Au moment où ça déborde partout, il y a un endroit qui offre des services de santé et qui n’arrive pas à pourvoir toutes ses places.

Il s’agit du centre de jour de la Maison St-Raphaël, qui accueille des gens atteints d’une maladie incurable et leurs proches aidants. Aménagé dans une ancienne église, au cœur de Montréal, il peut accueillir 12 personnes par jour. Il n’en vient que 12 par semaine.

Ça peut s’expliquer par la pandémie, bien sûr, mais aussi par le fait que c’est une approche qui sort des sentiers battus. « C’est une maison que j’aimerais que tant de personnes connaissent, dit Christiane Kouchnire, 90 ans. On ne la connaît pas. Moi, je l’ai connue tout à fait par hasard. »

Mme Kouchnire, atteinte d’un cancer de l’estomac, y vient toutes les semaines depuis des mois. Elle reçoit des traitements d’acupuncture, de massothérapie, de zoothérapie, de musicothérapie ou d’art thérapie, une fois par semaine. Tout est gratuit. Avant la pandémie, elle avait aussi droit à un repas le midi, servi dans la salle à manger qui se trouve là où se situait l’autel. Mais depuis la crise de la COVID-19, c’est chez elle que ce repas est livré le lundi.

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Christiane Kouchnire, 90 ans, atteinte d’un cancer incurable, fréquente le centre de jour de la Maison de soins palliatifs St-Raphaël.

C’est une maison, franchement, où on retrouve tellement d’humanité, tellement de dignité aussi. C’est un lieu paisible, on y est bien. Chaque fois que je sors de là, je ne suis pas toute neuve, c’est sûr, mais on dirait qu’on me recycle un peu, dit-elle en rigolant. Les personnes, là-bas, c’est incroyable, c’est des anges.

Christiane Kouchnire, bénéficiaire des services du centre de jour de la Maison St-Raphaël

Le cœur de la mission

La Maison St-Raphaël, ouverte depuis novembre 2019, est d’abord une maison de soins palliatifs, dans un décor à mille lieues de celui d’un hôpital, mais son centre de jour est un volet important de sa mission.

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Le centre de jour de la Maison St-Raphaël est situé dans une ancienne église.

Les soins palliatifs, rappelons-le, sont destinés aux personnes dont la mort est proche, trois mois ou moins, et pour lesquelles la médecine ne peut plus rien. Il s’agit de soins qui n’ont pas pour but de prolonger inutilement la vie, mais plutôt de rendre les jours qui restent à vivre les plus confortables possible dans un climat chaleureux et serein. En général, ces soins sont offerts, au Québec, dans des hôpitaux ou dans des établissements de type hospitalier.

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Olivia Lévêque, directrice de l’établissement (à gauche), Mélanie Octeau, directrice des communications, et René Fréchette, directeur adjoint

Mais il est très rare que de tels soins soient prodigués dans une maison (ici, dans une église !) plutôt que dans un établissement. « Il y a seulement deux maisons de soins palliatifs dans l’île de Montréal. Il y a des soins palliatifs en milieu hospitalier, mais dans un milieu comme le nôtre, il y a seulement nous et la résidence Teresa-Dellar », précise le directeur adjoint, René Fréchette.

La clientèle vient de partout à Montréal. À l’étage supérieur, dans l’ancienne nef, il y a 12 chambres privées pour des gens en phase terminale. Les visiteurs sont admis 24 heures sur 24, sept jours sur sept.

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Mélissa Pilon, préposée aux bénéficiaires, tient le couple de tourterelles qui sert à faire de la zoothérapie.

À l’étage inférieur se trouve le centre de jour, où on prodigue des soins et des services à des gens qui sont aussi en fin de vie, mais qui sont en assez bonne santé pour rester à la maison. L’idée, inspirée du St Christopher’s Hospice de Londres, est « de donner du support tout le long de la trajectoire de la maladie », précise la directrice, Olivia Lévêque.

« On n’est pas dans la guérison, mais on peut vivre longtemps en soins palliatifs, plusieurs années. »

Pourquoi n’y a-t-il pas plus de monde ?

