison d’un déménagement, Geneviève Caron s’est mise à « lancer des bouteilles à la mer ». La mère tente d’avoir de l’aide depuis le 4 août dernier, date où elle s’est rendue à l’hôpital avec l’adolescente à la suite d’une crise. Bien que le psychiatre ait alors promis qu’une « équipe de choc » viendrait chez elle, Mme Caron était réticente à repartir seule avec Calypso. « Hier, il fallait que j’aie ma fille dans la salle d’attente sous surveillance constante […]. Mais aujourd’hui, je peux partir avec elle sans problème ? », s’était-elle demandé.

Ce n’est pas l’équipe psychosociale promise qui a pris le dossier, mais plutôt le centre de réadaptation en déficience intellectuelle chargé des cas d’autisme – même ceux sans déficience comme celui de Calypso.

Une seule intervenante est venue depuis le 4 août, afin d’évaluer les besoins de l’adolescente. « Ils sont débordés », laisse tomber Geneviève Caron.

« Tout le stress de surveiller ma fille 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, et d’essayer de cacher les objets coupants tombe sur moi », déplore la mère.

« Une bombe à retardement »

Geneviève Caron estime que Calypso est une « bombe à retardement » et qu’elle a besoin de soins urgents pour sa dépression, pas pour son autisme. Le fait que sa fille soit autiste lui ferme des portes pour une prise en charge en psychiatrie, avance Mme Caron.

Baudouin Forgeot d’Arc, pédopsychiatre et chercheur à l’hôpital Sainte-Justine, connaît bien cette situation. Il travaille à mettre sur pied une clinique qui s’occupe à la fois des troubles de neurodéveloppement – comme l’autisme – et de santé mentale. Ce dernier rapporte que près de 60 % des personnes autistes vivraient avec un trouble anxieux. « Dire qu’on peut avoir des soins soit pour l’un, soit pour l’autre, c’est limitant », souligne-t-il.

Questionné au sujet du manque de services, le cabinet de Lionel Carmant, ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, rappelle la mise en place graduelle d’un nouveau « Plan québécois » pour les troubles mentaux. « C’est un changement de culture qui permettra d’intégrer différentes trajectoires de soins, tout en facilitant l’accès aux Québécois », a écrit Sarah Bigras, attachée de presse du ministre délégué. L’accès aux soins de première ligne est aussi repensé, afin de « favoriser la contribution des différents professionnels », ajoute-t-elle.

Si les problèmes de Calypso étaient d’ordre physique, elle serait déjà prise en charge, se désole la mère. « Elle est merveilleuse, elle a des réflexions philosophiques et a tellement à apporter au monde. Peut-on la garder en vie, s’il vous plaît ? », implore-t-elle.

Les personnes ne se suicident pas parce qu’elles sont autistes ; elles se suicident parce qu’elles vivent de la détresse.

Le Dr Baudouin Forgeot d’Arc, pédopsychiatre et chercheur à l’hôpital Sainte-Justine

Chez les personnes autistes sans déficience intellectuelle, les taux de suicide sont élevés, note le DForgeot d’Arc, en citant des études scandinaves. Des moyens d’aide existent en santé mentale, mais ils sont encore peu connus en réadaptation pour les troubles de neurodéveloppement, explique-t-il.

« Elle veut vivre »

Malgré tout, Geneviève Caron n’en veut à personne. « Il y a un manque de ressources, mais il y a une structure qui ne marche pas non plus. » Beaucoup montrent la pandémie du doigt comme responsable, pas elle. « C’était complètement déficient avant », souligne toutefois la mère.

Pour Calypso, les pensées suicidaires ont commencé dès l’âge de 8 ans. Un an plus tard, elle a admis à sa mère avoir voulu « se planter le gros couteau de cuisine dans le ventre ». Depuis des années, Geneviève Caron tente d’avoir un suivi à long terme pour sa fille. Mais chaque fois, de nouveaux obstacles se dressent, ce qui l’a souvent menée à se tourner vers le privé.

L’adolescente a l’impression de vivre avec des démons qui rôdent autour d’elle. « Elle veut vivre, souligne Geneviève Caron. Elle dit qu’elle a des projets, mais qu’elle a besoin d’aide. » Calypso a récemment confié à sa mère qu’elle croyait qu’on attendait qu’« il soit trop tard » pour l’aider. « Comment dois-je prendre ça en tant que mère ? », demande-t-elle.

De 2007 à 2018, les hospitalisations pour tentatives de suicide chez les enfants et les adolescents ont triplé.

Source : Hôpital de Montréal pour enfants

16 940 : nombre d’enfants de 1 à 17 ans atteints d’autisme recensés au Québec en 2017

Source : Institut national de santé publique du Québec

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