(Montréal) Québec annonce un investissement de 15 millions pour accroître la sécurisation culturelle auprès des Premières Nations et des Inuits.

Le concept de sécurisation culturelle réfère aux soins de santé qui sont donnés dans le respect de l’identité culturelle du patient.

Des formations seront offertes « à tout le personnel des centres hospitaliers » pour le familiariser avec la notion de sécurisation culturelle, a expliqué le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, lors d’une conférence de presse vendredi à Montréal.

« On va se concentrer dans les centres hospitaliers et les hôpitaux où il y a des populations autochtones », a précisé M. Dubé, qui souhaite que l’hôpital de Joliette soit le premier à mettre en œuvre les formations visant à améliorer les rapports entre les soignants et les patients autochtones.

L’hôpital de Joliette, situé dans Lanaudière, a récemment fait les manchettes après la mort de Joyce Echaquan, une femme Atikamekw de 37 ans.

Peu avant sa mort, Joyce Echaquan a subi des insultes dégradantes d’une infirmière et d’une préposée aux bénéficiaires, alors qu’elle se trouvait sur son lit d’hôpital. Mme Echaquan a filmé la scène et la vidéo des insultes a largement circulé, semant l’indignation dans la population.

Des agents de liaison et des « navigateurs »

Le montant de 15 millions inclut également l’embauche d’agents de liaison, au sein des établissements, pour assurer les relations avec les communautés.

Des « navigateurs de service », de préférence autochtones, seront également déployés sur le terrain.

Ces personnes auront le mandat de guider les patients autochtones dans le système de soins.

Ian Lafrenière, ministre responsable des Affaires autochtones, a indiqué que ces mesures étaient « une réponse directe au constat de la commission Viens ».

« L’instauration d’une approche répondant à leurs besoins ainsi qu’à leurs réalités, dans le réseau québécois de la santé et des services sociaux, est la première d’une longue série de mesures qui devraient contribuer à faire progresser la lutte contre le racisme, de même que le respect de la dignité auquel toute personne a droit au sein des services publics. »

La somme de 15 millions fait partie des 200 millions promis pour répondre aux recommandations de la commission d’enquête.

Le rapport Viens, de la Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics, déposé il y a un an, recommandait de « sensibiliser les ordres professionnels à l’importance d’inclure dans leurs programmes de formation des contenus développés en collaboration avec les autorités autochtones et portant sur les besoins et caractéristiques des Premières Nations et des Inuits ainsi que sur la sécurisation culturelle ».

Un accueil favorable de l’APNQL

L’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador (APNQL) a publié un communiqué dans lequel elle indique qu’elle « accueille favorablement les mesures annoncées ».

L’APNQL souhaite cependant insister sur l’importance que l’ensemble des acteurs concernés prennent ces mesures au sérieux.

« La volonté politique manifestée par le gouvernement aujourd’hui doit pouvoir se traduire par des gestes concrets dans la prestation des services dans tous les établissements du réseau de la santé et des services sociaux du Québec », peut-on lire dans le communiqué.

Le chef de l’APNQL, Ghislain Picard, a indiqué « qu’il y a urgence d’encadrer ces pratiques de sécurisation culturelle par des mesures législatives afin d’éviter toute situation déplorable ».

En ce sens, Ghislain Picard demande notamment au gouvernement d’adopter le « Principe de Joyce », en référence à Joyce Echaquan, qui « vise à garantir à tous les autochtones le droit d’avoir accès sans aucune discrimination à tous les services de santé et services sociaux ainsi que le droit de jouir du meilleur état possible de santé physique et mentale ».

L’opposition salue l’initiative

À Québec, les partis d’opposition s’entendent pour souligner que ces mesures sont nécessaires pour améliorer les conditions de vie des Premières Nations et les relations avec le gouvernement provincial, en apportant cependant des bémols.

« C’est un pas dans la bonne direction, toutefois les recommandations de la consultation publique sur le “principe de Joyce” initié par le Conseil des Atikamekw de Manawan seront déposées dans les prochains jours. Il reste beaucoup de travail à faire pour rétablir les liens de confiance », a souligné le porte-parole libéral en matière d’affaires autochtones, Gregory Kelley.

Le chef parlementaire du Parti québécois, Pascal Bérubé, a tenu à rappeler, sur Twitter, que « la sécurisation culturelle pour les autochtones va exactement dans le sens de notre motion du 7 octobre dernier présentée par la députée Véronique Hivon ».

De son côté Québec solidaire n’a pas mis de temps à réagir positivement à l’annonce du gouvernement. Mais la porte-parole Manon Massé a toutefois indiqué que son parti avait encore « beaucoup de questions quant à la vision du ministre sur le déploiement » de ces mesures, ajoutant que « des cibles claires et un échéancier ambitieux doivent être privilégiés ».

Selon le Centre de collaboration nationale de la santé autochtone, les Premières Nations du Canada sont aux prises avec des taux de diabète, de mortalité infantile et de différentes maladies chroniques beaucoup plus élevés que les non-autochtones.