Même si le nombre de visites aux urgences a chuté de façon draconienne en 2020-2021 alors que près de 1 million de personnes de moins s’y sont présentées, la durée moyenne de séjour des patients sur civière est passée de 15 h 15 min à 15 h 54 min au Québec. Une performance fortement teintée par la pandémie et qui témoigne de l’état chronique de congestion des hôpitaux de la province, selon des spécialistes.

Baisse draconienne du nombre de visites

Le nombre de visites aux urgences est passé de 3,7 millions en 2019-2020 à 2,7 millions en 2020-2021, selon les plus récentes données du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS). Du jamais vu. À cause de la pandémie, de nombreuses personnes ont cherché à éviter les urgences, surtout au plus fort des vagues, explique le président de l’Association des spécialistes en médecine d’urgence du Québec, le DGilbert Boucher. Par ailleurs, avec le confinement, le nombre de personnes victimes d’accident était beaucoup plus faible qu’à l’habitude, ajoute la Dre Judy Morris, présidente de l’Association des médecins d’urgence du Québec. Et avec la mise sur pause de nombreuses activités sportives et de loisirs, de même que le couvre-feu, les gens ont été moins nombreux à aller aux urgences. Le DBoucher souligne toutefois que le portrait de l’année 2020-2021 se termine au 30 mars 2021. Depuis, les patients sont plus nombreux à retourner aux urgences, où il n’est pas rare ces jours-ci que les taux d’occupation dépassent de beaucoup les 100 %.

Augmentation malgré tout de la durée moyenne de séjour

Le gouvernement cherche depuis des années à réduire le nombre de visites aux urgences afin de diminuer l’attente. Mais malgré une baisse spectaculaire des visites en 2020-2021, la durée moyenne de séjour a tout de même augmenté pour atteindre 15 h 54 min, soit bien loin de la cible de 12 h visée par le gouvernement. La Dre Morris explique que la durée moyenne de séjour représente le nombre d’heures qu’un patient passe sur civière avant d’obtenir son congé ou d’être hospitalisé à un étage de l’hôpital. Cette donnée traduit donc pour elle surtout la congestion globale des hôpitaux. La Dre Morris souligne qu’avec la COVID-19, les capacités hospitalières étaient de beaucoup diminuées. « Il y avait moins de lits aux étages. On roulait avec des milliers de membres du personnel en moins partis vers les agences, en isolement, délestés… », dit-elle. « Il y a des journées où on était incapables de faire monter un patient aux étages. Il y avait beaucoup de séjours de 24 ou de 48 h aux urgences », ajoute le DBoucher.

Des régions en hausse, d’autres en baisse

La majorité des régions du Québec a vu la durée moyenne de séjour aux urgences augmenter en 2020-2021. C’est dans les Laurentides (20 h 17 min) et en Montérégie (20 h 19 min) que les durées moyennes de séjour sont les plus élevées de la province. Même si l’hôpital de Gatineau vit ces jours-ci une période difficile (voir plus bas), la région de l’Outaouais a noté une nette amélioration de la performance de ses urgences en 2020-2021. La durée moyenne de séjour y est passée de 19 h 40 min à 17 h 31 min. « On était dans les pires urgences. On s’est quand même nettement améliorés, en temps de pandémie en plus. Mais il y a encore du travail à faire », a indiqué en conférence de presse la cheffe du service des urgences du CISSS de l’Outaouais, la Dre Marie-Hélène Folot.

Les pires urgences

Le gouvernement a établi la liste des 25 urgences présentant les pires résultats au Québec. Une équipe dirigée par la Dre Élyse Berger-Pelletier, du MSSS, visite actuellement ces urgences et devra trouver des solutions pour améliorer leurs performances. La Dre Morris souligne que plutôt que de parler des « 25 pires urgences, on devrait parler des 25 pires hôpitaux ». Parce que les solutions devront être trouvées pour améliorer la performance aux urgences, mais aussi partout dans l’hôpital, lance la présidente de l’AMUQ, qui fonde « beaucoup d’espoir » sur ce comité ministériel. La Dre Morris explique par exemple que si une patiente de 85 ans se présente un soir aux urgences et que les médecins soupçonnent une fracture du cou, un scan pourra être passé le soir même. Mais dans certains hôpitaux, le résultat ne sera lu que le lendemain matin. « Ça ajoute 12 h au séjour de cette patiente », dit la Dre Morris. Pour le DBoucher, les solutions à la congestion des urgences « sont connues depuis longtemps ». « Il faut maintenant les mettre en place », dit-il.

La crise du personnel

Pour la Dre Morris et le DBoucher, le plus grand défi reste le problème de pénurie de personnel. « Tous les hôpitaux sont frappés. Ça va être long à rattraper », dit la Dre Morris. L’hôpital de Gatineau a dû fermer ses urgences vendredi, par manque de personnel. Le CISSS de l’Outaouais a annoncé mercredi la réouverture partielle des urgences de Gatineau, uniquement pour les femmes enceintes, les enfants et les personnes présentant des problèmes de santé mentale. « Ce n’est pas un problème de gestion. C’est un problème de disponibilité de main-d’œuvre », a martelé en conférence de presse mercredi la PDG du CISSS de l’Outaouais, Josée Fillion.

Par manque de personnel, 45 lits seront fermés cet été à l’hôpital de Hull, 30 à l’hôpital de Gatineau et 10 à l’hôpital de Papineau. D’autres hôpitaux de la province doivent aussi fermer des lits d’hôpital cet été par manque de personnel. C’est notamment le cas de l’hôpital du Haut-Richelieu (38 lits), de l’hôpital Charles-Le Moyne (48 lits), de l’hôpital de Rimouski (11 lits), de l’hôpital Notre-Dame (27 lits, dont 2 de soins intensifs) et de l’hôpital de Verdun (22 lits, dont 2 de soins intensifs), de l’hôpital Anna-Laberge (10 lits), de l’hôpital du Suroît (59 lits) et de l’hôpital de Saint-Eustache (44 lits).