(Montréal) Le Québec n’a jamais compté autant d’infirmières que cette année, indique leur ordre professionnel, qui vient de publier ses statistiques sur la profession pour 2020. Pourtant, il existe bel et bien une pénurie « sur le terrain ».

Ainsi, le 31 mars dernier, il y avait 78 204 personnes inscrites au tableau de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec.

Il y avait 1600 infirmières de plus que l’année précédente, soit une croissance des effectifs de 2,2 %. Là encore, il s’agit du taux de croissance le plus élevé des 20 dernières années.

« Depuis 10 ans là, il y a une augmentation régulière de l’effectif. On n’en a jamais eu autant, d’infirmières, au Québec actuellement », a résumé en entrevue vendredi Luc Mathieu, président de l’ordre professionnel.

En plus du nombre record de nouveaux membres, l’ordre professionnel a également enregistré un nombre record de retours dans la profession, soit 1260. Parmi ces retours dans la profession, on compte une centaine d’infirmières qui sont revenues à la suite de l’appel lancé par le gouvernement à cause de la pandémie de coronavirus.

Pénurie « sur le terrain »

Ce nombre inégalé d’infirmières inscrites au tableau de l’ordre est d’autant plus paradoxal qu’il existe en même temps une pénurie d’infirmières « sur le terrain », affirment tant l’ordre professionnel que la grande organisation syndicale des infirmières, la FIQ.

Le problème vient en effet de la trop faible proportion d’infirmières qui travaillent à temps complet.

Cette question de l’ouverture de postes à temps complet est justement au cœur des négociations entre la Fédération interprofessionnelle de la santé et le gouvernement du Québec.

Pourquoi si peu de temps complet ? Le président de l’OIIQ identifie plusieurs facteurs : « le temps supplémentaire obligatoire est devenu systémique dans l’organisation du réseau de la santé ». Et cela pose problème.

Ce fameux TSO fait, par exemple, que des postes à temps complet qui sont affichés ne trouvent pas preneur. Des infirmières à temps partiel refusent de postuler pour du temps complet, parce qu’avec les heures supplémentaires obligatoires, elles vont se retrouver à travailler durant sept jours. Elles préfèrent donc prendre un poste de trois jours et faire deux quarts supplémentaires, pour parvenir à cinq jours de travail, explique-t-il.

Dans d’autres cas, les postes à temps complet sont répartis sur plusieurs quarts de travail, jour, soir et nuit — ce qui nuit à la conciliation travail-famille.

Pour régler les problèmes de fond, M. Mathieu croit aussi qu’il faut cesser de voir les infirmières comme du personnel « interchangeable », comme « des bras ». On doit cesser de faire passer une infirmière qui a 10 années d’expérience aux soins intensifs à un CHSLD. L’expertise prend du temps à acquérir et elle doit être valorisée, plaide-t-il. « Le mythe de l’infirmière généraliste qu’on peut déplacer, ça ne tient plus. »

De même, l’organisation des soins doit être revue pour maximiser la contribution de chacun. Les infirmières passent trop de temps à effectuer les tâches des infirmières auxiliaires ou d’autres titres d’emploi, explique M. Mathieu.