Un syndicat a déposé 1000 griefs portant sur des situations liées au racisme systémique contre le plus important CIUSSS de la province, celui du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal.

« Les personnes racisées sont sous-représentées dans les emplois les mieux payés, et elles sont surreprésentées dans les emplois les moins payants », dénonce Alain Croteau, président du Syndicat des travailleuses et travailleurs du CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, en entrevue téléphonique.

Le syndicat exige que l’organisation fournisse des statistiques sur les personnes racisées par type d’emplois. Ces données permettraient d’avoir un meilleur portrait du racisme systémique, affirme M. Croteau.

La discrimination raciale ne s’exerce toutefois pas seulement à l’embauche, ajoute-t-il. Des patients ou des familles manifestent parfois une préférence quant à la couleur de peau de leur préposé aux bénéficiaires. « Le gestionnaire ne voudra pas discriminer, mais il va vouloir plaire à la famille », illustre M. Croteau.

Pour les probations, souvent, les gestionnaires vont faire le tour des anciens, qui sont généralement blancs. Ils vont se fier à leur opinion pour mettre fin à une probation. Ce n’est pas une évaluation qui est juste. On expose la personne à tous les préjugés de ses pairs.

Alain Croteau, président du Syndicat des travailleuses et travailleurs du CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal

Le président du syndicat se questionne aussi sur la répartition des préposés aux bénéficiaires entre ceux qui travaillent dans les établissements et ceux qui donnent des soins à domicile. « Bizarrement, pour une raison qui nous échappe, les auxiliaires de santé et de services sociaux [ceux qui donnent des soins à domicile] sont majoritairement blancs, alors qu’en institution, ils sont majoritairement noirs. Pourtant, la formation est pratiquement la même », souligne M. Croteau.

« Le système est fait comme ça »

Selon Fo Niemi, directeur général du Centre de recherche-action sur les relations raciales (CRARR), le CIUSSS doit colliger des données sur ses employés en vertu de la Loi sur l’accès à l’égalité en emploi. Celle-ci vise à corriger les inégalités vécues dans le domaine du travail.

« Techniquement, le CIUSSS devrait avoir ces données. C’est ça, le mystère », dit-il.

M. Niemi est conscient que les femmes racisées sont probablement plus nombreuses à postuler à des postes de préposé aux bénéficiaires. « Mais la question, c’est pourquoi les femmes noires postulent davantage à ces postes ? Il faut aussi regarder la mobilité. Après deux ou trois ans, quand elles ont de l’expérience et des compétences, est-ce qu’elles peuvent postuler à d’autres postes ? Il y a des barrières là aussi, selon le syndicat », souligne M. Niemi.

Guerda Amazan, directrice générale adjointe de la Maison d’Haïti, explique que de nombreuses préposées aux bénéficiaires sont des immigrées ou des réfugiées, dont le diplôme n’est pas reconnu ici. « Quand elles arrivent au Québec, elles ont besoin de s’intégrer. Elles ont besoin de subvenir à leurs besoins. La formation de préposé est assez rapide et elles sont presque sûres de décrocher un emploi », affirme Mme Amazan.

Le système est fait comme ça. Il détermine cette capacité d’intégration.

Guerda Amazan, directrice générale adjointe de la Maison d’Haïti

Le CIUSSS se défend

Le CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal déplore pour sa part que le syndicat « instrumentalise » l’organisation.

« Le CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal ne fait preuve d’aucune discrimination à l’endroit de son personnel », affirme son porte-parole, Jean-Nicolas Aubé. « Dans un contexte de pandémie, plus que jamais, nous avons besoin de tous, peu importe le sexe ou l’origine ethnique, pour nous aider à faire face aux besoins grandissants », poursuit-il.

Le CIUSSS affirme qu’il s’est doté d’une Charte d’engagement sur l’inclusion des personnes de la diversité sexuelle et de genre, au mois d’août dernier, et qu’il travaille avec la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, « qui n’a jamais fait aucune mention, dans ses travaux à [son] sujet de “surreprésentation des femmes noires” ».

M. Aubé affirme que les nouveaux employés ont le choix de cocher ou non une case concernant leur origine ethnique dans leur formulaire d’embauche. Le CIUSSS n’a donc que des données partielles à ce sujet.