Même si plusieurs rapports successifs démontraient depuis 2016 que les soins offerts au Manoir Liverpool n’étaient pas optimaux et que différents intervenants du réseau de la santé se rendaient régulièrement dans la résidence privée pour offrir des services, le grand patron de la vaccination au Québec, Daniel Paré, qui était à l’époque PDG du CISSS de Chaudière-Appalaches, affirme qu’il ignorait tout des problèmes vécus dans cette résidence.

« Dans nos mécanismes, on ne relevait pas d’enjeu de négligence et de maltraitance », a-t-il dit. M. Paré faisait partie des témoins entendus lundi à l’enquête publique du coroner qui se penche sur la mort de Jaques Lévesque, survenue le 26 avril 2020 au Manoir Liverpool. Une éclosion de COVID-19 s’est déclenchée le 24 mars 2020 dans cette résidence privée pour aînés et ressource intermédiaire de Lévis de 126 places. Dans les jours qui ont suivi, le CISSS de Chaudière-Appalaches a mis l’établissement en tutelle.

Le 27 avril, Radio-Canada diffusait un reportage faisant état de la piètre qualité des soins offerts au Manoir Liverpool. Avant le reportage, M. Paré dit qu’il n’avait jamais entendu parler de lacunes au Manoir Liverpool.

En réaction au reportage de Radio-Canada, le CISSS a déclenché une enquête administrative, au début de mai 2020. Le rapport d’enquête diffusé en février 2021 confirmait que les personnes hébergées au Manoir Liverpool avaient été victimes de maltraitance pendant au moins cinq ans. Le rapport déplorait la tolérance du CISSS de Chaudière-Appalaches envers le Manoir Liverpool.

Dans la foulée de la publication du rapport d’enquête administrative, M. Paré avait affirmé qu’il n’était pas au courant de ce qui se passait au Manoir Liverpool. Certains ont réclamé sa démission. Durant son témoignage devant la coroner lundi, M. Paré a martelé que le dossier du Manoir Liverpool ne lui a jamais été signalé.

Un « extrême malaise »

La coroner Géhane Kamel a dit lundi avoir un « extrême malaise » en voyant que différents plans de corrections ont été adressés au fil des ans au Manoir Liverpool, mais que le PDG Paré n’en a jamais été informé. Elle a dit être « un peu inquiète » du fait que ça ait pris une enquête journalistique pour que le CISSS déclenche une enquête administrative.

M. Paré a expliqué que le commissaire aux plaintes du CISSS avait reçu sept plaintes sur le Manoir Liverpool en trois ans, ce qui « ne sortait pas de l’ordinaire ». Et parce que ces plaintes ne concernaient ni la maltraitance ni la négligence, jamais il n’en a été informé.

M. Paré a indiqué que dans ses relations avec les résidences privées pour aînés et les ressources intermédiaires, le réseau de la santé est dans un mécanisme « d’amélioration continue ». « Oui, on a noté des choses. Mais les plans d’amélioration montraient que les choses avançaient. […] Si les gens s’améliorent et continuent d’avancer, on va les soutenir. À moins qu’il y ait des dangers de sécurité et de négligence et de maltraitance. »

M. Paré a reconnu qu’il y avait « une notion de récurrence qui est préoccupante » dans les nombreux plans de corrections imposés au Manoir Liverpool au fil des ans. « Ça doit faire partie des améliorations à apporter pour la suite », a-t-il dit.

« Comment nos processus n’ont pas permis de détecter ces éléments-là ? C’est sûr qu’on se la pose, cette question-là », a aussi déclaré la directrice de la qualité, de la performance et de l’éthique au CISSS de Chaudière-Appalaches, Valérie Lapointe, aussi appelée à témoigner devant la coroner Kamel.

Le Manoir Liverpool a été vendu ces dernières semaines. Les audiences se poursuivent jusqu’à vendredi au palais de justice de Québec.