On a réalisé qu’il y a beaucoup d’appréhensions avec la COVID-19. Les gens s’imaginent que c’est un peu comme un CHSLD ou que c’est une résidence. Ici, les lieux sont sécuritaires. C’est sûr que, dans les faits, on ne peut rien garantir, mais tout est mis en place et nos équipes sont ici.

Mélanie Octeau, directrice des communications

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Des patients et des proches ont écrit des remerciements.

Il y a un médecin à temps plein et cinq autres à temps partiel. Le centre, situé sur le chemin Deacon, près de l’avenue Lajoie, emploie 48 personnes en tout, infirmières, préposés aux bénéficiaires, travailleurs sociaux, pharmaciens, thérapeutes, et compte sur l’apport de dizaines de bénévoles.

« Même moi, j’ai commencé comme bénévole à l’accueil, glisse Mélanie Octeau. À la base, c’est par choix, je suis venue ici. J’ai eu un gros coup de cœur pour la direction et sa façon de faire les choses. Et me voici avec le plus bel emploi du monde ! »

Le duo thérapeutique

Anne Lacourse, musicothérapeute, est aussi à la Maison St-Raphaël par choix. Avant de se joindre à l’équipe, elle travaillait depuis 14 ans au Centre hospitalier de St. Mary.

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Anne Lacourse, musicothérapeute, et Julie Jobin, massothérapeute

« C’était vraiment le rêve de ma vie de ne travailler qu’en soins palliatifs, dit-elle. Je me sers de la musique pour aider les gens à se calmer, à se détendre, pour diminuer leur anxiété. J’utilise la harpe, la guitare, la voix, beaucoup d’improvisation musicale aussi. »

Mme Lacourse travaille, le plus clair de son temps, en duo avec sa collègue massothérapeute Julie Jobin. Pendant que l’une masse, l’autre joue de la musique ou chante. « On est très choyées. On a vraiment le temps de prendre le temps avec les patients. Les soins qu’on prodigue sont compris, on reconnaît que ça fait du bien. Donc, ça facilite beaucoup notre travail et les patients en bénéficient davantage.

« Il n’y a pas un jour où je ne me lève pas en me disant : ‟Ah, je suis contente de venir !” Souvent, on est émus aux larmes de rencontrer les gens. Je sens que c’est important, ce que je fais. »

Julie Jobin rêvait aussi depuis longtemps de travailler en soins palliatifs.

J’ai le privilège d’amener de la douceur, du confort, un touché bienveillant, sécurisant. Le rapport au corps est différent. Ce n’est pas comme quand on reçoit des soins par intraveineuse. Ça vient humaniser l’approche. Ça fait une grosse différence.

Julie Jobin, massothérapeute

La communauté

La Maison St-Raphaël est un projet un peu fou, né de la volonté d’anciens paroissiens de cette église catholique anglophone, surtout issus de la communauté d’origine irlandaise, ainsi que de gens d’affaires et d’intervenants de la santé. En 2008, à la suite de la fermeture de l’église, l’archidiocèse de Montréal a accepté de céder l’usage du bâtiment et de son terrain à la communauté dans le but d’y faire un projet sans but lucratif, au service de la collectivité.

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Lorsqu’un résidant meurt, cette bougie est allumée.

« Ils avaient l’option de raser l’église et de reconstruire. Ça aurait coûté beaucoup moins cher, en fait, confie Olivia Lévêque. Mais ils ont décidé de conserver l’église. »

Les deux tiers du financement proviennent de dons privés d’entreprises et d’individus. L’autre tiers est accordé par le gouvernement, sous la forme de subventions et de crédits d’impôt.

« C’est plus difficile avec la COVID-19, souligne le directeur adjoint, René Fréchette. La philanthropie, c’est beaucoup une question relationnelle. En ce moment, on arrive vite à la fatigue Zoom et à la fatigue des entrevues et des téléphones. Même si toutes les organisations philanthropiques cherchent à nourrir le lien avec les donateurs, il y a un défi. Et notre organisation est jeune. On est encore en train de se faire connaître, d’expliquer à quel point ce qu’on fait est important. On est tous hyper stimulés par ce qui se passe ici et ce qui va se passer dans le futur. On est dans un lieu extraordinaire. »