La quatrième vague de COVID-19 survient alors que de nombreuses salles d’urgences sont bondées au Québec. En raison du grave manque de personnel, les patients s’y empilent, ce qui inquiète des médecins qui y travaillent. Devant un afflux de personnes atteintes de la COVID-19 et ayant constaté des « bris de protocole » qui peuvent favoriser la propagation du virus dans ses urgences, l’Hôpital général du Lakeshore, dans l’Ouest-de-l’Île, a même dû tester des patients qui ont été exposés au variant Delta ces derniers jours.

Avec le variant Delta et la quatrième vague qui débute, il existe « un danger réel » de contamination dans les urgences surchargées et en manque criant de personnel, estime la présidente de l’Association des médecins d’urgence du Québec, la Dre Judy Morris. Lundi, plusieurs salles d’urgences de la province présentaient des taux d’occupation élevés. À l’Hôpital du Suroît, le taux d’occupation des urgences a atteint 191 %.

« Le manque de personnel fait qu’on a moins de marge de manœuvre », dit la Dre Morris. Par manque de travailleurs, les aires de débordement normalement utilisées restent fermées. Conséquence pour les patients : « on les empile où on peut », résume-t-elle.

Avec le manque de personnel, « on augmente les ratios et on installe les patients plus proches l’un de l’autre pour pouvoir tous les surveiller. C’est le retour de la médecine de corridor… », ajoute le président de l’Association des spécialistes en médecine d’urgence du Québec, le DGilbert Boucher, qui dit « craindre un automne difficile ».

« On a peur de frapper un mur, effectivement, aux urgences », ajoute-t-il.

Opération dépistage aux urgences

À l’Hôpital général du Lakeshore, la présence aux urgences ces derniers jours de plusieurs personnes non vaccinées et infectées à la COVID-19 et des « bris de protocole » constatés dans le port d’équipement de protection individuelle ont poussé l’établissement à effectuer des tests de dépistage sur un certain nombre d’usagers. « Pour l’instant, aucun patient exposé à l’urgence n’a été déclaré positif à la COVID-19 », a indiqué la porte-parole du CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal, Hélène Bergeron-Gamache.

« Des usagers symptomatiques et positifs à la COVID-19 ont passé plusieurs heures à l’urgence (salle d’attente, civière, ambulatoire et non-ambulatoire) du 20 au 26 août 2021. Ils étaient non vaccinés et sans antécédent de la maladie. Le criblage de leurs résultats indique un variant Delta », peut-on lire dans un avis diffusé par le CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal, le 28 août, que La Presse a consulté. Le CIUSSS n’a pas précisé le nombre de patients impliqués.

La situation amène le CIUSSS à prolonger l’avis de « haute surveillance », qui était en vigueur depuis le 29 juillet aux urgences de l’Hôpital général du Lakeshore. « Ce niveau d’alerte nous permet d’augmenter les mesures de prévention et de contrôle des infections, et de limiter les risques de propagation de la COVID-19 chez les patients et le personnel », précise Mme Bergeron-Gamache.

Dans son avis, le CIUSSS souligne par ailleurs que « plusieurs bris de protocole ont aussi été constatés au cours des derniers jours au sein de l’urgence, menant à de multiples expositions de durées variables ». Ces manquements concernent principalement le port des équipements de protection individuelle.

« Des rappels à cet effet ont été envoyés à l’ensemble du personnel », note Mme Bergeron-Gamache.

Les 24 et 25 août, une infirmière non vaccinée a aussi travaillé – alors qu’elle était contagieuse – aux urgences de l’Hôpital général du Lakeshore, comme le rapportait récemment La Presse1. Un usager avec qui l’infirmière a été en contact a développé des symptômes. « Pour l’instant, il est négatif au dépistage tout comme l’ensemble des employés et des patients avec qui l’infirmière a été en contact », indique Mme Bergeron-Gamache.

Présidente du Syndicat des professionnelles en soins de santé de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal, Johanne Riendeau rappelle que plus de 90 % des membres de son syndicat sont vaccinés et que dans le cas de l’infirmière non vaccinée, celle-ci « faisait les trois tests de dépistage par semaine et portait l’équipement de protection en tout temps ». Une information confirmée par le CIUSSS, qui ajoute que celle-ci a été retirée dès l’obtention du diagnostic.

Selon Mme Riendeau, les travailleurs de la santé respectent les protocoles de protection aux urgences. Mais « des fois, ça va vite, et il manque de personnel », dit-elle. Mme Riendeau ajoute que, dans beaucoup de salles d’urgences vétustes, respecter la distanciation n’est pas simple. Certains patients ne respectent pas non plus en entier les mesures de protection, souligne-t-elle, et portent par exemple le masque sous le nez.

La solution : la vaccination

Pour la Dre Judy Morris, de l’Association des médecins d’urgence du Québec, comme pour le DGilbert Boucher, de l’Association des spécialistes en médecine d’urgence du Québec, la solution pour sortir de la crise de la COVID-19 passe par la vaccination.

Président de la Société des intensivistes du Québec, le DGermain Poirier souligne que les cas de COVID-19 traités aux soins intensifs actuellement sont « à 99 % des gens non vaccinés ». Comme aux urgences, le problème de pénurie de personnel « pourrait faire très mal à la quatrième vague », dit-il.

Aux urgences, le DBoucher estime que l’une des solutions pour diminuer la pression sera de s’assurer que « la première ligne joue son rôle ». Il souhaite que, malgré la fermeture des cliniques désignées de COVID-19 dans la communauté, les médecins de famille soient en mesure de voir les patients présentant des symptômes de la COVID-19. « Il va aussi falloir ramener les infirmières aux urgences. Valoriser leur travail », dit-il.

Taux d’occupation dans différentes urgences du Québec, lundi après-midi

  • Centre hospitalier régional de Lanaudière : 155 %
  • Hôpital Pierre-Boucher : 183 %
  • Hôpital du Suroît : 191 %
  • Hôpital général juif : 149 %
  • Hôpital général de Montréal : 158 %
  • Hôpital de Saint-Jérôme : 145 %
  • Hôpital de Saint-Eustache : 141 %
1. LISEZ l’article « Une infirmière non vaccinée déclarée positive »