Faute de financement, les cliniques 180, qui accompagnent les familles dans leur lutte contre l’obésité infantile, risquent de fermer leurs portes. Cette menace survient pourtant au moment où elles connaissent une hausse marquée du nombre de jeunes patients due à la pandémie, affirme leur fondatrice, la Dre Julie St-Pierre.

Depuis le début de la pandémie de COVID-19, les lignes téléphoniques des cliniques 180 du Québec, où l’on traite notamment les enfants souffrant d’obésité, sont toujours occupées. La fondatrice, la pédiatre Julie St-Pierre, n’est pas totalement surprise : « En période de confinement et de stress, c’est sûr qu’il va y avoir plus d’obésité et que ça va augmenter la proportion de gens qui souffrent de cette maladie-là. »

Et pourtant, même si les cliniques de la Dre St-Pierre connaissent une augmentation du nombre de patients depuis le début de la crise sanitaire ainsi qu’une hausse des demandes de formation par d’autres médecins, elle craint de devoir fermer ses portes à la fin de l’année. Faute de financement du gouvernement du Québec, regrette-t-elle.

« C’est décevant… mais nul n’est prophète en son pays. J’ai été la première Québécoise à siéger au Conseil de prévention de l’obésité aux États-Unis en 2009 pour le programme de Michelle Obama. Et encore aujourd’hui, cette expertise-là semble difficilement reconnaissable par le gouvernement du Québec », confie la pédiatre.

Parmi les enfants qui ont eu recours aux services d’une clinique 180 dans les dernières semaines, il y a Rose, 8 ans. Sa mère, Geneviève Carrière, confie que la pandémie a été le coup de barre pour sa fille, dont les conditions physiques se sont alors détériorées. « En plus de manger beaucoup plus, elle mangeait mal. »

Les consultations avec les spécialistes de la clinique ont rapidement « transformé » Rose. « Elle a retrouvé l’énergie qu’elle avait à la garderie ! Un jour où nous étions au Parc Safari, et elle a couru comme ça faisait longtemps que je ne l’avais pas vue courir », relate avec émotions Mme Carrière.

Le programme est vraiment fait pour les enfants. C’est imagé pour qu’ils comprennent. Par exemple, on lui a expliqué que le sucre portait une cape d’invisibilité et qu’on ne le voyait donc pas toujours.

Geneviève Carrière, mère de Rose, 8 ans

Jean Adingra, veuf depuis peu, est père de deux enfants. Pendant le confinement, ses petits ont moins bougé qu’à l’habitude, comme ce fut le cas pour bien des enfants montréalais, et sa fille de 3 ans a vu apparaître « une petite bedaine », selon ses mots.

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Jean Adingra

D’après cet homme originaire de la Côte d’Ivoire, l’approche de la clinique 180 qu’il qualifie de « différente et plus conviviale » a permis à sa cadette de retrouver son poids santé en quelques mois et, aussi, a donné la chance à toute la famille d’adopter des habitudes de vie plus saines.

Avec l’approche 180, une famille reçoit environ 25 heures de consultation avec plusieurs professionnels de la santé. « L’enseignement multidisciplinaire des équipes comme la nôtre, c’est vraiment la méthode la plus efficace, souligne la fondatrice de la clinique qui a des antennes dans quelques régions du Québec. C’est vraiment la voie pour réduire en amont cette épidémie d'obésité, qui en ce moment ne fait qu’aggraver l’épidémie de COVID-19. »

La pandémie nous a juste donné une claque au visage. Réveillez-vous ! Ce sont ces gens-là qui sont les plus vulnérables.

La Dre Julie St-Pierre, pédiatre et fondatrice de la clinique 180

La revue scientifique médicale The Lancet a d’ailleurs publié un rapport-choc le 16 octobre dernier affirmant que le monde ne faisait pas face qu’à une pandémie, mais à une « syndémie », c’est-à-dire à une conjonction de plusieurs urgences sanitaires qui fait bondir le nombre de morts liées à la COVID-19.

« L’interaction de la COVID-19 avec la hausse mondiale continue ces 30 dernières années des maladies chroniques et de leurs facteurs de risque, dont l’obésité, l’hyperglycémie (haut taux de sucre dans le sang) et la pollution atmosphérique, a créé les conditions d’une tempête, alimentant le nombre de morts de la COVID-19 », a expliqué la prestigieuse revue médicale britannique dans un communiqué.

Pour la Dre Julie St-Pierre, il n’est pas « banal » que des organisations comme les Nations unies et l’Organisation mondiale de la santé aient aussi martelé récemment qu’il était grand temps que les gouvernements s’intéressent au fléau des maladies non transmissibles liées aux conditions de vie, dont l’obésité. « C’est une première pour l’OMS de dire aux pays qu’ils ne peuvent pas ne pas en parler », souligne Mme St-Pierre.