Le DAlain Vadeboncoeur se bat depuis plus d’un an contre des publicités qui utilisent, sans son consentement, son image pour vendre des produits aux vertus douteuses. Mais ces annonces frauduleuses ont atteint un nouveau sommet : une septuagénaire a été intoxiquée après avoir consommé des jujubes au cannabis. Elle était convaincue que les « bonbons » étaient approuvés et recommandés par le réputé médecin québécois.

La femme s’est procuré les jujubes en forme d’oursons à base de CBD, un composé naturellement présent dans le cannabis, après avoir vu une publicité sur l’internet au début du mois. Le site web affirmait que les friandises colorées soulageaient les douleurs chroniques. Le nom et l’image du DAlain Vadeboncoeur étaient associés à la publicité trompeuse.

« Cette femme a eu beaucoup de nausées. Elle a quand même réessayé un jujube, plus tard dans la soirée, et elle est devenue comme un zombie. Elle était encore somnolente le lendemain [de la consommation] », explique le DDavid Lussier. Malgré son état, elle n’a pas été hospitalisée.

Le gériatre a hésité avant de raconter cette histoire à La Presse. Mais la semaine suivante, il est tombé sur une autre patiente, en consultation externe, qui s’interrogeait sur l’utilisation de l’huile de chanvre, car elle avait aussi vu le DVadeboncoeur en faire la promotion sur l’internet.

« L’huile de chanvre, c’est assez inoffensif, mais celle qui a commandé les jujubes de CDB, elle ne l’a pas toléré du tout. Elle a été très malade », raconte le DLussier.

Ça aurait pu être dangereux parce qu’on ignore ce que contenaient les jujubes. On ne sait pas quelle était la dose de CBD ni s’ils contenaient du THC. Donc, ça aurait pu être très, très dangereux.

Le DDavid Lussier, gériatre

Le DLussier décrit cette « jeune » femme comme étant « vive » et « allumée ». Il arrive toutefois que certains patients, ceux qui ont vu moins souvent leur médecin pendant la pandémie, soient prêts à tout pour soulager leurs douleurs chroniques, ajoute-t-il. Ils deviennent plus vulnérables s’ils tombent sur un produit dont les vertus sont vantées par un médecin connu.

« Les gens apprécient le DVadeboncoeur. Ils le trouvent crédible. C’est là que ça devient dangereux. Ils ont l’impression de suivre son conseil alors que c’est complètement faux », se désole le DLussier.

Du chanvre aux produits amaigrissants

Le DAlain Vadeboncoeur lutte contre des publicités qui utilisent son image depuis l’été 2020. Certaines d’entre elles vantent les mérites de pilules amaigrissantes, d’huile de chanvre ou d’huile de CBD. Elles apparaissent pendant un moment sur l’internet, puis disparaissent.

L’urgentologue a reçu des centaines et des centaines de messages d’internautes à ce sujet. Certains se questionnent sur tel ou tel produit, d’autres affirment être tombés dans le piège. Certains clients ont d’ailleurs eu la mauvaise surprise de devoir payer 300 $ au lieu des 60 $ annoncés pour l’un de ces produits, raconte le DVadeboncoeur.

Mais en un an et demi, c’est la première fois qu’il entend parler d’une personne qui est tombée malade à cause de l’un de ces prétendus médicaments. « Heureusement qu’il n’y a pas eu un décès », lâche-t-il.

« Quand on achète des gummies d’une entreprise qui a tendance à frauder, je ne parierais pas cher sur ce qu’il y a à l’intérieur de ces jujubes. Ce ne sont sûrement pas des dérivés pharmaceutiques approuvés. C’est risqué », dénonce le DVadeboncoeur, qui a reçu quelques messages au sujet des oursons en jujubes, mais moins que dans le cas des publicités sur les produits amaigrissants ou l’huile de chanvre.

Ce qui me tue, c’est que les personnes qui se font avoir, ce sont des personnes vulnérables qui cherchent une solution pour soigner un mal. Je trouve ça tellement cheap.

Le DAlain Vadeboncoeur, urgentologue

Le DVadeboncoeur a multiplié les mises en garde dans les médias ou sur les réseaux sociaux, depuis un an et demi. Il a embauché une personne pour répondre à tous ses courriels liés aux publicités trompeuses. Il a dénoncé les publicités aux sites Shopify et Facebook, entre autres. Il a même fait appel à un expert pour tenter de connaître l’identité réelle de l’entreprise qui usurpe son identité et porté plainte à la police, sans succès.

Pour le criminologue Eugene Oscapella, il n’y a pas de doute : cette entreprise s’expose à de multiples poursuites. « Il y a toutes sortes de problèmes avec cette publicité. Le médecin pourrait poursuivre au civil parce qu’on utilise son image. La patiente pourrait poursuivre parce qu’elle a été trompée. Le Collège des médecins pourrait sûrement trouver une façon, lui aussi, de poursuivre », affirme le professeur de criminologie de l’Université d’Ottawa.

L’entreprise s’expose aussi à des poursuites criminelles si elle a « fait administrer à une personne, ou fait en sorte qu’une personne prenne, un poison ou une autre substance destructive ou délétère », selon l’article 245 du Code criminel.

« Mais ça, c’est la théorie. En pratique, ça peut être très difficile si l’entreprise n’a pas de siège social au Canada ou si celle-ci est difficile à identifier », se désole le professeur Oscapella.