(Ottawa) Devant la récente augmentation du nombre de nouveaux cas de COVID-19 au Canada, qui suscite des inquiétudes au sujet d’une éventuelle deuxième vague, les défenseurs des personnes âgées en soins de longue durée affirment qu’Ottawa doit commencer immédiatement à délier les cordons de sa bourse afin que les aînés ne soient pas encore les principales victimes de cette pandémie.

L’Association canadienne pour les soins de longue durée affirme que ce secteur du réseau de la santé est depuis longtemps tombé entre les mailles du filet et que ce manque de soutien a contribué à créer les conditions qui ont conduit à des éclosions de COVID-19 — et à de nombreux décès — dans les foyers de soins de longue durée partout au Canada, notamment dans les CHSLD au Québec.

Maintenant que la pandémie a mis en lumière la fragilité du système de soins de longue durée, la présidente de l’association, Jodi Hall, affirme que le gouvernement libéral doit consacrer à ces centres de soins plus d’argent des programmes d’infrastructure. « Historiquement, le gouvernement fédéral n’a pas réussi à soutenir ce secteur », a-t-elle déploré mercredi.

Par leur configuration et leur vocation même, les foyers de soins de longue durée, souvent vétustes, étaient particulièrement vulnérables au coronavirus : des patients âgés et déjà malades, dans des chambres, des salles de bains et des salles à manger communes ou partagées, rappelle Mme Hall. Mais Ottawa pourrait atténuer ces pressions en permettant aux foyers de soins d’avoir accès à des fonds de la Stratégie nationale du logement, a-t-elle estimé.

Ces foyers pourraient aussi être placés au sommet de la liste des projets « prêts à démarrer » qui obtiendront des fonds de relance fédéraux et provinciaux dans le cadre des efforts de reprise économique post-pandémie, a suggéré Mme Hall.

Des problèmes « systémiques »

Plus tôt ce mois-ci, la Société royale du Canada a publié un rapport accablant sur l’état du réseau des soins de longue durée au Canada. Les experts ont accusé le Canada de manquer à son devoir de protéger les aînés vulnérables. Selon le rapport, la pandémie a révélé brutalement plusieurs vieilles lacunes, aux causes multiples et complexes, mais qui « ont en commun des attitudes systémiques et profondément institutionnalisées sur l’âge et le genre — qui sont fortement ancrées, mais à peine voilées ».

Une proportion énorme des décès dus à la COVID-19 au Canada — 81 % — sont survenus dans des centres de soins de longue durée, bien plus que ce qui a été observé dans des pays comparables : 31 % aux États-Unis, 28 % en Australie et même 66 % en Espagne. Mais pour ceux qui sont aux premières lignes, ces résultats ne sont pas nouveaux, rappelle Mme Hall. Depuis 2017, l’association qu’elle préside a rencontré une soixantaine de députés, divers ministres et des dizaines de conseillers fédéraux — en vain, dit-elle.

Or, Statistique Canada estime que le nombre d’aînés de plus de 65 ans devrait augmenter de 25 % d’ici 2036 et le nombre de Canadiens de plus de 80 ans doubler entre 2011 et 2036. L’association espère que les gouvernements cesseront de se chamailler sur les champs de compétence.

Le mois dernier, le premier ministre Justin Trudeau a estimé que des réformes plus profondes du système de soins de longue durée étaient probablement nécessaires au Canada, mais il est resté ferme sur le fait que ce serait aux provinces de mener ces discussions.

En plus des investissements, l’organisme national souhaite aussi une stratégie pancanadienne de ressources humaines en santé, afin d’attirer et de retenir des travailleurs pour les soins aux aînés, notamment des préposés aux bénéficiaires.