(Québec) Les partis d’opposition fulminent contre le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, qui a suggéré jeudi que le Québec pourrait attirer des compagnies pharmaceutiques en leur donnant accès aux données de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ).

« Les données de la RAMQ, c’est une mine d’or », a d’abord affirmé jeudi M. Fitzgibbon alors qu’il répondait aux questions des partis d’opposition à l’étude des crédits budgétaires de son ministère.

« Je sais que c’est un sujet très controversé, je ne rentrerai pas là-dedans tout de suite, j’ai des vues très précises sur ça. Mais le jour où on peut se rendre confortable de donner accès à nos données de santé aux compagnies pharmas qui vont venir dans nos hôpitaux universitaires qui sont très performants, […] c’est winner », a poursuivi le ministre.

« La stratégie du gouvernement, c’est carrément de vouloir attirer les pharmas, quelques pharmas, à venir jouer dans nos platebandes. [À] profiter de ça. Et je pense qu’on a une chance incroyable d’y arriver », a-t-il ensuite complété.

Des propos « dangereux »

Le Parti québécois et Québec solidaire ont repris la balle au bond, vendredi, qualifiant les propos du ministre de l’Économie de « dangereux » et de « délire de businessman déconnecté ».

« Ces propos-là donnent la chair de poule. C’est un délire de businessman déconnecté. Je ne vois pas comment un ministre de l’Économie, en 2020, peut lancer une telle idée avec autant de désinvolture », a dénoncé le leader parlementaire de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois.

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Gabriel Nadeau-Dubois

« En ce moment, il y a des Québécois qui ont peur pour leurs données personnelles, qui se sont fait voler leurs données personnelles parce qu’ils sont clients de Desjardins, et là, ils entendent que le ministre de l’Économie veut donner accès aux données de la RAMQ, donner accès aux données de la RAMQ aux grandes entreprises pharmaceutiques. C’est du délire », a-t-il poursuivi.

Le péquiste Harold LeBel a pour sa part dénoncé les méthodes du gouvernement de la Coalition avenir Québec en affirmant qu’ils font de la « business » plutôt que de servir le Québec.

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Harold LeBel

« C’est dangereux, là, c’est nos données personnelles à la RAMQ qu’on donnerait à des pharmaceutiques pour faire de la business », a-t-il affirmé vendredi.

« C’est vos données, c’est nos données. Je ne vois pas comment on peut permettre de donner à des pharmaceutiques nos données personnelles pour faire de la business, non », a-t-il ajouté.

« On ne va pas donner ça à n'importe qui »

La Presse a fait une demande d'entrevue auprès de Pierre Fitzgibbon vendredi afin qu'il précise ses propos sur les données de la RAMQ et les compagnies pharmaceutiques. Cette demande d'entrevue a été refusée par son cabinet, qui a affirmé que l'agenda du ministre était plein pour la journée.

En commission parlementaire, jeudi, alors qu'il était questionné par le député solidaire Vincent Marissal, M. Fitzgibbon a affirmé que les données personnelles des Québécois détenues par la RAMQ ne seraient « pas données à n'importe qui ».

« Il est clair que l’avantage comparatif du Québec pour l’intelligence artificielle réside à plusieurs endroits, dont les données de la RAMQ. Il n’y a aucun doute. […] Quand on va régler les enjeux de confidentialité, on va régler les enjeux d’accès aux données personnelles, ce sont des données qui sont incroyablement puissantes parce que peu d’endroits dans le monde ont un dépositaire avec autant de données », a poursuivi le ministre.

« Le futur scientifique de la médecine réside sur comprendre nos génomes, comprendre qu’est-ce qui arrive avec nos données. Alors c’est sûr qu’on a besoin de ça. On a une mine d’or. Mais avant de donner ça à n’importe qui, il faut faire un travail d’accès aux données. Il n’y a aucun doute », a-t-il ajouté.

« C’est un devoir que nous avons comme gouvernement de profiter de ça pour augmenter la notoriété du Québec au niveau international sur la médecine spécialisée », a finalement complété M. Fitzgibbon, tout en restant vague sur le temps que prendrait Québec à mettre en place une telle stratégie.

L’affaire a depuis fait son chemin jusqu’à l’étude des crédits auquel participe la ministre responsable des Aînés, Marguerite Blais, vendredi. Puisqu’elle fait « partie du trio santé, j’aimerais savoir ce qu’elle en pense », a interrogé le député péquiste Harold LeBel. « Ma réponse serait prématurée, je ne vais pas répondre à ça », a lancé Mme Blais.

« Pourquoi prématurée ? », a renchéri M. LeBel. « Je considère que c’est au ministre de l’Économie de répondre à cette question-là, pas à la ministre responsable des Aînés », a-t-elle tranché, ne voulant visiblement pas s’aventurer sur la question.

- Avec Fanny Lévesque, La Presse