Les Autochtones du Canada se font moins opérer que la moyenne de la population et ceux qui passent sous le bistouri risquent davantage de mourir ou de souffrir de complications, révèle une étude publiée ce lundi par le Journal de l’Association médicale canadienne (JAMC).

L’étude, qui conclut que le Canada doit « réévaluer les soins chirurgicaux pour les peuples autochtones pour s’assurer qu’ils ont un accès équitable et améliorer les résultats », est publiée alors que se déroule l’enquête publique du coroner sur la mort de l’Atikamekw Joyce Echaquan en septembre 2020, dans des circonstances troublantes, aux urgences de l’hôpital de Joliette.

Le DJason McVicar, anesthésiologiste à l’Hôpital d’Ottawa, explique que l’objectif de l’étude était de « regarder la littérature existante pour pouvoir déterminer à l’aide d’une approche formelle et systématique s’il y a des différences dans l’accès aux chirurgies et les taux de complications entre les non-Autochtones et les Autochtones », résume le chercheur en entrevue.

L’étude démontre que les citoyens autochtones sont moins nombreux à subir des interventions chirurgicales vitales comme des opérations cardiaques. Le taux de césariennes chez les femmes autochtones est inférieur de 3 % à 5 %. « Plusieurs facteurs déterminent si une femme a besoin d’une césarienne ou non. Mais on voit tout de même qu’il y a une différence dans les taux, dit le DMcVicar. Et que l’on devrait réaliser des analyses plus poussées pour mieux comprendre ce qui se passe. […] Notre étude n’est qu’un commencement. Mais elle montre certains signaux qui doivent être fouillés un peu plus. »

Les résultats montrent aussi que les Autochtones attendent bien plus longtemps pour subir certaines procédures, dont des transplantations de reins. Et ils risquent davantage de développer des complications comme des infections et des pneumonies.

PHOTO FOURNIE PAR PETER DUFFY

Le Dr Jason McVicar, anesthésiologiste à l’Hôpital d’Ottawa

Pour arriver à ces conclusions, le DMcVicar et ses collègues ont effectué une méta-analyse de 28 études comparant les résultats de différentes interventions chirurgicales réalisées auprès de citoyens autochtones et non autochtones du Canada. Sur les 1,9 million de cas étudiés, 10,2 % concernaient des Autochtones, dont certains s’identifiaient comme Métis ou Inuits.

Quatre études analysées par le DMcVicar ont en outre démontré que les Autochtones ont 30 % plus de risques de mourir après une opération. Et qu’ils sont beaucoup moins nombreux à subir des opérations améliorant la qualité de vie, comme un remplacement de la hanche.

Le DMcVicar indique que plusieurs hypothèses peuvent expliquer ces situations. L’accès à un médecin de famille est par exemple difficile dans plusieurs communautés. « Il faut se demander ce que l’on pourrait faire, dans tout le système de santé, pour être capable d’améliorer l’accès », dit-il.

Le DMcVicar parle entre autres de donner des soins de façon « culturellement compétente ».

Si tu as eu un membre de ta famille qui a été victime de racisme systémique ou de discrimination dans le système de santé, les chances que tu évites d’interagir avec ce système, à moins que ce ne soit absolument nécessaire, sont grandes.

Le DJason McVicar, coauteur de l’étude

« Nous avons besoin de meilleures données »

Les chercheurs notent que les données concernant les peuples autochtones et les soins chirurgicaux sont « limitées et de piètre qualité ». « L’étude montre aux Canadiens deux choses : nous avons besoin de meilleures données. Et les données que nous avons montrent qu’il faut faire mieux », indique le DMcVicar.

Celui-ci précise que plus de données sont nécessaires pour pouvoir mieux décrire la réalité des quelque 630 communautés autochtones du Canada : « Il y a une grande diversité dans les communautés autochtones. Nous voulons respecter cette diversité. […] Tous n’ont pas les mêmes priorités. »

Chirurgienne cardiaque et fellow à la Cleveland Clinic, la Dre Donna May Kimmaliardjuk indique que l’étude qu’elle cosigne « met en lumière les iniquités de notre système de soins chirurgicaux ».

« Ce n’est que lorsque nous aurons des données valables qui montrent les différences dans ce que l’on fait que l’on pourra changer les choses », dit le DMcVicar.

Ce dernier qualifie l’histoire de Joyce Echaquan de « terriblement triste ». « Pour chaque Joyce Echaquan, il y a entre 100 et 1000 histoires qui ne sont pas rapportées, dit-il. […] Il faut voir comment on peut changer le système pour s’assurer que le système soit sécuritaire. »