L’argent, c’est bien, mais ça ne sera pas suffisant : voilà le constat des infirmières et syndicats, qui se disent déçus de l’annonce faite jeudi par François Legault qui propose d’offrir une prime financière aux infirmières dans le réseau, en plus d’embaucher de nouvelles agentes administratives.

« Selon moi, c’est de la poudre aux yeux. Il n’y a pas de changements profonds qui viennent avec ça [les mesures annoncées par le gouvernement caquiste] », regrette Marie-Maud Soulières. Pour l’infirmière clinicienne, qui compte une dizaine d’années d’expérience à Montréal, seule une amélioration des conditions de travail serait susceptible de ramener les infirmières dans le réseau de la santé.

Une vision partagée par Nancy Bédard, présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ). « Ce sont des sommes majeures, du jamais vu… mais ce ne sont pas les raisons qui ont fait fuir les infirmières du réseau, explique la présidente. Il y a plusieurs membres qui m’ont dit : “Ce n’est pas pour l’argent que je suis partie, donc ce n’est pas l’argent qui va me faire revenir” », décrit-elle.

« C’est un gros montant, 15 000 $, mais ma santé mentale vaut plus que ça », a de son côté confié à La Presse un infirmier qui avait récemment commencé à travailler à temps partiel, pour cause d’épuisement – et qui n’est donc pas concerné par les mesures annoncées par François Legault. Il a demandé de conserver l’anonymat, de peur de subir des représailles de son employeur.

« Ce sont des montants impressionnants, mais ce ne sont pas des montants renouvelables », rappelle Sébastien Roy, infirmier depuis sept ans à Montréal et membre du Comité des soignants pour un syndicalisme de combat. « C’est complètement irréaliste de penser que ça va régler le problème », croit-il.

Heures supplémentaires et conditions difficiles

« Le gouvernement aurait pu s’attaquer au problème du temps supplémentaire obligatoire (TSO), mais il ne l’a pas fait », dénonce Sébastien Roy. Pour lui, comme pour la FIQ, ce travail supplémentaire obligatoire gangrène le système de santé.

« Considérant que ça fait 15 ans que le TSO ne fait qu’augmenter, et qu’on nous a fait beaucoup de promesses, la confiance des infirmières envers le gouvernement s’est effritée », précise Nancy Bédard de la FIQ. Selon elle, le personnel soignant du Québec s’attendait à un engagement ferme de la part du gouvernement : des dates limites pour mettre fin à cette façon de fonctionner, avec l’idée qu’il y aurait un moment où « le TSO ne serait plus dans le coffre à outils des gestionnaires ». Le ministre Dubé est cependant demeuré très vague sur la question lors de la conférence de presse de jeudi.

Autre point de déception : aucun engagement clair n’a été mis de l’avant pour favoriser la conciliation travail-famille des infirmières.

Dans le fond, on est toutes des mères ou des aidantes. Il faut arrêter de récompenser les gens qui font du temps plein, de laisser le TSO en place. Ça n’aide personne… parce qu’on a quand même besoin d’aller chercher nos enfants à l’école.

Marie-Maud Soulières, infirmière clinicienne et mère de deux fillettes

« On met une énorme pression sur les infirmières à temps partiel pour qu’elles travaillent à temps plein, alors que ce sont souvent des mères de famille », énonce Sébastien Roy, qui va jusqu’à qualifier l’investissement du gouvernement de « coup d’épée dans l’eau ».

Un début de solution

« Il y a des choses intéressantes [dans ce qui a été annoncé aujourd’hui] », estime Luc Mathieu, président de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec. Il salue notamment l’annonce de l’embauche de 3000 agents administratifs et la décentralisation pour favoriser l’autogestion dans les unités de soin. « Mais l’argent ne sera pas suffisant, ajoute-t-il. Il faut agir sur l’organisation du travail, le soutien clinique et la formation, si on veut avoir des solutions pérennes », croit-il.

Pour Carole Trempe, PDG de l’Association des cadres supérieurs de la santé et des services sociaux, qui représente 1000 directeurs généraux et directeurs généraux adjoints dans le milieu de la santé, l’annonce du gouvernement est bienvenue. « C’est sûr qu’on salue cette initiative du gouvernement, explique-t-elle, parce qu’il fallait trouver, à tout le moins, un début de solution à la pénurie. »

Appel à tous

La somme de 1 milliard pour mettre un terme à la pénurie d’infirmières dans le réseau public est-elle une bonne idée, selon vous ? Si vous êtes infirmière, les crédits débloqués par Québec vous paraissent-ils suffisants ?

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