(Montréal) Une récente offre d’emploi du CISSS des Laurentides demandant uniquement « des femmes blanches » pour des postes de proposée aux bénéficiaires a relancé le débat sur la façon de soigner des personnes âgées atteintes de troubles mentaux refusant d’être traitées par des gens racialisés.

Selon les responsables de deux agences de placement au Québec, ce type de comportement peut être généralement constaté chez des patients racistes atteints de démence ou d’Alzheimer. Les employés racialisés sont affectés à d’autres patients pour des raisons de sécurité.

Toutefois, des experts du domaine de la santé jugent que cette pratique d’essayer de protéger des travailleurs racialisés en les remplaçant par des Blancs est condescendante et paternaliste.

« C’est du racisme, c’est de la rationalisation », soutient Bharati Sethi, une professeure de travail social de l’Université Western. Elle ajoute qu’en préférant transférer des travailleurs racialisés au lieu de se pencher sur les problèmes institutionnels plus importants, on minimise le problème.

« Franchement, nous devons arrêter de rationaliser, regarder le problème à la racine et agir », ajoute-t-elle.

Mercredi, La Presse rapportait que « le CISSS des Laurentides avait tenté à 10 reprises, l’automne dernier, de recruter des préposées aux bénéficiaires obligatoirement “de couleur de peau blanche” pour travailler à l’hôpital de Saint-Eustache ».

Un patient « difficile » atteint de démence refusait d’être soigné par une personne racialisée.

La CIUSS a annoncé une enquête interne sur cette offre d’emploi.

La présidente de Soins de santé Confort Élite, Jill Eusanio, reconnaît que son agence de placement reçoit plusieurs fois par année des demandes exclusivement pour des employés blancs. Selon elle, la question est plus complexe qu’il n’y paraît.

« Ces demandes concernent habituellement des personnes âgées, des clients racistes souffrant d’une maladie mentale comme l’Alzheimer ou la démence. Ils peuvent être méchants avec un employé. Que dois-je faire ? Dois-je mettre un employé noir dans un environnement où il sera verbalement agressé et pourrait être frappé physiquement ? »

Mme Eusanio, dont l’agence dit faire affaire avec des institutions publiques et offre des services d’infirmière à domicile, dit ne jamais promettre l’envoi d’un employé blanc. Mais si l’un de ses employés est victime de violence de la part d’un patient à cause de son origine ethnique, elle devra le transférer.

La présidente d’Agence Continuum de Sherbrooke, Hélène Gravel, dit que les demandes pour uniquement des employés blancs « très, très rares ».

Mme Gravel assure que ces types de demandes visent à ne pas placer des employés dans des situations difficiles lorsqu’ils s’occupent de patients souffrant de maladie mentale qui réagissent mal à des personnes différentes.

Elle confirme qu’elle reçoit des demandes provenant de patient en convalescence qui refusent l’aide d’une personne racialisée. Dans ces cas, l’agence refuse de les servir, souligne Mme Gravel, ajoutant qu’elle ne tolère pas le racisme.

Racisme

La professeure Sethi dit avoir constaté dans une étude que les employés de soutien noirs d’un établissement de soins en Ontario étaient fréquemment victimes de racisme de la part des patients, de leurs familles et même dans certains cas de leurs collègues.

Si ces employés pensent qu’ils seront remplacés par des Blancs, cela pourrait les inciter à ne pas dénoncer les actes racistes par crainte de perdre leur travail, souligne-t-elle.

La Dre Sophie Zhang, qui supervise 15 établissements de soins de longue durée à Montréal, reconnaît qu’il existe des patients ouvertement racistes, mais leur cas peut être difficile à gérer s’ils sont atteints d’une forme de démence.

La Dre Zhang voit deux problèmes à des demandes d’employés exclusivement blancs : l’un concerne les aménagements sur le lieu de travail, tandis que l’autre concerne la discrimination à l’embauche.

« Pour moi, la discrimination au moment de l’embauche est inacceptable, déclare-t-elle. On ne peut pas se trouver des raisons pour le faire ».

Toutefois, des accommodements peuvent être nécessaires sur les affectations.

« Ce n’est pas parce que nous voulons céder au racisme, mais bien parce que parfois la sécurité du travailleur est en danger en raison des agressions verbales et physiques », raconte la Dre Zhang.

Cela doit être la décision de dernier recours. Quand un patient peut être raisonné, la première étape est le dialogue.

« Ma première réaction est de leur dire que nous n’acceptons pas le racisme, dit la Dre Zhang. Que tous nos employés sont compétents, qualifiés, qu’ils prendront bien soin d’eux, quelle que soit leur race, et qu’aucune agression verbale ou physique ne sera tolérée. »

Parfois, le patient finit par faire confiance à l’employé qui s’occupe de lui, note-t-elle. Dans l’ensemble, elle a dû s’occuper de quelques cas où des patients ont demandé à être traités par des personnes blanches.

« Nous ne devons intervenir et faire ces accommodements que dans un petit nombre de cas. »

Cette dépêche a été produite avec l’aide financière des Bourses de Facebook et de La Presse Canadienne pour les Nouvelles.