(Montréal) Des chercheurs britanniques qui croyaient pourtant être sur la piste d’un test de dépistage du cancer de l’ovaire ont dû s’avouer vaincus après une vingtaine d’années de travaux.

Les chercheurs du University College London rapportent dans les pages du journal médical The Lancet que, en dernière analyse, même la détection hâtive de certains cancers n’a rien changé au taux de mortalité parmi les participantes.

Il semble que les cancers plus agressifs, même s’ils sont diagnostiqués à un stade plus précoce, ça ne change rien pour la mortalité.

Anita Koushik, spécialiste du cancer de l’ovaire à l’École de santé publique de l’Université de Montréal

« Il semble probable que les cancers détectés à un stade plus précoce avaient un mauvais pronostic intrinsèque qui n’a pas été modifié par un traitement plus précoce et les traitements disponibles pour les maladies de stade précoce », ajoute-t-elle.

L’étude UK Collaborative Trial of Ovarian Cancer Screening, avec quelque 200 000 participantes, était la plus importante jamais réalisée à ce jour sur le dépistage du cancer de l’ovaire.

Les participantes chez qui le taux de C.A.-125, une substance produite par les tumeurs, était en hausse avaient subi une échographie. Cela a permis de détecter 39 % plus de cancers de stade 1 et 2, et 10 % moins de cancers de stade 3 et 4, mais aucun effet n’a été noté sur la mortalité.

« Nous savons que la survie est généralement meilleure chez les personnes diagnostiquées à un stade précoce, […] et ils ont détecté une plus grande proportion de cas à des stades plus précoces, mais sans amélioration de la survie », a dit la professeure Koushik.

Il semblerait donc que les cancers qui ont été détectés de manière plus précoce découlaient d’une forme plus agressive de la maladie, ce qui expliquerait l’absence de réduction du taux de mortalité.

La piste du C.A.-125 n’offrait aucune garantie en partant. Cancer de l’ovaire Canada souligne ainsi sur son site internet que « dans environ 20 % des cas de cancer de l’ovaire à un stade avancé et 50 % des cas à un stade précoce, le C.A.-125 n’est pas élevé, même en présence de cancer de l’ovaire ».

L’objectif serait donc maintenant de mettre au point un test capable de dépister plus tôt les cancers moins agressifs. Les travaux nécessaires pour y parvenir pourraient toutefois facilement prendre une dizaine d’années.

On aura notamment besoin de meilleures connaissances sur la biologie de ce type cancer, a dit la professeure Koushik, même si on comprend mieux aujourd’hui que certains cancers de l’ovaire sont plus agressifs que d’autres.

« Ça, c’est très intéressant et très important, parce que lors d’anciennes études, on traitait le cancer de l’ovaire comme une seule maladie, a-t-elle souligné. On considère maintenant le cancer de l’ovaire comme étant plusieurs maladies parce que leur biologie diffère, leurs caractéristiques génétiques et moléculaires aussi. »

On peut quand même tirer des leçons intéressantes de l’étude britannique, croit la professeure Koushik, qui martèle l’importance de la prévention pour les femmes, notamment en ce qui concerne l’efficacité des traitements.

« D’après moi, ça dit quelque chose au sujet du traitement, a-t-elle dit. Ces personnes ont été traitées plus tôt dans l’évolution de leur cancer, mais ça n’a rien changé pour la mortalité. »

Le cancer de l’ovaire peut être très difficile à diagnostiquer, puisque ses symptômes (saignements vaginaux anormaux, pertes vaginales fréquentes, masse palpable dans le bassin ou l’abdomen, besoin fréquent/urgent d’uriner, constipation, etc.) peuvent ressembler à ceux d’autres maladies beaucoup moins graves. La maladie a souvent tellement progressé au moment du diagnostic que le pronostic est sombre.

Le cancer de l’ovaire est le cinquième cancer le plus courant chez les femmes, et aussi un des plus mortels. Chaque année, on estime que 3100 Canadiennes recevront un diagnostic de cette maladie, et que 55 % d’entre elles ne survivront pas au-delà de cinq ans, dit l’organisme Cancer de l’ovaire Canada.